Pourquoi l'Université de Bordeaux veut quitter la communauté régionale

Pointant des problèmes d'échelle et d'efficacité, l'Université de Bordeaux veut se retirer de la Communauté d'universités et établissements d'Aquitaine (Comue), fragilisant ainsi cette instance de coordination régionale créée en 2015. De son côté, la Comue regrette cette décision unilatérale mais reconnaît qu'elle doit faire évoluer son modèle. Il reste à savoir dans quelle direction !
(Crédits : Hélène Lerivrain)

"La Comue d'Aquitaine n'a pas atteint les objectifs qu'elle s'était fixés et n'a pas su répondre aux attentes de l'Université de Bordeaux en termes d'appui à la politique de site prévue par la loi." C'est le motif mis en avant par le conseil d'administration de l'université de Bordeaux qui a officiellement donné mandat, le 15 décembre dernier, à son président pour "initier une procédure de retrait de la Comue" tout en engageant une concertation avec les autres partenaires à l'échelle de l'agglomération bordelaise. Le conseil d'administration s'est prononcé par 19 voix pour, 7 contre et 6 abstentions.

Quelle politique de site ?

Cette "politique de site" consiste à rapprocher les universités, écoles et organismes de recherche à tous les niveaux (formation, recherche, innovation, financements, rayonnement à l'étranger) pour gagner en efficacité et en lisibilité, notamment à l'international. 25 "sites" ont ainsi été retenus en France dont celui de la Comue d'Aquitaine dans lequel l'Université de Bordeaux (issue de la fusion de Bordeaux I, II et IV) occupe une place prépondérante tant en termes d'effectif (54 % des étudiants) que d'image.

Le départ de ce poids lourd régional, qui critique la Comue depuis plusieurs mois, n'est pas une surprise mais risque de grandement fragiliser cette structure qui réunit six autres acteurs (universités de Bordeaux Montaigne, de Pau et de La Rochelle, Sciences Po Bordeaux, Bordeaux INP et Bordeaux Sciences Agro). L'Université de Bordeaux estime que la Comue est une couche institutionnelle supplémentaire qui ne simplifie rien et que la coordination à l'échelle régionale ne prend pas suffisamment en compte le poids et le rayonnement de Bordeaux, de son précieux label Idex (initiative d'excellence) et des financements qui vont avec. En clair, elle veut que la "politique de site" se fasse à l'échelle de Bordeaux (et de ses antennes à Agen et Périgueux) qui "correspond davantage à la réalité universitaire" que l'échelon régional.

Des évolutions dès 2018 ?

De son côté, si Vincent Hoffmann-Martinot, le président de la Comue, regrette cette décision sur la forme, il est parfaitement conscient des limites actuelles de la Comue qu'il souhaite voir évoluer rapidement :

"Je regrette cette décision unilatérale et sans concertation de l'Université de Bordeaux qui n'est ni très habile, ni très courtoise mais ce n'est pas la guerre ! Sur le fond, tous les membres de la Comue veulent faire évoluer notre modèle, notamment pour prendre en compte la grande région. L'Université de Bordeaux fera des propositions comme les autres membres et on en discutera tous ensemble dès le premier trimestre 2018. Je ne suis pas inquiet, la Comue va évoluer et ne sera pas la même dans un an."

Des évolutions susceptibles de convaincre Bordeaux de rester ? Quoi qu'il en soit, cette volonté d'apaisement très marquée de la part de la Comue s'explique par son refus d'évoquer un réel départ de l'Université de Bordeaux puisque cela reviendrait, de fait, à supprimer sa raison d'être : "Raisonner sur la coordination de l'enseignement supérieur et de la recherche au niveau régional sans l'Université de Bordeaux n'aurait pas grand sens", reconnaît ainsi Vincent Hoffmann-Martinot. D'autant que cette prudence est partagée puisque l'Université de Bordeaux insiste sur le fait qu'elle n'a pas encore quitté le navire et qu'elle propose "une conférence d'établissements universitaires à l'échelle de la Nouvelle Aquitaine". Certains enjeux, à l'instar des réseaux numériques de transmission des données, ont en effet une logique régionale et l'Université de Bordeaux reste à la table des discussions

Des négociations difficiles en perspective

En réalité, ce jeu d'acteurs s'inscrit dans un contexte national où Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, a invité les établissements à faire remonter leurs propositions du terrain pour ajuster - sans remettre en cause - les regroupements imposés par la loi en 2013. Une ordonnance est annoncée sur ce sujet pour l'automne 2018.

La prise de position publique de l'Université de Bordeaux est donc aussi un moyen de se faire entendre au niveau national comme auprès de ses partenaires locaux. Mais si tout le monde veut effectivement faire évoluer les statuts et les orientations stratégiques de la Comue, il reste à s'accorder sur la direction à prendre. "Leur point de vue et leurs propositions sont pleinement légitimes mais s'il ne s'agit que de favoriser le site de Bordeaux, ça ne sera pas satisfaisant pour les autres partenaires", prévient ainsi Vincent Hoffmann-Martinot. Il faudra donc jouer finement pour trouver un terrain d'entente entre, d'une part, les velléités de l'Université de Bordeaux, parfois perçues comme hégémoniques par ses partenaires au sein même de l'agglomération, et, d'autre part, les aspirations rochelaises et paloises.

Quant aux critiques sur les complications bureaucratiques liées à la Comue, Vincent Hoffmann-Martinot les récuse très clairement :

"La logique de la Comue n'est pas d'empiéter sur les compétences du site de Bordeaux, qui est déjà bien structuré, mais de penser la coordination régionale. Nous avons toujours veillé à ne pas interférer. La Comue n'entrave en rien l'action de l'Université de Bordeaux et j'attends qu'on me prouve le contraire."

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Quid de Poitiers et Limoges ?

Les universités de Poitiers et Limoges, situées en Nouvelle-Aquitaine, sont rattachées, avec l'ISAE-ENSMA, à une autre Comue : l'université confédérale Léonard de Vinci. Fin 2016, l'université de la Rochelle a décidé de quitter ce regroupement pour rejoindre la Comue d'Aquitaine. En 2017, les universités d'Orléans et Tours ont, à leur tour, quitté la Comue Léonard de Vinci pour recréer une structure distincte : la Comue Centre-Val-de-Loire.

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