Vignobles bordelais : les acheteurs chinois ont bien changé

Il y a moins de dix ans que les Chinois s’intéressent aux vignobles bordelais. 130 châteaux sur les 7.500 environ que compte Bordeaux sont passés sous pavillon chinois. C’est très peu mais assez pour que l’on parle régulièrement d’invasion. Ces investisseurs, leurs motivations, ont beaucoup évolué en très peu de temps.
Le drapeau chinois flotte sur environ 130 chateaux bordelais. En très peu de temps, la motivation des investisseurs chinois a radicalement évolué.

L'engouement des Chinois pour les vignobles bordelais est récent. Il a moins de dix ans. Pour autant, ce court laps de temps a déjà vu trois typologies d'investisseurs chinois se succéder à Bordeaux.
Il y a d'abord eu les pionniers asiatiques, à l'image du groupe japonais Suntory (Château Lagrange et Château Beychevelle) qui, en 1983, ouvrait le ban. Le premier Chinois, lui, est venu de Hong Kong, en 1997. Peut-on d'ailleurs parler de Chinois puisqu'il s'agit de Peter Kwok, un natif du Vietnam devenu magna du secteur bancaire chinois ? Visionnaire, amoureux des vignobles bordelais, Peter Kwok n'a eu de cesse, via sa société française Vignobles K, d'accroître son patrimoine en prenant bien garde de s'entourer des meilleures compétences locales. Aujourd'hui, lui et sa famille contrôlent 40 hectares en Saint-Emilionnais, et ces vignobles sont tout sauf des danseuses pour le businessman parfaitement intégré en tant qu'acteur de son appellation.

La génération suivante d'investisseurs chinois n'aura généralement pas été du même acabit. "Celle-ci a fait beaucoup parler d'elle", explique le Bordelais Charles Traonouëz (Cabinet Rustmann & Associés, Compagnie bordelaise viticole et agricole), conseiller en cession et transmission d'entreprises viticoles.

"Il faut dire qu'en peu de temps ces investisseurs ont réalisé un grand nombre d'acquisitions, ce qui a permis à certains acteurs locaux et aux médias de régulièrement parler d'une invasion qui n'a jamais vraiment eu lieu."

Pour ce spécialiste, les Chinois qui ont investi à partir de 2010 dans les vignobles bordelais étaient surtout à la recherche de biens immobiliers entourés de vignes.

"Ils arrivaient avec 2 ou 3 millions d'euros à dépenser et venaient d'abord acheter de la pierre, sortir de l'argent de Chine et le mettre un peu à l'abri des soubresauts politiques éventuels. Ils achetaient du rêve français bien avant d'acheter du vin."

30 % de remise en vente après deux exercices comptables

Un rêve français qui tombait plutôt bien pour un certains nombre de propriétaires bordelais confrontés à des difficultés économiques et qui ont trouvé dans cette appétit chinois une porte de sortie plus qu'honorable... Un rêve français qui s'est transformé en cauchemar parfois.
Beaucoup de ces nouveaux propriétaires sont sur le départ désormais, assure le spécialiste bordelais.

"30 % des acquisitions réalisées ces six dernières années sont déjà en vente... souvent après deux exercices comptables seulement."

Un manque de connaissance des spécificités voire des subtilités de la viticulture explique ces allers-retours rapides.

"Certains de ces acheteurs chinois pensaient qu'une fois l'acquisition passée, les investissements s'arrêtaient là. On a vu des propriétés reprises par des Chinois qui n'avaient pas budgétisé les achats, l'entretien des outils de production... et je ne parle même pas de la remise à niveau des vignes... Les régisseurs étaient souvent sommés de faire tourner les propriétés en autofinancement... ce qui était pour le moins compliqué, surtout quand il y a tout un réseau de distribution à réorganiser et que les nouveaux propriétaires s'improvisaient marchands de vin", précise Charles Traonouëz.

Les plus récents investisseurs chinois ne sont plus de cette veine.

Des budgets situés entre 5 et 10 M€

"Aujourd'hui les investisseurs chinois qui nous approchent savent que leurs investissements ne leur rapporteront pas 12 % par an, explique ce spécialiste. Ils savent que le retour sur investissement est long. Ils sont informés sur nos logiques fiscales. Surtout, ils ne parlent plus de revendre en Chine en multipliant le prix par 10... d'ailleurs le marché chinois n'est plus forcément leur obsession. Ils cherchent d'abord de l'AOC, des grands vignobles, ils veulent faire de grands vins en s'appuyant sur les compétences internes, les expertises locales, mais aussi en faisant confiance à des jeunes Chinois qui se forment dans nos meilleures écoles. Ces acheteurs disposent, aujourd'hui, en moyenne, d'un budget situé entre 5 et 10 M€."

Les motivations changent, les moyens aussi, mais l'attractivité pour Bordeaux et ses vignobles ne se dément pas. Aujourd'hui, si 2/3 des transactions de vignobles bordelais concernent des investisseurs français, le tiers restant concerne quasi essentiellement des investisseurs chinois...
Des investisseurs qui apprennent très vite du marché bordelais. Désormais il n'est pas rare que, pour gagner du temps, voire éviter les erreurs du passé sur la mise en marché de leur vins, les investisseurs de l'empire du Milieu s'intéressent aussi aux sociétés de négoce bordelaises... En d'autres termes, ces acheteurs ressemblent de plus en plus, à s'y méprendre, aux vagues d'investisseurs étrangers, Belges, Allemands, Anglais, Suisses, Hollandais... qui ont fait l'histoire et participé de manière active au rayonnement mondial, et au prestige des crus bordelais.

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