News Republic supprime la quasi-totalité de ses effectifs à Bordeaux

L'agrégateur d'informations News Republic licencie 26 des 29 salariés de son bureau bordelais. Née au bord de la Garonne, l'application a peiné à s'imposer sur le marché européen, trop peu dynamique aux yeux du groupe chinois Cheetah Mobile, qui avait racheté la startup en juin 2016 et qui vient de revoir sa stratégie.
Gilles Raymond et Jérôme Le Feuvre

Ce n'est pas le point final de l'histoire de News Republic à Bordeaux. L'application, qui propose aux mobinautes d'agréger des articles de presse en fonction de leurs goûts, continue son développement, et les partenariats passés avec les éditeurs de presse restent toujours valides. Mais les effectifs bordelais de la société sont actuellement en train de passer de 29 à 3 personnes. A l'issue du plan de licenciement économique, il ne restera à Bordeaux qu'une petite cellule.

Née à Bordeaux sous l'impulsion de Gilles Raymond, rejoint ensuite par Jérôme Le Feuvre à la direction générale, News Republic avait été rachetée pour 57 M$ en juin 2016 par le puissant groupe chinois Cheetah Mobile.

"Ce dernier avait de très grandes ambitions sur l'agrégation de contenus mais il se basait sans doute sur le marché chinois, qui est très porteur dans notre domaine, explique Jérôme Le Feuvre. C'est moins le cas en Europe où le réflexe de l'internaute est avant tout d'aller chercher l'information directement auprès des médias et sur les réseaux sociaux, qui maitrisent aussi le marché publicitaire. Pour Cheetah Mobile, cela a été une déconvenue par rapport aux chiffres et aux revenus générés. Le groupe a donc procédé à une réorganisation mondiale qui ne touche pas que le bureau de Bordeaux mais l'ensemble des filiales. Même si la monétisation est encourageante aux Etats-Unis, elle l'est moins en Europe, où l'activité est déficitaire. L'application News Republic va se concentrer principalement sur les Etats-Unis. La filiale de Bordeaux est maintenue avec un effectif très réduit. L'ensemble des accords de contenus à travers le monde est conservé et Cheetah Mobile met l'accent sur l'intelligence artificielle pour proposer une expérience personnalisée de l'actualité."

"Pas écrit à l'avance"

Après avoir investi, Cheetah Mobile misait sur une explosion des revenus en Europe. Elle n'est pas arrivée aussi vite qu'espérée, même si les statistiques d'usage de News Republic sont en progression constante. L'application a séduit plus de 12 millions d'utilisateurs à travers le monde depuis sa création.

Jérôme Le Feuvre comme Gilles Raymond s'attachent également à défendre un point :

"Ce n'était pas écrit d'avance, contrairement à ce que j'ai pu entendre, poursuit le premier. Si Cheetah Mobile avait voulu tout relocaliser en Chine, si le plan avait été d'aspirer les actifs de la société, cela se serait fait bien plus tôt. Au contraire, le groupe a investi et six personnes ont été embauchées à Bordeaux au 2e semestre 2016, juste après le rachat avec l'ambition de devenir un nouveau média mobile de référence dans le monde. Aujourd'hui, le nouvel actionnaire unique fait le choix stratégique de se concentrer sur les Etats-Unis."

Quid de la rapidité de la décision, moins de deux ans après le rachat, pour une société chinoise qui a jusqu'à présent très peu grandi par opérations de croissance externe ?

"C'est le signe d'entreprises du numérique qui prennent des décisions très rapidement et qui sont sur des cycles très courts d'itération dans un contexte ultra-concurrentiel. Cheetah Mobile comme d'autres dans le secteur du numérique sont des entreprises très pragmatiques. Et cela renvoie aussi à la question générale des rachats : parfois la greffe prend, mais le plus souvent, et les statistiques le montrent, elle ne prend pas."

Fertiliser le terreau tech

Pour le tandem de dirigeants, il est donc l'heure "de mettre fin à une belle aventure de 9 ans" :

"Nous restons fiers du chemin accompli, notre enjeu est que la suite se passe au mieux pour les salariés que nous accompagnons dans la période actuelle, détaille Jérôme Le Feuvre. Les talents qui ont fait le succès de News Republic commencent à rejoindre d'autres sociétés et à essaimer à Bordeaux, et peut-être de nouveaux projets qui vont émerger. News Republic a levé plus de 10 millions d'euros en investissements privés auprès de capitaux-risqueurs depuis sa création, des fonds qui ont été en grande partie réinvestis localement et pour attirer des talents à Bordeaux. Avec le chiffre d'affaires qui a été systématiquement réinvesti, on approche des 20 millions.
News Republic continue différemment, sans ancrage fort à Bordeaux mais j'espère qu'elle a contribué à l'écosystème tech bordelais depuis 9 ans. J'aime parler d'essaimage et de « terreau local » - c'est une réalité dont on parle peu, parce que l'attention est focalisée sur les phases d'amorçage et de croissance, mais les startups ne sont pas éternelles, comme toutes choses, et News Republic n'a pas eu l'opportunité de maintenir son indépendance. En espérant qu'on retienne l'histoire d'une entreprise innovante bordelaise, distinguée par de nombreuses récompenses internationales, qui a rayonné avec succès en Asie comme aux Etats-Unis, qui a signé des contrats avec les plus grands médias (CNN, BBC, Le Monde, El Pais, Shanghai Daily... plus de 2.000 au total) et constructeurs de téléphones (HTC, Samsung, Huawei etc), et a été racheté par l'un des éditeurs d'applications mobiles les plus dynamiques... et que cette aventure permette de fertiliser un terreau tech local toujours plus riche et vivace."

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