Nouvelle économie et hôteliers : pour la juste concurrence, il faudra attendre

Lors du 63e congrès de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), qui avait pour thème principal "Nouvelle économie, enjeux et règles du jeu", les professionnels des filières hôtellerie et restauration sont restés… sur leur faim après l’intervention, hier soir, de Martine Pinville, secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Artisanat. L’uberisation menace toujours leurs métiers.
Martine Pinville, secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Artisanat, n'a pas fait les annonces attendues par les hotelliers et restaurateurs en matière d'une concurrence juste et efficace avec les acteurs de l'économie collaborative.

Ce n'est pas faute d'essayer. Le syndicat professionnel Umih qui représente 80 % des professionnels français du secteur CHR (Café, Hotels, Restaurants) ne ménage pas sa peine pour mettre la pression sur les acteurs du monde numérique qui viennent bousculer ses marchés. Le funeste 13 novembre dernier, c'est aux côtés de cinq autres fédérations européennes (allemande, néerlandaise, espagnole, italienne et anglaise) que l'Umih interpellait l'Europe afin qu'elle mette en place les conditions d'une plus grande équité commerciale, sociale et fiscale.
Dans son collimateur : Airbnb, Abritel, Homelidays, Sejourning...  le short renting, location courte durée, via les plateformes de mise en relation de particuliers, ou pseudo particuliers. Un phénomène international qui, selon l'Umih, connaît une expansion incontrôlée, à Paris notamment.

"La fréquentation touristique progresse de 2 % à Paris lors du premier semestre 2015... pourtant l'hôtellerie parisienne enregistre, dans le même temps, une baisse de 2,8 %", constate Roland Heguy, l'hôtelier basque qui préside l'Umih.

Un syndicat qui avance ses chiffres :

"Le short renting est une concurrence déloyale puisqu'il génère 60 à 70 % de résultat net avant impôts... quand ces revenus sont déclarés. Alors que l'hôtellerie, si on enlève les charges financières et amortissement, les taxes locales, les coûts d'exploitation et les salaires et charges, génère 5 à 10 % de résultat net avant impôts", assure le syndicat professionnel dans une note ("D'une économie collaborative cool à une industrialisation rampante pas cool") produite en octobre dernier.

Dans ce contexte, qui s'accompagne de la montée en puissance de nouvelles offres de service de mise en relation d'internautes pour des repas payants chez les particuliers sans aucune contrainte sanitaire, sécuritaire, de type Vizeat, Voulezvousdiner.com... il était évident que les professionnels réunis à Bordeaux attendaient beaucoup de Martine Pinville, secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat. Espoirs déçus qui ont débouché sur une absence d'applaudissements de la part des 400 personnes réunis dans l'amphithéâtre du Palais des congrès de Bordeaux l'issue de son discours.

Martine Pinville, secrétaire d’Etat au commerce et à l’artisanat

A l'issue de son intervention, Martine Pinville a pris le temps de discuter avec un restaurateur de la Meuse, visiblement déçu par son absence d'annonces en faveur de sa profession.

"Je ne venais pas pour faire des annonces et je comprends la déception", analysait Martine Pinville à l'issue de son intervention. "Je suis d'abord venue parler des accompagnements que le gouvernement, les collectivités comme la ville de Paris, mettent en place pour aider la filière durement touchée depuis les attentats du 13 novembre. Nous mettons en place des délais de paiement pour les charges de crédits, des suspension de remboursement, le fonds de modernisation de la restauration est consacré à l'accompagnement d'investissements de sécurité... "

Les professionnels de la restauration parisienne apprécient. Mais l'ensemble de la  filière, qui fait des propositions au gouvernement pour la mise en place d'une concurrence "juste et équitable" vis-à-vis de l'économie collaborative, comme la fixation de durée minimale de location de 7 jours pour les logements et une limite à 52 jours de location par an, attendait des actions de la part du gouvernement.

"Nous avons organisé, cet été, 2.000 contrôles auprès de loueurs passant par les plateformes de mise en relation des particuliers", répond Martine Pinville. "Nous travaillons, avec l'Union européenne, à une évolution de la loi qui amènera plus d'équité, tout en continuant de répondre aux attentes nouvelles des consommateurs qui sont friands de ces nouvelles façons de consommer... tous les acteurs doivent se remettre en question, se transformer..."

Un discours difficile à entendre pour Roland Heguy : "que l'Etat puisse admettre qu'on peut louer des logements à la nuitée sans les déclarer, c'est inadmissible pour nous !"
Sans lui répondre directement, la secrétaire d'Etat ajoutait hier après-midi :

"La future loi Noé peut faire évoluer favorablement le contexte et rebattre les cartes. On compte aussi sur l'Europe qu'on a sollicitée pour faire évoluer les choses. Nous engageons des travaux avec l'Allemagne sur ces questions liées à l'économie collaborative. On ne part pas de rien, nous avons des règles, la DGCCRF fait des contrôles et nous devons protéger les consommateurs, mais je ne peux, aujourd'hui, dire quand nous aboutirons à des lois et à une situation acceptable par tous."

En attendant, pour  l'Umih (désormais dans le périmètre régional de la future grande région, celui d'une Umihra, qui regroupe les présidents des 12 départements d'Aquitaine Limousin Poitou-Charentes et vient d'élire son président pour quatre ans, Laurent Barthélémy) le temps joue toujours en défaveur du secteur "traditionnel". Un secteur tout juste rassuré par les deux annonces faites par Laurent Fabius pendant la récente conférence annuelle du tourisme. Celles-ci concernent la mise en place de France Développement tourisme (dispositif doté de 1 Md€ en faveur de l'hébergement français dans les territoires ruraux) et une mesure visant à obliger un propriétaire d'hébergement loué à déclarer les revenus agrégés de son activité à l'administration fiscale. "Une première pierre vers une plus grande transparence fiscale et vers une déclaration automatique des revenus entre les plateformes et l'administration fiscale", estime l'Umih qui rappelle au passage qu'il s'agit d'une proposition qu'elle porte depuis quelques mois...

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