Web Report, 20 ans à scruter le web

Web Report prouve à ceux qui en doutaient qu'on peut être une TPE et perdurer depuis vingt ans dans le numérique. La société bordelaise a soufflé il y a quelques jours sa 20e bougie. Son fondateur et toujours dirigeant Benjamin Rosoor revient sur cette trajectoire et évoque les ruptures induites par l'émergence des réseaux sociaux.
Benjamin Rosoor, fondateur de Web Report
Benjamin Rosoor, fondateur de Web Report (Crédits : Web Report)

Benjamin Rosoor, ancien journaliste de RMC, était parti de l'idée, novatrice pour l'époque, que les pages web devaient être réactualisées régulièrement. "Peu de collectivités et d'entreprises avaient leur propre site. Elles pensaient encore moins à les réactualiser", se remémore-t-il. "C'est Jean-François Faure (aujourd'hui patron d'Aucoffre.com et de Veracash, NDLR) qui a été notre premier client avec Sam-mag.com, un magazine en ligne sur l'actualité du référencement, fondé en même temps que le Journal du net." Cette publication n'a pas eu le destin national du Journal du net, pas plus que Web Report n'a eu la trajectoire de La Mine, confrère de communication éditoriale aujourd'hui intégré dans un grand groupe. "Question de tournants, peut-être de tempérance et de modération bordelaise", sourit Benjamin Rosoor. Qui constate toutefois que l'entrepreneur du bord de Garonne est désormais moins pris de haut :

"A l'époque, si l'on avait le malheur de dire à un prospect parisien qu'on était basé à Bordeaux, il ne nous rappelait jamais. Je me rappelle d'un interlocuteur d'une grande entreprise française me dire tout au long d'un entretien : « Et donc vous êtes de Bordeaux ? » J'ai fini par lui demander s'il avait un problème avec cela. Il m'a répondu : « On a des prestataires à San Francisco, on est habitué au travail à distance. » De mon point de vue, ce genre de choses n'existe plus, ce n'est plus un sujet."

Des forums aux réseaux sociaux

Produisant du contenu pour les sites web, Web Report a progressivement élargi son activité avec la gestion et la modération des forums, ancêtres des réseaux sociaux.

"Cdiscount était venu nous voir en nous demandant si l'on savait gérer les réponses aux clients mécontents sur les forums. On a répondu oui... alors que non. En modérant des forums, ce qui a été une véritable autoformation, on a beaucoup appris. Quand le community management est devenu un véritable mot, on ne l'a pas découvert. Il n'y avait à l'époque pas cette expression de colère voire de haine que l'on retrouve aujourd'hui sur les réseaux sociaux. Il y avait déjà des « trolls », mais ils étaient pointus et pas aussi nombreux. On a vu ce virage vers la violence des propos au moment où Cdiscount est devenu grand public."

Pour l'entrepreneur, qui dit avoir "appris son métier" de patron au Centre des jeunes dirigeants, les réseaux sociaux ont entraîné une véritable bascule :

"La colère et la haine sont liés à la facilité d'usage de ces plateformes et au fait que nombre d'utilisateurs ne se rendent pas vraiment compte que leurs propos sont publics. Les clients des entreprises ont migré des forums de discussion vers les réseaux sociaux et les gens du marketing ont soutenu qu'il fallait les suivre. J'étais contre à l'époque et je continue à l'être : le mouvement de chantage du consommateur au quotidien a commencé à ce moment-là. Et c'est un chantage accepté par les entreprises : le plus souvent, tu obtiens plus vite une réponse si tu tweetes que si tu appelles le service clients ! Au-delà du chantage en mode public, les réseaux sociaux ont induit un effet d'immédiateté et une impatience très forte. Pour le consommateur, il suffit de crier fort sur le réseau social ; pour l'entreprise il faut répondre très vite et tout le temps. Mais c'est un sujet qui est aussi très lié aux entreprises françaises qui ont longtemps été très éloignées de leurs clients. Aujourd'hui le discours consiste à dire qu'il faut remettre le client au centre du service. Mais il était où avant, ce client ?"

Transmitio, l'autre aventure

Monté à 12 personnes, l'effectif de Web Report est aujourd'hui stabilisé à 5. L'activité de l'agence se répartir à parts à peu près égales entre la production de contenu éditorial, le community management et la gestion de réputation qui réunit les deux disciplines précédentes. Benjamin Rosoor ambitionne notamment de se développer en direction des franchises, "qui ont de véritables enjeux autour de leur réputation. Un indépendant au fin fond du Gers, s'il travaille mal, peut très bien entacher la réputation de tout le réseau." Une marque spécifique, "Digital franchise", a été créée pour ce segment d'activité. Benjamin Rosoor repère également quelques signaux faibles : "Google est en train de passer d'un moteur de recherche à un moteur de réponses. De plus en plus, il faudra décrire le produit de l'entreprise et expliquer à quoi il sert. Dans le même temps, il faudra que l'aspect communautés et réseaux sociaux arrive à une certaine maturité."

Parallèlement, le dirigeant poursuit Transmitio, autre aventure entrepreneuriale qui propose une solution permettant de gérer les codes et identifiants essentiels à l'activité des entreprises. Ces derniers donnent accès aux fichiers clients, à la facturation et à toute une litanie d'informations sensibles. Mais un décès, une incapacité ou un licenciement par exemple peuvent compromettre ces codes et identifiants. L'exemple le plus frappant récemment étant le décès d'un entrepreneur dans les cryptomonnaies qui a emporté dans la tombe la clé d'accès aux avoirs de milliers d'utilisateurs de son service QuadrigaCX, bloquant ainsi l'équivalent de 180 millions d'euros... Le danger de la perte de ces mots de passe est largement minoré par les entreprises... alors qu'elles sont de plus en plus digitales. Transmitio travaille actuellement sur un dispositif qui permettrait de manière sécurisée à un utilisateur de nommer des tiers de confiance donc l'action "libèrerait" automatiquement les mots de passe et identifiants lorsque certains critères seraient remplis (lorsqu'ils confirmeraient le décès d'un proche par exemple). Le système, très proche d'un smart contract, appuyé sur un protocole blockchain donc, est en cours de prototypage.

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