Salaires, filières... mythes et réalités de l'emploi cadre à Bordeaux

Devenu dynamique, le marché de l'emploi cadres en Nouvelle-Aquitaine n'en est pas moins complexe à appréhender. Guerre des talents, attractivité, filières et fonctions plus ou moins porteuses, réalités salariales, impact du prix du logement... Danielle Sancier, déléguée régionale de l'Apec en Nouvelle-Aquitaine, fait un tour d'horizon complet à quelques jours du salon Compétences Cadres organisé le 19 novembre à Bordeaux.
La métropole bordelaise concentre la moitié des offres d'emplois cadres de la région Nouvelle-Aquitaine
La métropole bordelaise concentre la moitié des offres d'emplois cadres de la région Nouvelle-Aquitaine (Crédits : Headway / Unsplash)

L'Apec accompagne tant les entreprises dans leurs politiques de recrutement et de gestion des compétences que les cadres et jeunes diplômés dans leurs carrières professionnelles. L'association nationale dispose de plus de 500 conseillers au plan national et dispose donc d'un regard élargi sur l'emploi cadre en France.

La Tribune : L'Apec n'organisait plus de salon de l'emploi cadres à Bordeaux depuis six ans. Qu'est-ce qui explique le retour de cet événement, le 19 novembre prochain (*) ?

Danielle Sancier : Le marché est aujourd'hui assez actif, en Nouvelle-Aquitaine et dans la métropole bordelaise, pour qu'on puisse réunir entreprises et cadres autour d'un même événement à dimension régionale. Le salon Compétences cadres sera d'ailleurs assez représentatif des réalités du marché régional, avec des recruteurs qui viennent de plusieurs secteurs de Nouvelle-Aquitaine mais aussi une forte représentation des entreprises de la métropole bordelaise, qui concentre la moitié des offres d'emploi diffusées chaque année pour la région. Les services seront très présents, l'immobilier également.

Comment qualifiez-vous le marché de l'emploi cadres en Nouvelle-Aquitaine et à Bordeaux ?

Il s'avère dynamique avec des candidats nombreux et bon nombre d'entreprises qui recrutent. En particulier des TPE, PME et ETI qui constituent, il faut le rappeler, la majorité du tissu économique régional. Elles recherchent pour des postes qui évoluent, par exemple des ingénieurs commerciaux avec une imprégnation de plus en plus forte des nouvelles technologies, des fonctions autour de la R&D, de l'innovation. Pour certains de ces postes nous observons une bonne adéquation entre les offres et les compétences disponibles mais pour d'autres il y a une vraie tension. Pour ces profils en situation en pénurie, nous sommes en situation de guerre des talents. Il faut également rappeler l'attractivité de la Nouvelle-Aquitaine, en particulier des villes tournées vers le littoral.

Justement, ces arrivants dans la région trouvent-ils si facilement leur emploi cadre ? Quid de l'adéquation entre le profil de ces néo-Néo-Aquitains et du tissu économique très atomisé ?

Tout dépend de plusieurs facteurs. Si la mobilité est une décision bien réfléchie, anticipée, qu'elle correspond à un choix de vie ou d'évolution professionnelle... Il est vrai que pour certains cas, dans un premier temps la connexion a du mal à se faire, dans le cas de profils qui occupaient des postes fonctionnels dans des sièges de grandes entreprises par exemple qu'ils ont du mal à trouver ici. Les jeunes cadres en particulier sont aussi confrontés à un marché pas si simple, avec également des prix de l'immobilier élevés contrairement aux salaires. La motivation des cadres récemment installés est primordiale : s'ils arrivent dans le cadre d'un choix de vie personnel et qu'ils arrivent à s'ajuster aux réalités locales, les opportunités existent. Si nous sommes dans le cadre d'une évolution professionnelle, particulièrement pour les couples, soit les deux profils correspondent aux attentes locales et l'insertion professionnelle se fera, soit ces profils sont plus éloignés des besoins locaux et il faudra du temps, un repositionnement peut-être, ou alors cela ne fonctionnera tout simplement pas.

"Le marché bordelais n'a jamais été aussi visible"

Bordeaux a aussi été réputée pour son "marché noir de l'emploi" donnant la part belle au réseautage. La situation a-t-elle évolué ?

Très clairement, le marché de l'emploi n'a jamais été aussi visible car la pénurie pour certaines compétences oblige les entreprises à davantage ouvrir leur sourcing. Nous avons vu progresser les volumes d'offres d'emploi de manière très nette, les tensions du marché obligeant les recruteurs à les publier davantage.

Vous évoquez une guerre des talents. Comment se matérialise-t-elle ?

Très clairement, les candidats cadres privilégient les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce qui complexifie les recrutements des PME, PMI et TPE. Ces dernières doivent donc apprendre à jouer sur d'autres leviers tels que les conditions d'exercice de l'activité, de vie au travail, qui devient un facteur de choix de plus en plus importants notamment de la part des jeunes générations. Nous cherchons aussi à amener ces entreprises à ouvrir davantage le profil recherché pour être plus en ligne avec la réalité du marché de l'emploi.

De plus en plus d'entreprises, particulièrement dans le numérique, constatent que désormais, tous les coups sont permis. Certaines témoignent de recruteurs se faisant passer pour la médecine du travail, la directrice de l'école des enfants, le fournisseur d'électricité... pour réussir à contourner les standards téléphoniques des entreprises et joindre en direct au téléphone les salariés chassés. Cette pénurie de profils a-t-elle engendré davantage de comportements de ce type ?

L'Apec n'évolue pas sur ces sujets-là donc il m'est difficile d'en dire plus. La chasse des talents est-elle plus soutenue aujourd'hui ? Oui, certainement et c'est assez logique au regard de la pénurie de certains talents. La chasse de tête devient un moyen de sourcing adapté dans ce contexte et, évidemment durant ce type de période pénurique, il y a peut-être des modalités plus agressives. D'autant plus que le recrutement peut être un enjeu de survie pour une entreprise petite ou fragile.

Lire aussi : Emploi des cadres : la Nouvelle-Aquitaine devrait sur-performer en 2019


L'attractivité bordelaise est martelée à longueur de classements. Le dernier baromètre de l'Apec le montre également puisque la Nouvelle-Aquitaine est choisie comme la destination n°1 des cadres songeant à la mobilité. Mais de l'intention à la concrétisation, il y a un écart très important. Comment l'expliquez-vous ?

La première intention, l'inclinaison naturelle des cadres est effectivement de citer spontanément la Nouvelle-Aquitaine et à travers elle, Bordeaux et les villes tournées vers le littoral. 38 % des cadres interrogés placent la région comme première destination envisagée. Maintenant, si on regarde le nombre de cadres qui ont effectivement postulé à au moins un offre localisée en Nouvelle-Aquitaine, le pourcentage tombe drastiquement et la Nouvelle-Aquitaine n'est que 4e, alors qu'Auvergne-Rhône-Alpes passe 1re.

La rémunération brute annuelle dans notre région est un point d'explication parmi d'autres : son niveau médian est de 45.000 euros annuels, assez similaire à l'Occitanie mais bien en-dessous d'Auvergne-Rhône-Alpes ou des Hauts-de-France par exemple. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise car ce niveau de salaire correspond à un tissu économique composé de PME, PMI et de TPE. Le prix du logement est également un facteur limitant, un vrai sujet à Bordeaux que nous observons également au Pays basque, particulièrement sur l'axe Bayonne - Anglet - Biarritz où nous avons de jeunes cadres intéressés à l'idée de s'y établir mais qui ont du mal à trouver un emploi et un logement abordable.

Certains agents immobiliers bordelais racontent remettre sur le marché aujourd'hui des maisons qu'ils ont vendues il y a quelques années à des couples venus d'Ile-de-France, qui y repartent ou rejoignent une autre métropole comme Lyon, faute d'avoir réussi à trouver ici deux emplois. Ce phénomène semble encore diffus. Avez-vous des éléments concrets pour l'étayer ou l'infirmer ?

Je ne peux pas donner de réponse faute de chiffres car les cadres qui repartent ne nous le disent pas forcément. Je peux imaginer que des personnes puissent refaire une mobilité vers l'Ile-de-France ou Auvergne-Rhône-Alpes, oui. Mais je n'ai pas d'éléments étayés pour le confirmer.

Quels sont, à Bordeaux et en Nouvelle-Aquitaine, les fonctions et filières les plus dynamiques ? Historiquement, les services ont toujours été porteurs alors que le marketing et la communication, comme le vin, ont l'image de filières difficiles à pénétrer...

Les postes orientés commerce, en particulier lorsqu'ils ont une dimension technique ou industrielle, sont très nombreux à pourvoir. C'est aussi vrai dans l'innovation, la recherche, l'intégration du numérique... Nous observons également de fortes demandes dans la maintenance ainsi que dans la sécurité informatique. En revanche, le tourisme et les filières agricoles ne proposent pas beaucoup d'offres mais les fonctions cadres n'y sont pas forcément très représentées, comme du reste dans les services à la personne. Concernant la communication et le marketing, si les personnes arrivent avec un véritable actualisation de leurs compétences, il existe des opportunités, mais pour des profils moins à jour ce sera plus compliqué.

(*) Depuis 2002, l'Apec organise régulièrement des salons destinés à mettre en relation cadres, jeunes diplômés et entreprises. Cette année, ces événements évoluent en se rebaptisant Salons du recrutement de l'Apec Compétences Cadres. L'édition Nouvelle-Aquitaine aura lieu le 19 novembre au Hangar 14 à Bordeaux, de 9 h à 18 h. Trois objectifs sont poursuivis : le rendez-vous se veut être "un révélateur du marché de l'emploi, un activateur du développement professionnel et un créateur de liens à court et moyen terme" et offre une solution technologique permettant des rendez-vous anticipés et ciblés. Plus d'informations ici

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