Le communicant, couteau suisse mais aussi stratège à l'heure de la digitalisation

"Communicants, demain vous appartient" : la table ronde organisée ce mardi matin à Bordeaux par La Tribune et Bpifrance a permis d'aborder, avec des profils très différents, les mutations profondes que vit le champ de la communication à l'heure de la digitalisation des entreprises.
(Crédits : ML)

Cet événement organisé au Matmut Atlantique et animé par Géraldine Rabier a réuni près de 200 personnes venues échanger avec Patrice Bégay, directeur exécutif, directeur de la communication & Bpifrance Excellence, Leïla Da Rocha, chorégraphe internationale, fondatrice de la White Eagle Dance Academy à Bordeaux, Patrick Dupond, danseur étoile, ambassadeur de la White Eagle Dance Academy, Marie Dubois, présidente de l'Apacom, l'association des professionnels de la communication, Ludovic Martinez, directeur de cabinet d'Alain Juppé à la mairie de Bordeaux et Noura Moulali, fondatrice de la startup Ouiexpat, installée également à Bordeaux. Des intervenants très complémentaires mais défendant un point commun : la communication doit désormais être horizontale au moment où le digital révolutionne les usages.

Ludovic Martinez a d'abord insisté sur ce qu'il appelle "deux vertus cardinales" qui ont tendance à être oubliées au moment de communiquer : "Quelle est la promesse, ou le produit, et à qui on l'adresse. Après, on voit comment. Quels que soient les outils que l'on emprunte, il ne faut pas oublier la base stratégique en répondant avant tout à ces questions." Marie Dubois opine et complète : "Une action de communication est là pour répondre à un objectif, la communication est au service de la stratégie de sa structure. On assiste à une innovation par accumulations des outils mais il ne faut pas oublier les bases du métier."

"L'artiste est un communicant"

Leïla Da Rocha et Patrick Dupond ont profité de la table ronde pour présenter leur propre vision de la communication. Elle l'ancienne championne de basket devenue chorégraphe et lui danseur étoile mondialement connu, en parlent comme d'une discipline obligatoire et faisant partie de leur quotidien : "On communique en jouant sur l'émotion. L'art est un merveilleux outil de communication. En venant à Bordeaux, nous avons décidé de transmettre à des jeunes gens qui viennent du monde entier. L'art doit servir. Il a toujours été un moyen d'impacter, comme la communication. White Eagle Dance Academy a choisi cette ville pour s'implanter car il fallait une énergie, créer des ponts vers l'international. Bordeaux a été retenu pour les promesses tenues par Alain Juppé, pour le dynamisme de ses entrepreneurs et parce que tous les outils sont là", énumère Leïla Da Rocha. "Par essence, l'artiste veut transmettre un message et est donc un communicant, complète Patrick Dupond. Quand on apprend la communication par la voix, par le corps, on cherche à communiquer au service d'une idée que l'on veut faire passer. » Le couple, qui monte parallèlement une fondation pour des jeunes qui n'ont pas les moyens d'accéder à une formation de soliste sur trois ans, insiste : « Nous apprenons aux danseurs à communiquer avec le public, avec les journalistes. C'est essentiel de bien savoir communiquer car c'est ce que nous sommes."

Des propos qui inspirent Patrice Bégay. Bpifrance, qui a accompagné au plan national en 2017 "plus de 85.000 entrepreneurs à hauteur de 25 Md€ d'euros", a mis en place une stratégie de communication bien définie auprès des décideurs. "Ce qui compte pour nous, c'est le plan stratégique et les hommes et les femmes qui constituent les entreprises. Un point GPS lointain et un tableur dans la poche", résume Patrice Bégay. "Comme Leïla da Rocha et Patrick Dupond qui inventent un nouveau modèle dans le monde de l'art, nous devons inventer nous aussi. Quand Bpifrance été lancée, ça aurait pu être une banque de plus. On a fait une banque de place, travaillant avec les acteurs bancaires, donc on a cherché une autre manière de communiquer. Un entrepreneur parle cash, direct. Nos campagnes de communication reprennent ces aspects." Dévoilant tour à tour les slogans « Entrepreneurs, allez vous faire voir ailleurs », « TPE, prêt, partez », « Vous envoyez du bois, nous envoyons du blé », « Y a du soleil et des datas » qui visiblement, font mouche dans l'assistance. "On fait des votes à mains levées dans les salles lors de nos événements pour les choisir", poursuit Patrice Bégay. Quand vous ciblez et que vous vertébrez votre stratégie avec des valeurs, on peut réaliser ce genre de choses impactantes."

L'art de l'opportunité

Se définissant comme "une entrepreneuse plus qu'une startuppeuse", Noura Moulali a fondé OuiExpat. La jeune femme s'est nourrie des difficultés rencontrées lorsqu'elle cherchait à partir en VIE aux Emirats arabes unis. Depuis, elle crée une application accompagnant les expatriés avant leur départ, grâce à des vidéos, et pendant leur séjour. Le tout "nourri à la data et à l'intelligence collective que permettent les réseaux sociaux". Cette partie est gratuite, la startup se finançant avec une autre activité commerciale, la commercialisation de box culinaires faisant la promotion de la gastronomie française. "Ceci afin de garder un pont entre le pays d'accueil et le pays d'origine", complète Noura Moulali, qui affirme fermement "lancer depuis Bordeaux une stratégie mondiale" permise par ces mêmes réseaux sociaux, fers de lance de sa communication.

Ludovic Martinez relève pour sa part que "la communication doit être l'art de l'opportunité". Et que "devenir original dans le foisonnement de créativité que permet la technologie est de plus en plus complexe". Le directeur de cabinet d'Alain Juppé alerte également sur "les vraies valeurs et les valeurs alibi utilisées par certaines entreprises et institutions. Une valeur utile, c'est la vérité. Le message doit être validé par une réalité, sinon les récepteurs le sentent." Le bras droit d'Alain Juppé est revenu sur les primaires de la droite perdues par l'élu, battu par François Fillon au second tour : "Pourquoi s'est-on cassé la figure après 823 jours en tête des sondages ? On a porté un certain nombre de valeurs mais on a négligé la cible. Il fallait s'adresser au peuple de droite et pas à tous les Français, on s'est trompé de message et de cible. Au lieu de parler au mec de droite qui voulait l'alternance après la présidence Hollande, nous on avait un concept d'identité heureuse. On continue à y croire mais ce n'était ni le bon moment, ni la bonne cible. Nous avons fait une campagne de présidentielle, pas une campagne de primaires."

La digitalisation et la gestion de la donnée, pas des priorités ?

Patrice Bégay a de son côté insisté sur la digitalisation accélérée que connaît l'économie. Une étude menée par Bpifrance auprès 1800 chefs d'entreprise révèle "4 freins à la digitalisation des PME : les questions autour de la gestion des datas, le manque de compétence en interne, le manque de moyens financiers, la résistance au changement. A 87 %, les dirigeants interrogés considèrent que c'est pas une priorité de la boîte. 63 % des sondés n'ont pas de feuille de route claire, de plan stratégique lointain. C'est pourquoi nous avons monté le Digitalomètre, un outil qui permet d'évaluer la maturité digitale et de se poser les bonnes questions." Marie Dubois confirme : "Les entreprises sont globalement en retard dans leur digitalisation. Je cite un verbatim relevé lors de l'enquête 2017 de l'Apacom. Un chef d'entreprise nous disait : « Je ne suis pas contre la digitalisation des outils. » On ne vous demande pas votre avis, c'est déjà fait ! Le communicant est un acteur clé pour accompagner la digitalisation : il passe notre temps à se former et s'informer sur les nouveaux outils nouveaux, et la communication interne est un des facteurs essentiels dans les projets de transformation d'entreprise."

Communicant qui devra nécessairement être un couteau suisse mais pas que : "S'il n'est pas un stratège, il ne servira à rien. Le monde roule vite mais les institutions sont très en retard. Il faut que les communicants qui sont en pointe sur les stratégies, les outils, les informations... les sujets sur lesquels le chef d'entreprise n'a pas trop le temps de se pencher, ne sachent pas juste se servir des outils mais soit capable de s'adapter, de devancer les attentes", estime Ludovic Martinez.

Si Marie Dubois met en avant la professionnalisation accélérée du métier de communicant qu'elle relève ces dernières années, Ludovic Martinez va plus loin : "Demain vous appartient : les communicants doivent devenir être les patrons de l'entreprise. Pas au sens capitalistique ou décisionnaire mais en aidant les responsables à avoir une véritable vision, avec des conditions : de l'empathie, et il ne suffit pas d'en parler, il faut la développer à titre personnel car elle entraine le respect ; et l'enthousiasme. Il faut imprimer un enthousiasme et acquérir une curiosité et une connaissance du monde. C'est par la culture qu'on sera demain des communicants performants." Des patrons d'entreprise, il y en aura justement beaucoup le 11 octobre prochain à l'AccorHotels Arena de Bercy avec la 4e édition de Bpifrance Inno Génération : "40.000 entrepreneurs seront présents, précise Patrice Bégay. Parmi eux, les dirigeants des principales entreprises mondiales. On leur a demandé de rester à Paris et de faire leurs comex et d'être à la disposition du public français. Des gens comme Stelios Haji-Ioannou, le fondateur d'easyJet, Jean-Paul Agon, PDG de L'Oréal, resteront car le concept leur a plu. Inventons le monde d'après-demain !"

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