Fusion Airbus - Safran : les syndicats d’Herakles votent contre

Par Jean-Philippe Dejean  |   |  587  mots
Tir lanceur Ariane 5 en 2012 au centre spatial de Kourou en Guyane
Les avis dispersés des syndicats d’Herakles, au Haillan (33), se sont traduits au final par un refus du projet de création d’une coentreprise entre Airbus et Safran.

Le comité central d'entreprise (CCE) d'Herakles (2.300 salariés), au Haillan, numéro deux mondial de la propulsion à propergol solide, filiale de Safran, a donné un avis négatif le 27 octobre quant à la création de la coentreprise réunissant les équipes d'Airbus et Safran impliquées dans les lanceurs spatiaux, qui a été annoncée en juin et doit se concrétiser d'ici la fin de l'année. Aucun des quatre syndicats représentés au CCE n'a voté de la même façon. Alors que la CFE-CGC soutient le projet, la CGT a voté contre, la CFDT s'est abstenue et SUD a refusé de voter. Jointe par téléphone, la direction d'Herakles n'a pas souhaité répondre à nos questions. Représentant SUD, François Ossorio regrette que les syndicats ne soient pas tombés d'accord pour voter contre le projet et créer un rapport de force avec la direction.

"Nous n'avons pas pris part au vote car nous n'avions pas assez d'informations pour nous prononcer, personne ne connaît le nombre de services d'Herakles qui risquent d'être absorbés dans cette fusion. Alors que l'Etat ne s'est pas encore prononcé sur la question, dire oui c'est rendre la chose possible", explique l'élu de SUD.

Comme les avions

Défavorable à la privatisation de la filière spatiale, la CGT d'Herakles a voté contre. "Safran et Airbus se positionnent en sauveurs de la filière spatiale sur fond de crise européenne en omettant de parler des effets d'aubaine que sont les aides publiques liées aux programmes d'Etat", observent les élus CGT du comité d'entreprise européen de Safran. Ils demandent une meilleure association des syndicats aux décisions et soulignent que "la présence publique dans le capital du groupe doit servir les Etats, l'Europe et les salariés du groupe pour garantir la vocation industrielle et la qualité des productions, et non livrer le groupe et ses partenaires aux appétits des marchés financiers." A l'inverse, la CFE-CGC s'implique dans la défense du projet.

"Le CCE d'Herakles a été le seul à voter contre la création de la coentreprise ! C'est dommage. Airbus fait des avions, ce n'est pas l'Etat qui décide s'il faut construire un A320. Cela doit être pareil pour le spatial, à condition que les activités civiles et militaires restent jointes, argumente Philippe Gery (CFE-CGC). Cette fusion risque d'impacter les cadres des services supports, poursuit-il, mais elle sera favorable pour Herakles. Car la future Ariane 6 va embarquer davantage de poudre qu'Ariane 5. Dans tous les cas, il n'y aura pas de plan de sauvegarde de l'emploi."

Contrer SpaceX

Pour formel qu'il puisse paraître, l'avis du CCE est consultatif, ce vote se fait dans un contexte très tendu, puisque les Européens sont menacés par les lancements spatiaux low cost de l'entreprise américaine SpaceX, elle-même soutenue par la Nasa.
Avec le projet de fusion en cours, les Européens s'apprêtent à riposter en privatisant leur industrie spatiale. Comme l'a révélé le 7 juillet dernier La Tribune ("Faut-il donner toutes les clés d'Ariane 6 à Airbus et Safran ?"), cette politique du développement des lanceurs spatiaux, qui écarterait l'Agence spatiale européenne et le CNES (Centre national d'études spatiales), comporte de sérieux risques. Deux accidents, l'échec du vol 517 d'Ariane (2002) et celui du missile M51(2013), impliquent ainsi respectivement Airbus Group et Safran, et Airbus Space system. Les ministres européens et le gouvernement français devraient se prononcer courant décembre.