Papeterie de Bègles : pas de repreneur mais un projet de réindustralisation à l’étude

Aucune offre n’a été déposée au 15 janvier pour la reprise de la Papeterie de Bègles qui emploie 91 salariés et dont le groupe Etex s'est désengagé en octobre dernier. L’usine, située à Bordeaux Euratlantique, devrait donc fermer fin mars. Un dossier de réindustralisation est toutefois à l'étude à horizon deux à trois ans. En attendant, jusqu’au 10 février, des négociations sont en cours dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi.
L'intersyndicale représentant les 91 salariés de la Papeterie de Bègles dénonce une mort annoncée.
L'intersyndicale représentant les 91 salariés de la Papeterie de Bègles dénonce une mort annoncée. (Crédits : Intersyndicale de la Papeterie de Bègles)

Inquiétude, tension, frustration, colère aussi dans le rang des 91 salariés. La Papeterie de Bègles devrait fermer ses portes dans les prochaines semaines. A la suite de l'annonce, le 5 octobre 2020, du désengagement d'Etex, propriétaire du site depuis 2011, aucun repreneur n'a déposé d'offre dans le temps imparti, c'est-dire avant le 15 janvier 2021. Les négociations prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) sont donc en cours.

"349 entreprises et fonds industriels spécialisés en France comme à l'international ont été approchés dans le secteur de la papeterie et du recyclage, il y a eu des lettres d'intention mais sans garantie de l'emploi, et au final pas d'offre ferme", confirme à La Tribune Ugo Silveira, directeur du site.

En revanche, la piste de la réindustrialisation est explorée. La direction et les représentants du personnel confirment qu'un dossier est à l'étude pour un projet qui verrait le jour dans 24 à 36 mois. L'occasion pour le maire de Bègles de rappeler que la ville comme l'Etablissement public d'aménagement (EPA) Bordeaux Euratlantique souhaitent pérenniser l'emploi et l'industrie en cœur de ville. "L'avenir des villes, c'est la mixité fonctionnelle", insiste Clément Rossignol Puech.

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Un manque de compétitivité

Si Etex se désengage, c'est parce que la Papeterie de Bègles est confrontée à des difficultés économiques structurelles dues à une compétitivité insuffisante au regard des standards du secteur. "Le site est déficitaire depuis 2008 avec des pertes de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros par an. En 2020, nous sommes arrivés à -2 millions d'euros hors Covid donc il y a quand même eu des résultats en terme d'amélioration avec un total de 10 millions investis sur le site », précise Ugo Silveira. Mais selon le cabinet mandaté par le groupe, 50 millions d'euros d'investissement seraient nécessaires pour resserrer l'écart de compétitivité. "Ils ne seraient toutefois pas suffisants pour permettre au site de rivaliser avec des concurrents internationaux qui disposent de capacités de production jusqu'à cinq fois plus importantes", précise Etex qui a donc décidé d'un recentrage de sa stratégie d'investissements sur ses activités cœur de métier. La Papeterie n'en fait pas partie.

"Les résultats de l'étude de ce cabinet nous ont été communiqués début 2020, et le désengagement a été acté début octobre. Il aurait été inutile d'attendre. Par ailleurs, malgré le contexte, les investisseurs sont très réactifs. Ils ont globalement plus de temps à consacrer à ce type d'activité, et ils préparent l'avenir", assure Hugo Silveira.

Un manque d'investissement pour les syndicats

Difficile à avaler pourtant pour les syndicats qui pointent du doigt un échec stratégique.

"Cela fait des années que l'on met en avant les risques d'une usine comme la nôtre, qui relève de l'industrie lourde, où de vrais investissements sont nécessaires. Nous avions signalé un manque de suivi et l'absence d'investissements. Ils nous ont laissé mourir mais c'était une mort annoncée alors que le groupe est loin d'être pauvre. Voilà pourquoi on est en colère", lâche Daniel Castanon délégué syndical de la Filpac CGT, interrogé par La Tribune.

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A l'inverse, les concurrents auraient massivement investi. "Nous stagnons à 75.000 tonnes de papiers utilisés et recyclés par an, à 90, 91 voire 92 salariés, nos marges se réduisent, et si nous avions un intérêt stratégique il y a 15 ou 20 ans, le fait de stagner nous a fait reculer par rapport aux autres. On a laissé passer le train", regrette Patrice Langlade, délégué syndical CFDT.

Quelle peut être donc être la suite à envisager ? Continuer à produire du papier pour plaques de plâtre ? Clairement, non. Fabriquer un autre produit, en revanche, plutôt oui. Tout le monde se rejoint sur ce point.

"Nous pourrions très bien être rentables en faisant de l'emballage comme on a pu le faire dans les années 1980 ou du papier toilette, par exemple", assure Fabrice Langlade, délégué syndical CFDT.

Papeterie de Bègles

Banderole déployée par l'intersyndicale.

Des enjeux multiples

L'intersyndicale y croit encore, en mettant en avant ses atouts : un savoir faire qui existe depuis 91 ans. "Mais il y a aussi un enjeu écologique important pour la métropole alors que nous utilisons une grosse quantité de volume de papier et carton", insiste l'intersyndicale.

"Il va rapidement falloir que la métropole fasse évoluer ses filières de recyclage", confirme le maire de Bègles qui précise que la ville réfléchit à la mise en place d'un réseau de chaleur entre l'usine d'incinération et la papeterie pour réduire l'émission de gaz à effet de serre. "On se projetait en accompagnant cette entreprise dans la transition environnementale et énergétique", assure-t-il.

Et d'ajouter qu'il y a aussi derrière un enjeu national de maintien de la filière papetière en France.

"C'est à l'Etat de réagir", déclare Clément Rossignol Puech.

Une nouvelle table ronde avec l'Etat, l'EPA Bordeaux Euratlantique, les collectivités et Etex est prévue le 1er février en préfecture alors que sonnera le 10 février la fin des négociations dans le cadre du PSE. En discussion notamment, un possible reclassement de salariés alors que le groupe dispose de 17 sites en France, dont un à Saint-Loubès en Gironde, spécialisé dans les plaques de plâtre.

Le site de Bègles est quant à lui d'ores et déjà à l'arrêt alors que les salariés exercent un droit de retrait en raison d'un risque jugé grave et imminent dans l'usine. L'inspection du travail s'est rendue sur place la semaine dernière.

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