Big data/marketing : NP6, le Français qui veut bousculer Oracle et Adobe

Pionnier européen de l’email marketing, le groupe bordelais NP6, fondé en 1999, se réorganise et lance un programme de R&D qui doit lui permettre, mi 2017, de disrupter le monde de l’analyse marketing des big data (DMP : data management platform). Dans son collimateur, des concurrents géants comme Adobe et Oracle.
Invité hier par La Tribune et interviewé par Jean-Philippe Déjean, Stéphane Zittoun, son PDG, a longuement décrit la stratégie de développement de NP6, pionnier de l'email marketing, qui depuis Bordeaux et grâce à sa R&D entend challenger les plus importants acteurs du secteur partout en Europe.

De son expérience d'ex (très) jeune joueur professionnel de tarot et en passionné de poker qu'il est, l'autodidacte Stéphane Zittoun, président de NP6 (115 salariés, 11 M€ de chiffre d'affaires cette année), a tiré un enseignement basique, voire simpliste, mais qui s'est jusque-là montré utile dans sa construction d'acteur majeur de l'email marketing : avoir un coup d'avance, c'est toujours mieux que de rattraper son retard.
Dans un environnement ultra mouvant, Stéphane Zittoun avait déjà tiré le meilleur profit de cette règle en quittant un employeur au faîte de l'informatique, mais en passe de rater le virage de l'Internet en 1999 pour créer NP6, acteur de l'architecture réseau dédié à un e-commerce balbutiant.
Un coup d'avance que lui et son associé vont accentuer quand le hasard va leur apporter un client "accélérateur".

Victime collatérale de la bulle Internet de 2000

Il s'agit des trois frères Charle qui, à Bordeaux, décident de lancer un site de commerce à l'architecture informatique initialement dimensionnée pour 150 transactions/semaine. Ce site : Cdiscount et son développement fulgurant va porter l'activité de NP6 pendant quatre ans.

"En 6 mois nous comptions 16 salariés, et notre prévisionnel passait de 63.000 euros à 1,3 M€ dans le même temps", se souvient Stéphane Zittoun.

Associé à l'image et à la réussite de Cdiscount, NP6 voit venir à lui de nombreux clients, dont une startup qui a levé 130 M€ et qui, après avoir fait le bonheur économique de NP6, se crashe en 2001 faute d'avoir pu trouver des clients.

"Ce sera le moment pour nous d'un véritable pivot économique. Notre modèle va alors reposer sur l'email publicitaire et la proposition, en mode SAAS, d'une solution d'e-mail marketing innovante baptisée Mail Performance capable de connaître les centres d'intérêt des internautes et de mesurer l'impact des campagnes publicitaires. A l'époque, nous sommes trois acteurs en Europe sur ce marché", se souvient, nostalgique, le PDG.

15 clients dans le CAC 40, 10 milliards de mail gérés par an

Une avance décisive qui fait s'affoler les compteurs de la PME bordelaise. En 2006, son CA atteint 6 M€, pour 40 % de bénéfices avant intérêts et impôts.
Performance qui affole aussi les investisseurs dont la société IPT, cotée en Bourse à Londres, qui met 10 M€ sur la table pour en faire l'acquisition.
8 mois plus tard, à la faveur d'un remaniement du management d'IPT, des maladresses d'un fonds prédateur de trésorerie et de l'effondrement du cours de l'action du groupe conjugué à une habile négociation des conditions de vente, Stéphane Zittoun se retrouve à la tête de 52 % des parts du groupe incluant NP6.
Avec l'aide d'un fonds d'investissement (Turenne Capital) il rachète donc sa société dont le développement va connaître une nouvelle accélération avec le mode Html qui permet de tracer les emails. L'activité de NP6 explose en même temps que son portefeuille client (15 des entreprises du CAC40 en font partie).

La fin du marketing intuitif, le début de l'activation marketing

Un LBO plus tard (2013), NP6 finalise une acquisition majeure : Socio Logiciel, société experte en intelligence des données statistiques, moyennant 5 M€ d'investissement.

"Nous sommes persuadés que pour les 10 ans à venir, le marketing passera uniquement par les mathématiques. Le marketing intuitif ne résiste pas à la masse. Les études montrent que les maths sont plus forts que l'intuition dans ce domaine", assure Stéphane Zittoun.

L'acquisition, l'été dernier, d'Ezakus, une startup bordelaise de 21 salariés, pionnière du DMP (Data Management Platform) et experte de la qualification et du ciblage d'audience, capable de prédire ce que les consommateurs vont acheter demain via ses outils de gestion et d'analyse de grandes masses de données, complète la palette de compétences du groupe NP6 et lui donne les armes nécessaires pour rattraper son retard sur certains acteurs du marché de l'activation marketing, ou pour faire simple, la méthode d'exploitation des données multicanal qui permettent, au mieux, de transformer en adhésion des consommateurs une campagne marketing.

5 M€ en R&D et une deuxième chance de conquête à l'international

"Avec les compétences de NP6, d'Ezakus et de Socio Logiciel regroupées sous l'entité NP6 Solutions désormais, nous avons les moyens de nous hisser au niveau de la concurrence la plus pointue dans ce domaine. D'ailleurs, notre DMP actuelle, mise au point par Ezakus, fait déjà ses preuves avec l'enseigne Brico Dépôt (7.500 salariés, 2,7 Md€ de CA, NDLR) du groupe anglais Kingfisher, qui a considérablement (c'est confirmé par la direction de Brico Dépôt, NDLR) élevé le niveau d'efficacité de ses campagne d'email marketing. Mais nous savons très bien que cela ne suffit plus. Nous recherchons, grâce à un projet de R&D de 5 M€ sur deux ans, à mettre au point des technologies disruptives qui vont nous donner des coups d'avance sur la concurrence de notre secteur."

Au cours du deuxième semestre 2017, la mise au point d'un nouveau produit d'analyse, capable de recueillir des informations sur les réseaux sociaux, les sites, les blogs qui constituera une nouvelle marque, devrait être achevée.

"Avec l'acquisition d'Ezakus, bien accompagnée par le Conseil régional qui nous a octroyé 500.000 euros de subvention, 250.000 euros de prêt d'honneur, et Bpi qui nous a accordé 500.000 euros de prêt, nous avons désormais les moyens de disrupter notre métier. De proposer un service disposant d'une avance technologique assez grande pour nous permettre de changer de catégorie. Nos futurs concurrents seront Adobe et Oracle et nous irons tout de suite à l'international pour conquérir des marchés. Nous ne referons pas deux fois l'erreur de Mail Performance, quand nous avions un outil extraordinaire et seulement deux concurrents en Europe et que nous aurions dû conquérir l'international !", jure Stéphane Zittoun.

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