Un grand nom du vignoble condamné : nouveau coup dur pour le classement de Saint-Emilion

Une grande figure du vignoble bordelais a été condamnée, lundi 25 octobre, pour prise illégale d'intérêt dans le classement 2012 des grands crus de Saint-Emilion, ébranlant un peu plus cette hiérarchie prestigieuse dont les critères sont aussi contestés devant la justice administrative.
Le classement des vins de Saint-Emilion, dont la nouvelle édition est prévue en 2022, est sous les projecteurs de la justice.
Le classement des vins de Saint-Emilion, dont la nouvelle édition est prévue en 2022, est sous les projecteurs de la justice. (Crédits : Château La Croizille)

Copropriétaire du célèbre château Angélus, Hubert de Boüard a été condamné à 60.000 euros d'amende, dont 20.000 avec sursis, pour de "multiples participations à tous les stades de la procédure", entre 2010 et 2012, alors qu'il était chargé d'une mission de service public (membre du comité des vins de l'Institut national de l'origine et de la qualité, rattaché au ministère de l'Agriculture) et avait des intérêts dans plusieurs propriétés candidates et primées, dont Angélus. Philippe Castéja, autre ponte du Bordelais et propriétaire du château Trotte Vieille, qui avait comparu également fin septembre, a été relaxé.

Lire aussi 2 mnClassement de Saint-Emilion : amende requise contre un ponte du Bordelais


En 2012, Angélus avait été promu premier grand cru classé "A", sommet de la pyramide, et Trotte Vieille maintenu "B". Huit autres propriétés candidates pour lesquelles Hubert de Boüard était consultant ou superviseur avaient par ailleurs été récompensées. Au procès, les deux prévenus avaient toutefois nié en bloc avoir usé d'une quelconque influence dans ce prestigieux classement, révisable tous les dix ans, qui garantit d'importantes retombées commerciales, financières et médiatiques.

Mais le tribunal correctionnel a finalement estimé que le comportement d'Hubert de Boüard, absent lundi, était "manifestement l'expression d'un entre-soi" et un "trouble grave à l'ordre public économique et social".

"Des termes cinglants", a relevé maître Eric Morain l'avocat des parties civiles, trois propriétés familiales recalées en 2012. "C'est un bel épilogue et un soulagement après huit ans de parcours du combattant", a-t-il ajouté, malgré la pointe de déception de ses clients qui n'ont pas obtenu de dommages et intérêts. "Il est condamné à 20 caisses d'Angélus!...", déplorait ainsi l'un d'eux, dans une analogie avec le prix élevé du vin d'Hubert de Boüard, qui avait déclaré à l'audience entre 500.000 et 3 millions d'euros de revenus annuels. "Mais on a gagné !", s'empressait de lui rappeler une autre.

"Ce jugement, c'est aussi un appel pour que les choses se fassent mieux à l'avenir", a repris maître Morain. Ce classement "est une vitrine qui doit être irréprochable et qui ne l'a pas été (en 2012)".

Conseil d'Hubert de Boüard, maître Antoine Vey a indiqué à l'AFP qu'ils se laissaient le temps de comprendre le jugement avant de décider de faire appel ou non. Même si la tentation de laver son nom pourrait l'emporter, un appel prolongerait la procédure pénale de plusieurs mois avec le risque de jeter le discrédit sur la mouture 2022 du classement, en cours d'élaboration sur des critères plus ou moins semblables à celui de 2012 et attendue pour juin.

D'autant plus que sur un autre front judiciaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux doit se prononcer sur la validité de ce classement, contestée pour la pertinence de certains critères de notation. Une décision est attendue pour début 2022, avant la publication du nouveau classement.

"Si le juge administratif annule le classement 2012, alors le 2022, un copié-collé du précédent (en termes de critères, ndlr), risque la même chose. Et il pourrait même ne plus y avoir un classement de Saint-Emilion avant un bon bout de temps...", souligne Pierre Carle, propriétaire associé de Croque-Michotte, un des trois châteaux plaignants.

Hors des prétoires, la stature du classement a été égratignée cet été par la non candidature pour 2022 des châteaux Ausone et Cheval-Blanc, un séisme à l'échelle locale. Comme d'autres, ces poids lourds historiques, les deux seuls à être premiers grands crus classés "A" depuis l'origine, jugent que ses critères laissent trop de place à des "éléments secondaires" (notoriété, accueil du public...) au détriment des "fondamentaux" (terroir, dégustation...). Un claquage de porte que tout le monde ne peut pas se permettre. Selon l'Inao, il y a plus de domaines candidats en 2022 qu'en 2012.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.