Minée par l'arrêt des duty-free, Cognac Camus est contrainte de se restructurer

Spécialisée sur le marché chinois et la vente en duty-free dans les aéroports, la plus petite des grandes maisons du cognaçais subit un effondrement de son activité commerciale depuis le début de l'année. A telle enseigne que Cognac Camus annonce un plan de sauvegarde de l'emploi portant sur 29 des 130 emplois que compte cette PME familiale ainsi qu'une nouvelle stratégie de marque. Une situation encore atypique dans une filière qui résiste bien à la crise.
Spécialisée dans les ventes en duty-free, la maison Cognac Camus subit de plein fouet la pandémie du Covid-19.
Spécialisée dans les ventes en duty-free, la maison Cognac Camus subit de plein fouet la pandémie du Covid-19. (Crédits : APPA)

"La fermeture des frontières à travers le monde a entrainé une chute brutale et massive des ventes en duty-free, notre marché de prédilection qui représentait 45 % des 94 M€ de notre chiffre d'affaires", explique à La Tribune Jacques Crozier, conseiller du président de Cognac Camus, maison familiale et indépendante fondée en 1863. Un coup d'arrêt qui risque de durer et qui devrait amener cette PME de 130 salariés à terminer l'année 2020 avec un chiffre d'affaires attendu à 45 millions d'euros (-52 %) et assorti d'une perte. Cette stratégie commerciale, résolument tournée vers le voyage et assise sur une présence dans une cinquantaine d'aéroports internationaux, s'est pourtant avérée payante ces dernières années et avait d'ailleurs été saluée par le jury du La Tribune Wine's Forum en octobre 2019... quelques semaines avant l'éclosion de la pandémie mondiale.

13 postes doivent être supprimés

"Il y a un an, l'économie mondiale et le marché chinois, qui est notre premier débouché à l'export, reposaient sur deux piliers : le voyage international et les cadeaux. Force est de constater que ce n'est plus le cas aujourd'hui", reconnaît Jacques Crozier. D'autant qu'au regard de la persistance de la pandémie, la PME dirigée par Cyril Camus, représentant de la 5e génération de la famille Camus, n'anticipe pas un retour à la normale de ses ventes "avant plusieurs années". Face à ces impasses commerciales durables, Cyril Camus vient donc de présenter au comité social et économique de l'entreprise un plan de de sauvegarde de l'emploi portant sur 29 emplois. "Ce plan repose dans un premier temps sur une dynamique de volontariat pour une mobilité interne vers les seize nouveaux postes créés en lien avec les nouveaux métiers de l'entreprise, ainsi que sur l'accompagnement des départs dans des projets de mobilité externe", fait valoir la maison de Cognac. "A l'heure actuelle, treize postes doivent donc être supprimés. Les discussions s'ouvrent avec les représentants des salariés pour essayer de réduire ce chiffre, peut-être à dix postes, et éviter autant que possible les licenciements", insiste Jacques Crozier, qui espère que ces décisions permettront à l'entreprise de renouer avec la profitabilité d'ici un an.

"La force de la crise à laquelle nous devons faire face nous oblige à une réorganisation douloureuse pour la communauté des salariés de notre Maison. Nous mènerons ensemble cette action, dans la dignité et avec courage, comme nous avons toujours su le faire, pour nous réinventer et rester ainsi non seulement un acteur majeur de la filière Cognac, mais aussi et surtout pour redevenir au plus vite créateur d'emplois et de valeur sociale dans notre région", ajoute Cyril Camus, qui pilote l'entreprise depuis la Chine où il réside depuis une trentaine d'années.

Cognac Camus

Cyril Camus (crédits : Cognac Camus)

"Créer des produits d'exception"

Parallèlement à cette réduction des effectifs, l'entreprise charentaise engage un virage dans sa stratégie commerciale misant sur "la personnalisation de ses produits et la digitalisation de l'offre, toujours plus orientée sur le haut de gamme et l'expérientiel". En clair, Cognac Camus "va notamment se recentrer sur le marché français avec différents canaux commerciaux dont le e-commerce et refonder sa capacité à créer des produits d'exception tant en termes de qualité que de packaging", précise Jacques Crozier. Les seize postes créés le sont donc dans ces domaines : l'atelier de création, l'équipe commerciale en France et l'équipe chargé du e-commerce.

Outre ses différents Cognac, dont certains vieillis en fûts de porto ou dans des cales de bateaux, Cognac Camus commercialise aussi du baijiu (eau de vie élaborée à base de sorgho) en partenariat avec l'entreprise chinoise Moutai. Et la Chine, où Cognac Camus est implantée depuis 2008, restera un pilier de la maison et est appelée à participer au retour à la profitabilité. "Le marché domestique chinois se porte plutôt bien. La fête de la mi-automne a été au rendez-vous et on espère faire un plutôt bon Nouvel an chinois en février prochain", conclut le conseiller du président.

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La filière Cognac reste "prudente mais confiante"

Les résultats du mois d'octobre 2020 ont redonné le sourire à Patrick Raguenaud, le président du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC). Les chiffres d'expédition commerciale de Cognac affichent en effet une croissance de l'ordre de +3 à +4 % par rapport à octobre 2019. Pas encore de quoi avoir des certitudes sur l'ensemble de l'année 2020 mais cette filière, dont l'activité se fait à 98 % à l'export, se porte plutôt bien selon le président du BNIC : "Aujourd'hui, la situation de la filière est plutôt bonne après un printemps très compliqué, puisque le confinement en Chine est tombé en plein Nouvel an chinois, mais ensuite un rebond très sensible et plus important qu'anticipé au mois de septembre et surtout en octobre", témoigne-t-il auprès de La Tribune. Et pour la suite, Patrick Raguenaud n'a pas d'inquiétude majeure à ce stade : "Le Cognac s'appuie sur des réseaux de distribution internationaux bien installés avec des marques à la fois fortes et agiles. Le duty-free est important mais ne résume pas notre activité parce que le Cognac se boit aussi à la maison et se vend aussi en e-commerce qui fonctionne plutôt bien. Tout cela permet à la filière d'être prudente mais confiante et raisonnablement optimiste pour la suite." La situation de la maison Camus semble donc rester, pour l'heure, un cas isolé.

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