A Bordeaux, la guerre du canelé aura bien lieu

Par Pascal Rabiller  |   |  716  mots
La guerre du canelé entre Baillardan l'artisanal haut de gamme et La Toque Cuivrée et sa stratégie low cost va prendre un nouveau virage, celui de la concurrence physique frontale et du procès.
Invitée du Petit Déjeuner interactif de La Tribune Bordeaux et de Crédit agricole Aquitaine, et interviewée par Jean-Philippe Déjean, Angèle Baillardran, codirigeante de la société du même nom, productrice d'un célèbre canelé bordelais, a présenté une stratégie qui devrait secouer une certaine concurrence qu’elle juge déloyale. Un procès se prépare également.

A Bordeaux, personne ne s'accorde vraiment sur l'écriture exacte de la plus célèbre pâtisserie bordelaise, le canelé qu'on écrit souvent cannelé. Une chose est sûre : aucune de ces écritures n'est fausse.
Quoi qu'il en soit, entre le producteur de canelés Baillardran et un de ses concurrents les plus agressifs tant en termes de positionnement de ses boutiques que dans sa politique tarifaire, la Toque Cuivrée, l'écriture qu'ils ont choisie, canelé, est l'unique point d'accord visible.
Invitée du Petit Déjeuner interactif de La Tribune - Crédit agricole Aquitaine dans les salons de l'hôtel Mercure Cité Mondiale à Bordeaux, Angèle Baillardran a présenté une stratégie de développement commercial qui va, sans jamais le dire, directement adresser un concurrent dont elle s'applique consciencieusement à ne jamais prononcer le nom.
En effet, celle qui, avec son mari Philippe Baillardran, et en seulement 28 ans, a fait de cette pâtisserie ancrée dans le patrimoine gastronomique de Bordeaux une PME artisanale... de 140 salariés, capable de réaliser 20.000 canelés par jour, comptant 17 boutiques et réalisant 10 M€ de chiffre d'affaires, a présenté une partie de sa stratégie de développement commercial.
Outre le développement du e-commerce "réseau de vente qui ne cesse de croître et dont j'attends beaucoup à l'avenir", Angèle Baillardran a évoqué le nouveau grand projet commercial de son enseigne.
Après l'ouverture en juin 2016 d'une importante boutique à proximité immédiate de l'Office de tourisme de Bordeaux, cours du XXX-Juillet - "désormais notre meilleur point de vente avec les boutiques de la gare et de l'aéroport" - la famille Baillardran, qui n'envisage pas de créer une franchise ou même d'adresser la grande distribution, poursuit le maillage de Bordeaux avec ses boutiques qui empruntent tout aux codes du luxe.

Place Gambetta, la nouvelle case du "Monopoly" Baillardran

Dans quelques mois, début 2017, la célèbre marque va ouvrir, à l'angle de la place Gambetta et de la rue Judaïque, son futur vaisseau amiral commercial, "dans un secteur qui va connaître un embellissement conséquent et une montée en gamme du commerce avec l'arrivée, dans les années qui viennent, d'un palace à la place du Virgin Megastore". Une place sur laquelle l'enseigne entend capitaliser fortement. La preuve par le clin d'oeil : Baillardran s'est offert la case Gambetta dans la prochaine édition du jeu Monopoly Bordeaux !

"C'est un nouveau concept que nous allons tester à Gambetta", explique Angèle Baillardran. "Nous allons mélanger boutique, laboratoire et école de canelés Baillardran. Nous nous associons à l'Atelier des Chefs pour ces cours qui seront ouverts à tous. Cette boutique sera largement ouverte sur la rue. Nous allons jouer la transparence totale sur notre production artisanale, sans OGM et sans conservateurs."

Une transparence qu'appréciera sans doute sa concurrente, La Toque Cuivrée, qui tient  une boutique à 20 mètres de la future boutique-atelier-école de Baillardran...

"Depuis 10 ans, il existe un véritable engouement pour le canelé. Cela a suscité des vocations entrepreneuriales et c'est très bien car cela nous oblige à nous remettre en question, à inventer de nouvelles recettes, comme le canelé 100 % vanille, sans rhum, ou le canelé au chocolat..."


Angèle Baillardran

Un procès haut en couleur ?

Si elle juge généralement la concurrence comme saine, visiblement, pour la maison Baillardran le qualificatif ne s'applique pas à tous les concurrents.

"Certains concurrents sèment la confusion dans la tête des consommateurs. Ils pratiquent une politique de low cost quand nous visons un marché haut de gamme avec des produits de qualité et une fabrication artisanale, donc forcément plus chers à l'arrivée... et comme par hasard ils utilisent un code couleur très proche du nôtre."

Dans le collimateur de la dirigeante, le rouge spécialement créé par Philippe Baillardran en 1988 lors de la création de la société. 
Le fait que cette couleur située entre le rouge et le vermilion, soit utilisée par une société concurrente depuis quelques années, ne passe visiblement pas...
Un procès se préparerait actuellement, le résultat de l'affaire devrait intervenir en 2017.
Certaines recettes commerciales du canelé bordelais risquent avoir un léger goût amer dans les mois qui viennent.