Une nouvelle campagne de distillation face à la crise viticole

Le ministre de l'Agriculture a annoncé, lundi 6 février, une campagne de distillation, dotée de 160 millions d'euros, pour soutenir les viticulteurs confrontés à une crise de surproduction tout en ouvrant la porte à un arrachage ciblé. Une mesure qualifiée de « poudre aux yeux » par un collectif de vignerons girondins, qui réclame une prime à l'arrachage plus ambitieuse pour répondre aux difficultés structurelles du vignoble bordelais.
Le 6 décembre plusieurs milliers de vignerons girondins ont manifesté dans les rues de Bordeaux pour réclamer l'arrachage d'une partie du vignoble.
Le 6 décembre plusieurs milliers de vignerons girondins ont manifesté dans les rues de Bordeaux pour réclamer l'arrachage d'une partie du vignoble. (Crédits : Agence APPA)

« La filière vitivinicole traverse actuellement une crise conjoncturelle dans le contexte d'inflation lié à la guerre en Ukraine qui exacerbe des difficultés structurelles dans certains bassins viticoles et couleurs de vins », écrit le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau dans un communiqué. Dans le Bordelais, plus grand vignoble AOC de France, avec ses 110.000 hectares cultivés dont 85% en rouge, les appellations les moins prestigieuses souffrent particulièrement de l'effondrement des prix et de la surproduction évaluée à un million d'hectolitres. À tel point qu'un vigneron bordelais sur trois se déclare en difficulté et qu'un sur dix envisage de stopper son activité et de procéder à l'arrachage total de ses vignes.

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Pour accompagner la filière, « majeure pour l'économie française », « une campagne de distillation » sera engagée « dès cet été » grâce au déblocage « dans la limite des montants autorisés par les dispositions européennes » de « 40 millions d'euros de crédits nationaux complétés de 40 millions de l'enveloppe de financements européens (FEAGA) », indique Marc Fesneau. Une seconde campagne de distillation pourra être organisée « à partir d'octobre (...) pour atteindre un maximum de 160 millions d'euros en 2023 », détaille le ministre. L'objectif étant de distiller autour de 2,5 millions d'hectolitres de vin, principalement du rouge.

La dernière campagne de distillation mise en place à l'été 2020 avait aidé les viticulteurs français à écouler les excédents constitués au début de la pandémie de coronavirus en raison de la fermeture des bars et restaurants dans le monde entier. Ils avaient été transformés en alcool pour fabriquer du bioéthanol, des parfums ou du gel hydroalcoolique. Dans le Bordelais, 500.000 hectolitres avaient été distillés.

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Le ministre rappelle par ailleurs que le gouvernement a étendu et prolongé le dispositif de prêt garanti par l'Etat (PGE) jusqu'à la fin 2023. Deux nouveaux guichets d'aide aux investissements de protection face aux aléas climatiques dotés « d'un total de 40 millions d'euros » ouvriront également « dans les prochains jours ». Des pistes sont aussi à l'étude « autour de la mobilisation des outils du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) sur la diversification agricole, du renouvellement de générations, et de l'arrachage sanitaire dans le cadre d'un programme interprofessionnel d'enrayement de la flavescence dorée », maladie qui peut ressurgir dans les vignes non entretenues ni traitées. Cela permettrait, selon le gouvernement, d'aider les viticulteurs dès 2023, notamment dans le Bordelais.

De son côté, le vignoble bordelais réclame l'arrachage définitif de 10.000 hectares à 15.000 hectares de vignes en trois ans, soit plus de 10 % du vignoble, avec une prime de 10.000 euros/hectare. Un plan ambitieux qui nécessiterait la mobilisation de 150 millions d'euros. Le collectif « Viti 33 » considère que la distillation « ne résoudra absolument pas la situation dans le Bordelais » avec « 24 mois de stockage dans les chais ».

« Cela va faire un peu de beurre dans les épinards, quelques milliers d'euros pour tenir 2-3 mois de plus mais c'est tout », a déclaré à l'AFP son président Didier Cousiney. Selon lui, s'il n'est pas décidé de réduire « la production à Bordeaux, on court à la catastrophe l'année prochaine ou dans deux ans » avec « des drames familiaux et humains » à la clé, suite aux dépôts de bilan.

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« La distillation, c'est de la poudre aux yeux pour nous faire patienter. On caresse le chien pour qu'il ne morde pas », ajoute encore Didier Cousiney, qui assure que les vignerons bordelais sont déterminés à se faire prochainement de nouveau entendre après les mobilisation de décembre 2022 et janvier 2023.

De son côté, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset accueille positivement les annonces de l'Etat : « Il y a des différences selon les vignobles. Dans le midi, les viticulteurs choisissent plutôt de distiller. Dans le Bordelais, ils veulent plutôt arracher 10.000 à 15.000 hectares parce qu'il y a des fins de parcours professionnels, on voit aussi qu'il y a un surplus de production d'un million d'hectolitres. L'idée est d'avoir un fonds qui puisse accompagner ces viticulteurs. La Région interviendra par la suite sur la transition : savoir quelles plantations l'on va mettre à la place de la vigne » L'olivier et le noisetier sont les espèces les plus souvent citées.

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