"C'est une excellente nouvelle pour nous", saluait Jean-François Clédel, le PDG d'Ingéliance, au printemps 2019, après la signature de ce qui était alors qualifié de "contrat du siècle" par les observateurs : un accord pour 32 milliards d'euros entre Naval Group et l'Etat australien pour la fourniture et la maintenance de douze sous-marins océaniques pendant 50 ans. Environ un tiers de cette somme devait revenir à la France. Deux ans plus tard, c'est la douche froide : l'Australie vient de rompre unilatéralement le contrat avec son partenaire français au profit de technologies nucléaires américaines et britanniques. Un revers politique, diplomatique et stratégique pour Paris dénoncé conjointement par les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense.
"C'est une décision stratégique et politique aussi étonnante que regrettable puisqu'elle revient à diffuser une technologie nucléaire contrairement à ce qui avait été convenu avec les Etats-Unis. Mais ce n'est pas une décision industrielle ni une remise en cause du savoir-faire industriel de Naval Group et de sa supply chain", réagit à chaud Jean-François Clédel, le fondateur et désormais président du conseil de surveillance d'Ingéliance, interrogé par La Tribune. Naval Group est l'un des premiers clients de cette entreprise d'ingénierie qui pèse 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie environ 800 salariés. Elle comptait apporter à son client ses compétences notamment sur l'appareil propulsif des sous-marins, le système d'énergie et la construction des submersibles.
La co-entreprise en Australie est compromise
Et pour anticiper la montée en puissance de cet important contrat sur le plan de la maintenance en condition opérationnelle, la société, basée à Bordeaux, a créé dès 2019 une co-entreprise en Australie. Ingéliance s'est ainsi associée avec l'ingénieriste australien Memko, à Adélaïde.
"La co-entreprise emploie un salarié et devait commencer à grandir en fin d'année pour constituer une équipe de personnes en 2022... Aujourd'hui, c'est un fait, tout cela me semble sérieusement compromis !", juge Jean-François Clédel. "Si notre client n'est plus là, cela n'a pas beaucoup de sens pour nous de rester en Australie même s'il est bien sûr trop tôt pour être affirmatif. On va attendre de voir ce qu'il se passe."
Au total, Ingéliance espérait des retombées significatives permettant de créer 100 à 200 emplois à terme, principalement en Australie. Son dirigeant se montre néanmoins plutôt rassurant quant à l'impact sur son activité en France. "Nous avions identifié très peu de montée en charge en France, l'essentiel était en Australie. Mais il ne faut pas minimiser l'impact de la rupture de ce contrat pour Naval Group et la supply chain en France. C'est un vrai coup dur même si je suis convaincu que Naval Group saura s'adapter et s'en remettra", considère celui qui est aussi président de la CCI de Nouvelle-Aquitaine. Et malgré ce coup dur, Ingéliance maintient son objectif stratégique de croissance pour atteindre 100 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel d'ici 2024.
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