Transition énergétique : pour Lumo, "le financement participatif doit être complémentaire, pas alternatif"

Pionnier du financement participatif en France, la plateforme Lumo propose aux particuliers de participer au financement de projets liés à la transition énergétique. La société, installée à Bordeaux, a été rachetée l'an dernier par Société Générale. Olivier Houdaille, son directeur général, livre un regard aiguisé sur l'évolution du financement participatif français et explique pourquoi il estime qu'à terme, les plateformes web seront amenés à proposer des financements mixtes.
Olivier Houdaille, directeur général de Lumo
Olivier Houdaille, directeur général de Lumo (Crédits : Lumo)

Née en 2012, Lumo est arrivée au début du financement participatif français. La société a été créée par Alexandre Raguet, sensibilisé au microcrédit via le travail de l'organisation Kiva en Amérique du Sud particulièrement. Après une quinzaine d'années passées dans la finance de marché à Paris et à New York, il imagine transposer le principe au financement de projets œuvrant en faveur de la transition énergétique et des énergies renouvelables (solaire, éolien hydraulique, biomasse). Lumo est créée sur ce concept à La Rochelle avant de rejoindre plus tard Bordeaux. Probablement un peu trop tôt car le financement participatif ne deviendra un métier régulé qu'en 2014, via l'ordonnance du 30 mai 2014 qui fixe un cadre juridique adapté.

Lui aussi issu de la finance de marché, Olivier Houdaille rejoint l'aventure à cette époque. Vieille connaissance d'Alexandre Raguet, il prend la direction générale de Lumo dans l'optique d'obtenir l'agrément permettant à la plateforme de fonctionner. Bingo : la société sera l'une des quatre premières à obtenir le précieux sésame en France, et la première œuvrant autour de la thématique environnementale. "Nous avons fait le choix d'être hyper sélectifs sur les projets sélectionnés pour être financés via notre plateforme, explique Olivier Houdaille. Rapidement, la question d'un premier tour de table destiné à nous faire grandir s'est posée. Nous étions en 2016. Pour les investisseurs traditionnels, le financement participatif était un sujet trop neuf. Pour les fonds d'investissements, les rendements n'étaient pas assez élevés. Nous nous sommes donc orientés vers un tour de table auprès de profils plus industriels." Lumo boucle ainsi une levée de fonds de 400.000 € en mai 2017 auprès d'une dizaine d'investisseurs, professionnels du secteur de l'énergie et de la finance, et s'installe à Bordeaux. Un an après, l'entreprise est rachetée par... la Société générale, qui y voit là l'occasion de se renforcer dans le secteur des énergies renouvelables.

"Le crowdfunding n'est pas un système de financement alternatif"

"C'était l'occasion de créer une chaîne assez originale dans la banque, du BtoBtoC, précise Olivier Houdaille. Société générale a vu la possibilité de pouvoir proposer, dans le cadre de son offre, une brique financement participatif à destination des développeurs de projets liés à l'énergie. De notre côté, après cette opération, nous ne sommes plus une startup. Nous avons acheté du temps. L'objectif à terme est de construire un véritable modèle industriel du financement des énergies renouvelables et ce modèle, ce n'est pas le financement participatif seul qui va le permettre. Nous n'imaginons pas le crowdfunding comme un système alternatif à ce qui existe. Complémentaire oui, mais pas alternatif au sens où il pourrait supporter seul la transition énergétique. Nous considérons que sa vraie valeur est démocratique car il donne les manettes au grand public. Et cet aspect est fondamental dans le cadre de la transition énergétique. Par ailleurs, l'adossement à un grand acteur bancaire nous assurait l'audience nous permettant d'avoir un réel impact, ce que l'on n'aurait pas réussi à faire seuls. Avec un industriel, nous aurions perdu notre indépendance. Le cas de Green Chanel (plateforme incubée par Engie puis fermée fin 2016, NDLR) est assez triste. Les clients porteurs de projets étant multibancarisés, aucune logique de captivité ne pourrait être mise en place par une banque de toute manière. Le modèle ouvert et agile s'impose de lui-même."

Depuis sa création, Lumo a permis de collecter 7 M€ auprès de 8.000 contributeurs. Une goutte d'eau qu'Olivier Houdaille étend volontiers au marché du crowdfunding :

"Le constat est là : à ce jour, le financement participatif n'existe pas, ou presque pas. Pour atteindre les 10.000 personnes vraiment sensibles au sujet de la transition énergétiques, pour de bonnes raisons, il faudra du temps. Et probablement un écrémage et une professionnalisation avec la création de modèles économiques durables, après que les pionniers aient défriché plusieurs pistes."

Le directeur général de Lumo milite même pour "l'abandon progressif du terme financement participatif" pour aller vers des plateformes d'investissements en ligne mixant plusieurs types de financement différents. Une maturité qui accompagnera une plus grande régularité : "Le succès ne sera pas acquis lorsque 5 millions de personnes auront participé une fois à une opération de financement participatif, mais lorsqu'elles l'auront fait dix fois." Installée à la halle Héméra à Bordeaux, Lumo emploie aujourd'hui sept personnes. "On ne sera jamais 200, ça n'a pas de sens", affirme Olivier Houdaille qui défend "une logique de financement en circuit court. Le sujet, pour les plateformes, va être dans les prochaines années de s'adosser à un nombre suffisant de cofinanceurs et se transformer en places de marché de financement en circuit court. Il faudra juxtaposer différents outils pour être utiles et efficaces."

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