Services numériques : face à la concurrence, Ekino mise sur le management participatif

Présente depuis deux ans à Bordeaux, l'entreprise de services numériques Ekino n'a cessé de grandir pour dépasser désormais 40 salariés. Grâce à un management participatif et évolutif, son directeur, Sébastien Collery, revendique un turnover très faible dans un milieu pourtant chaque jour plus concurrentiel. Entretien.
Directeur de l'agence d'Ekino à Bordeaux, Sébastien Collery gère une équipe de 42 salariés.
Directeur de l'agence d'Ekino à Bordeaux, Sébastien Collery gère une équipe de 42 salariés. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

Créée en 2009 et rachetée par le groupe Havas depuis 2015, l'agence de services numériques Ekino (350 salariés, 26 M€ de chiffre d'affaires en 2017) a décidé d'ouvrir un bureau à Bordeaux dès le mois de juin 2016. Sébastien Collery, 32 ans, entré chez Ekino comme stagiaire en 2009, est aujourd'hui le directeur de l'antenne bordelaise et de ses 42 salariés. Dans un entretien avec La Tribune, il revient sur le développement d'Ekino à Bordeaux dans un contexte toujours plus concurrentiel et sur les méthodes de management participatif mises en avant par l'entreprise.

La Tribune : Pourquoi Ekino, dont le siège est à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), a décidé d'ouvrir son second bureau français à Bordeaux dès 2016 ?

Sébastien Collery : "Nous avons pris la décision fin 2015 parce que nous avions senti que beaucoup de choses bougeaient dans le bon sens à Bordeaux avec le chantier Euratlantique, l'arrivée prévue de la LGV, le projet de Cité numérique, etc. Tous ces éléments nous ont convaincu qu'il y avait la place pour y implanter une belle agence de 50 à 60 collaborateurs en soutien de Paris où le marché est complexe et la main d'œuvre qualifiée très concurrentielle. L'ouverture de l'antenne bordelaise a eu lieu en juin 2016 avec une équipes de six personnes aux profils plutôt seniors."

Deux ans plus tard, Ekino Bordeaux compte 42 salariés. Comment avez-vous géré cette croissance rapide ?

"Cela représente près d'un recrutement tous les quinze jours ! Nous avons intégré au fur et à mesure des profils plus juniors encadrés par les seniors déjà présents. Il s'agit principalement de personnes originaires de la région bordelaise. Nous devrions encore recruter entre 10 et 20 postes d'ici le mois de décembre 2018. A terme, l'objectif est de constituer une équipe de 70 personnes à Bordeaux autour de prestations haut-de-gamme. Tout l'enjeu a été d'adapter notre fonctionnement et notre management à cette croissance des effectifs : des choses qui fonctionnent très bien quand on est une dizaine peuvent être obsolètes voire contre-productives pour une équipe de 20, 30 ou 40 personnes. D'où l'importance de recueillir régulièrement l'avis des salariés."

Depuis deux ans, la concurrence sur les métiers du web n'a cessé de se renforcer à Bordeaux. Cela a-t-il un impact sur votre activité ?

"Oui, on a constaté que la concurrence s'est accrue, en particulier sur les profils qui disposent à la fois de compétences techniques et d'ingénierie et de savoir-faire en termes de gestion de projet, d'encadrement ou de sociabilité. C'est objectivement plus compliqué de recruter aujourd'hui qu'en 2016 mais nous ne constatons pas de pénurie non plus ! Cela nous ne pose pas fondamentalement de difficultés parce que nous préférons prendre notre temps pour trouver les bonnes personnes. Dans le même temps, je constate aussi ces derniers mois l'arrivée sur le marché de beaucoup de nouveaux profils issus d'une reconversion professionnelle. Les métiers du numérique attirent et les écoles de formation sont au niveau, ce qui donne de bons résultats.

La concurrence a aussi un impact à la hausse sur le niveau de salaires même si nous n'avons pas changé notre grille depuis deux ans. Le salaire n'est d'ailleurs pas le critère déterminant pour la plupart des candidats, ce sont la qualité des projets et du management qui priment."

La concurrence de nouveaux acteurs, tels que Conserto, Acensi ou UX Design qui sont arrivés ces derniers mois, ne vous inquiète donc pas...

"Non, cela nous conforte dans notre choix d'être venus à Bordeaux un petit plus tôt que les autres ! La concurrence est enrichissante et bénéfique pour tout le monde. Cela tire les compétences vers le haut et ça confère à Bordeaux une véritable image d'expertise technique dans le numérique. C'est un vrai changement ! Et notre fonctionnement nous donne de la sérénité par rapport à notre capacité à retenir nos collaborateurs."

Ekino

Ekino est installée au sein des locaux d'Actiplay, dans l'Hôtel Fenwick, un bâtiment du XVIIIe siècle du centre-ville de Bordeaux (Crédits : Agence Appa).

Vous mettez en avant un turnover très faible au sein de vos équipes. Quelle est la recette d'Ekino pour attirer les bons profils et, surtout, les convaincre de rester malgré les sollicitations de la concurrence ?

"En deux ans, nous n'avons enregistré que trois départs et nous sommes aujourd'hui 42 ! On a une méthode de management très particulière avec un fort esprit d'équipe qui fait partie de l'identité d'Ekino. L'idée est de faire participer et contribuer les salariés à la vie de l'agence, à son fonctionnement et à sa réussite. On applique également les préceptes de la méthode agile dans le sens où on se remet en question en permanence pour s'améliorer et adapter notre fonctionnement.

Ensuite on est des passionnés, on a faim et soif, on en veut pour tirer nos prestations vers la meilleure qualité possible. On fait confiance à nos développeurs et ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Contrairement à la mode actuelle du développeur "full stack" qui est censé savoir tout faire ou presque, nous privilégions la spécialisation sur une technologie particulière, pour avoir des experts très affutés dans tel ou tel domaine. Parallèlement, on croise les métiers, leurs approches et leurs enjeux pour que chacun ait conscience des besoins et des contraintes de ses collègues."

Concrètement, comment se traduit au quotidien la dimension participative pour les salariés ?

"Par un management très horizontal et accessible, de nombreux retours d'expériences de la part des collaborateurs avec des serious games et une parole assez libre. Chaque semaine, les salariés peuvent faire remonter de manière anonyme leur état d'esprit et leur satisfaction. On mixe régulièrement les équipes. Tous les 15 jours, il y a une heure de présentation des projets entre les collaborateurs et 10 % du temps est consacré à du travail de R&D et de veille technologique. Une demi-journée par semaine est entièrement anglophone. Chaque mois, il y a un "Ekino day", organisé par les salariés pour les salariés pour favoriser les échanges. Pour le réaménagement des locaux, on organise des ateliers participatifs pour décider du nouveau fonctionnement, des visuels, des noms de salle, etc. Il y a aussi des soirées pour tisser des liens humains. Globalement, on tient à toujours se remettre en cause et à en discuter pour faire évoluer notre fonctionnement.

En contrepartie, on donne beaucoup de responsabilités, d'autonomie et de confiance à nos collaborateurs. Cela peut être un peu déstabilisant au début pour les nouveaux arrivants mais les projets qu'on réalise sont de bonne qualité et on veille à ce qu'il y ait une montée en compétences de nos salariés."

Quelles sont les prestations que vous réalisez à Bordeaux ?

"Nous n'avons pas ou très peu de clients bordelais. Nous travaillons en appui de nos équipes de Paris et de nos agences à l'international (Londres, New-York; Ho Chi Minh, Bangalore et Singapour). A Bordeaux, nous avons notamment développé deux gros projets : l'interface du site internet et des box TV de Canal + International et une application mobile et tablette pour gérer la domotique des nouveaux logements de Nexity. Nous travaillons en ReactJS et ReactNative, en PHP et en Java EE."

Vous avez donc une place à part dans l'écosystème bordelais. Comment essayez-vous de vous y intégrer ?

"Oui, en effet et nous souhaitons nous impliquer davantage dans l'écosystème numérique local. Nous avons donc lancé l'an dernier avec Actiplay les rencontres Best (Bordeaux engineers share and talk) pour favoriser les rencontres et les échanges professionnels. Nous avons également signé un partenariat avec l'Enseirb-Matmeca [Ecole nationale supérieure d'électronique, informatique, télécommunications, mathématique et mécanique de Bordeaux)."

Quel regard portez-vous sur l'essor des freelances et des collectifs de freelances à Bordeaux ?

"Le nombre de freelances est effectivement en croissance. Je pense que c'est une bonne chose. Je ne les considère pas comme des concurrents parce qu'ils peuvent être des futurs recrues ou même des collaborateurs ponctuels auxquels on recourt parfois. Cela correspond à une volonté de liberté pour concilier vie professionnelle et vie personnelle et ça va dans la bonne direction."

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