"Pour rendre le commerce connecté, il faut arrêter d'opposer les modèles"

Réélu il y a quelques jours président du Conseil du commerce de France, William Koeberlé plaide pour une réforme de la fiscalité, notamment locale, pesant sur le commerce traditionnel, qu'il juge luttant à armes inégales avec les plateformes du e-commerce. Son autre cheval de bataille, il le défendra à Bordeaux le 17 juin lors d'un événement dédié : c'est celui de la transition numérique de la filière.
William Koeberlé, président du Conseil du commerce de France
William Koeberlé, président du Conseil du commerce de France (Crédits : CdCF)

Le Conseil du commerce de France réunit 37 organisations professionnelles de commerçants, soit environ 70 % des emplois du commerce en France. Son président, William Koeberlé, ne manque jamais une occasion de rappeler, particulièrement devant les représentants de l'Etat, le poids économique de ce secteur d'activité : "Une entreprise française sur cinq ; 10,6 % de la valeur ajoutée de la France ; plus de 3,5 millions d'emplois ; et la création nette de près de 63.000 emplois depuis 2016". Une statistique de plus qu'il affectionne également glisser au détour d'une conversation : "Sur 900.000 commerces, 500.000 n'ont pas de présence sur le web. Et si l'on ne fait rien pour eux, ils seront rapidement condamnés", assène-t-il.

William Koeberlé voudrait ainsi réussir à convaincre le gouvernement de mettre en place un "crédit d'impôt numérisation" destiné aux commerçants dits traditionnels qui accepteraient de prendre le virage du numérique. En attendant, il entend bien, avec le Conseil du commerce de France, continuer son œuvre de pédagogie sur cette thématique :

"L'important, pour ces 500.000 commerçants, c'est comment ils s'y mettent, poursuit-il. Prendre le virage du numérique, ce n'est pas acheter un site internet, ou du moins pas que cela. Il n'existe pas un seul modèle pouvant être répliqué pour l'ensemble du commerce français traditionnel. Certains ont besoin d'un support ou davantage pour raconter leur histoire, d'autres doivent se saisir des enjeux de la livraison, de la présence sur des plateformes... mais toujours, en envisageant le web comme une vitrine déportée et dans l'optique d'une complémentarité en adressant trois lieux : celui où le client habite, celui où il travaille et celui où il consomme."

Opposition des canaux

Ex-CEO du groupe Marionnaud, toujours très impliqué dans les instances de l'univers de la parfumerie, William Koeberlé livre trois raisons principales au retard numérique des commerces français :

"Culturellement, on a opposé les différents modèles, les canaux, et c'est une erreur. On n'a pas compris que l'investissement sur le web, pour le commerçant traditionnel, ne rapporterait pas forcément : on est plutôt dans un schéma de réallocation de ressources. Beaucoup font encore des flyers : ne faudrait-il pas mieux, pour certains chez qui le sujet est pertinent, investir dans une formation sur Instagram ou dans des mots-clés sur Google ? Ensuite, c'est une question de génération : sur les 900.000 commerces que j'évoquais, 30 % des dirigeants ont plus de 60 ans et beaucoup n'ont pas ne serait-ce qu'un mail. Enfin, si les grandes entreprises, très internationalisées, se sont rapidement montrées sensibles au sujet de la numérisation et qu'elles avaient le cash pour investir, ce n'est pas le cas du commerce indépendant. Ses secteurs sont d'ailleurs très différents : les commerces de produits culturels sont connectés à plus de 40 %, le jouet à 22 % seulement, et aujourd'hui on parle de l'habillement comme le prochain secteur à basculer."

Sans surprise, c'est le client, très "digitalisé" et dont les usages évoluent très vite, qui est le moteur de cette vague de fond. Abandonne-t-il pour autant les points de vente physiques ? William Koeberlé balaie l'idée en s'appuyant sur les chiffres de la fédération de la parfumerie : "70 % des clients vont sur le site avant de se rendre en magasin. Et ce sont celles qui vont sur le web qui achètent le plus ensuite." Le président du Conseil du commerce de France rappelle donc l'importance, avant de se lancer, de réaliser un diagnostic de ses besoins. "Avant tout, c'est une question culturelle plus que technique, insiste-t-il. Malheureusement, ni ces commerçants indépendants, ni même parfois certains grands groupes n'ont compris qu'il s'agit d'une question de survie." Le président du Conseil du commerce de France vise une approche pragmatique :

"On a essayé de travailler sur des grands plans quinquennaux, ça ne marche pas. Ce qu'il faut pour le commerce indépendant, c'est créer des amalgames, des choses portées à l'échelle d'un territoire et pas au plan national. C'est le bouche-à-oreille qui marchera, la preuve par l'exemple."

Réformer l'assiette fiscale

William Koeberlé poursuit parallèlement une autre quête : l'équité de traitement entre acteurs commerciaux traditionnels et e-commerçants. Dans son viseur, la fiscalité, plus précisément locale : "Aujourd'hui, on a enlevé des mains des maires la taxe d'habitation ; demain que taxeront-ils à votre avis ? Du côté des commerçants, on leur demande d'investir dans leur transformation et on augmenterait en plus leurs impôts ? C'est tout notre modèle fiscal qui est périmé." Historiquement basé sur le foncier et les surfaces de vente, l'assiette d'imposition pourrait être calculée sur le chiffre d'affaires peu importe la manière dont il est réalisé. "Il y a quatre ans, la réponse était non. Progressivement, on commence à être entendu", note William Koeberlé.

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En partenariat avec La Poste, le Conseil du commerce de France organise lundi 17 juin à Bordeaux une conférence gratuite intitulée "Le numérique au service du commerce de proximité", de 19h à 22h au Palais de la Bourse, 17 place de la Bourse. William Koeberlé, président du CdCF, Damien Bon, PDG de Stuart, Thierry Chardy, PDG de Ma Ville Mon Shopping, Alexandre Sanna, directeur associé de Citicks - Agence AWAM, interviendront avant un temps de networking avec des apporteurs de solutions numériques.

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