"L'économie n'est pas un flipper : les effets ne sont pas immédiats ! " (Geoffrey Roux de Bézieux, Medef)

Oui à une fiscalité écologique à condition qu'elle soit raisonnable et pérenne, oui à un régime unique de retraite par points, mais non à une hausse des impôts locaux pesant sur les entreprises : de passage à Bordeaux à l'occasion de l'Université des Entrepreneurs, Geoffroy Roux de Bézieux a fait un tour d'horizon des sujets chauds du moment. Et rappelé qu'en matière de créations d'emploi, il ne faut jamais attendre d'effets immédiats après un coup de pouce.
Geoffroy Roux de Bézieux (3e en partant de la gauche) lors de sa venue à Bordeaux
Geoffroy Roux de Bézieux (3e en partant de la gauche) lors de sa venue à Bordeaux (Crédits : Anael B.)

Invité par le Medef Gironde (1.250 adhérents directs, plus de 26 fédérations rattachées, plus de 12.000 entreprises représentées) présidé par Franck Allard, Geoffroy Roux de Bézieux a fait le point sur les principaux dossiers du syndicat patronal. "La croissance est de 2,3 % en France mais le chômage a peu baissé, constate le président du Medef national. Il faut d'abord souligner que la démographie est encore positive. Par ailleurs, tous les patrons disent qu'ils ont du mal à recruter. Ou ils peinent à pourvoir des postes très techniques, ou le savoir-être n'est pas suffisamment au rendez-vous."

Geoffroy Roux de Bézieux pointe également "le sujet de la mobilité entre les zones de résidence et les zones d'emploi. C'est vrai pour des secteurs éloignés comme pour des zones à l'économie florissante" où la congestion pose problème. Le président du Medef pose le constat relatif au transport mais dit aussi qu'il n'a "pas de baguette magique". Sur d'autres plans en revanche, il avance ses pions. Première priorité selon lui : "15 % des demandeurs d'emploi rentrent en formation après leur inscription. En Allemagne, c'est 30 %. Il faut inciter Pôle Emploi à pousser davantage la reconversion car il n'est pas toujours possible de retrouver un emploi dans la même branche." Faut-il aussi pousser les entreprises à laisser leur chance à des profils aux carrières moins linéaires ? Le président du Medef acquiesce :

"Il reste encore des silos, c'est vrai, et nous avons des progrès à faire sur ce sujet comme sur l'emploi des seniors. A nous d'inciter les entreprises à changer de logiciel. L'entreprise à vie, le même métier à vie, ce ne sera pas la norme pour les générations qui arrivent sur le marché du travail."

La révolution numérique aura aussi son rôle à jouer. Geoffroy Roux de Bézieux en est persuadé et l'affirme : "C'est notre rôle au Medef de dire aux entreprises : préparez-vous aux bouleversements ! Le plus inquiétant dans le discours ambiant, c'est la certitude que cela va changer mais qu'on ne sait pas comment." Point intéressant : le chef de file du Medef insiste sur la notion de timing, souvent oubliée dans les prises de position alors que le numérique accélère tout : "Les emplois seront transformés par l'intelligence artificielle, la robotique et la cobotique, etc. C'est certain. La question, c'est la vitesse à laquelle se produiront ces bouleversements."

"Favorable à la fiscalité écologique", mais sous conditions

Une partie de la France est dans la rue avec comme point de départ les impôts sur le carburant. Côté entreprises, Geoffroy Roux de Bézieux relève que si les véhicules sont pointés du doigt, d'autres sujets tels que la mauvaise isolation de bâtiments soit laissée de côté par le débat actuel. Il se dit "favorable à la fiscalité écologique sous certaines conditions : elle doit être raisonnable, lisible et prévisible. Les entreprises peuvent s'adapter à tout si les règles durent dans le temps. Je rappelle que les entreprises françaises règlent déjà 8 milliards d'euros au titre du versement transports. Nous ne demandons pas à ce que la France devienne un paradis fiscal mais que la concurrence soit juste avec les entreprises européennes. Nous avons souvent l'impression de courir un marathon avec un sac de pierre quand les autres sont en baskets. " Le patron des patrons n'écarte donc pas un effort mais avertit : "Toute nouvelle taxation sur les entreprises détruit de l'emploi. Pas le lendemain, mais sur la durée." Selon lui, la mécanique fonctionne aussi dans le sens inverse et tout coup de pouce consenti par l'Etat met du temps à se concrétiser par des conséquences visibles. Pour mémoire, Pierre Gattaz, précédent président du Medef, avait affiché en 2013 le cap du million d'emplois créés en cinq ans en France par les entreprises en échange d'une politique économique plus accommodante pour les entreprises. Le total devrait s'en éloigner puisque depuis début 2014, les compteurs sont à 777.000 créations nettes.

"Croire qu'en appuyant sur un bouton, cela génère automatiquement de nouveaux emplois, c'est se tromper, affirme Geoffroy Roux de Bézieux. L'économie ce n'est pas un flipper, les effets ne sont pas immédiats ! Quand on crée une classe dans un centre de formation des apprentis, ces jeunes sont employables deux ou trois ans après, pas avant. Tous les paramètres doivent être pris en compte. On aurait en France la démographie de l'Allemagne, on aurait un taux de chômage à 6 % ! D'ailleurs nous vivons dans un pays obsédé par le taux de chômage, pas par le taux d'emploi."

Parmi les autres dossiers sur la table de Geoffroy Roux de Bézieux figure également celui des retraites. Le président du Medef se dit favorable à un régime unique et à un système par points : "Nous sommes le seul pays de l'OCDE avec un système par répartition, dépendant de la démographie. Nous demandons un système de pilotage qui, si le nombre d'actifs baisse, puisse inciter les salariés à poursuivre plus longtemps." Pour le dirigeant, les ressorts psychologiques ne doivent pas être oubliés : "Tous les sondages montrent que 80 % des Français de moins de 30 ans pensent qu'ils n'auront pas de retraite. Il faut redonner confiance dans les retraites et donner de la visibilité, sans quoi les gens ne vont pas consommer, investir..." Si le sujet n'est pas lié, la baisse de la taxe d'habitation pour les ménages va dans ce sens, "et c'est très bien. Mais qui reste-t-il quand le contribuable paie moins ?, interroge Geoffroy Roux de Bézieux. Nous craignons que les collectivités locales augmentent les impôts locaux pour les entreprises. Avec l'Allemagne, la différence se fait justement sur la fiscalité locale. Nous devons nous assurer que l'outil productif local ne soit pas cassé. Malheureusement, le projet de loi de finances prévoit des mesures tournées vers les ménages, pas vers les entreprises. Les ménages ne sont pourtant pas des corps à part, isolés : ce sont des salariés ! La meilleure manière de leur donner du pouvoir d'achat, c'est qu'ils aient un travail, c'est de combattre la désindustrialisation."

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