Agriculture, alimentation, énergies  : Euralis pivote vers un modèle plus durable

INTERVIEW. Entre arrêt de la vente des pesticides et développement des énergies renouvelables dans les exploitations agricoles, la coopérative Euralis multiplie ces dernières années les décisions stratégiques en faveur d'une agriculture plus durable. Le point avec Laurent Dubain, directeur général du pôle agricole du groupe qui pèse 1,44 milliard d'euros de chiffre d'affaires, emploie 5.300 salariés et fédère 9.000 agriculteurs.
Laurent Dubain, directeur général du pôle agricole du groupe coopératif Euralis.
Laurent Dubain, directeur général du pôle agricole du groupe coopératif Euralis. (Crédits : Euralis)

LA TRIBUNE - Euralis affiche clairement sa volonté d'accompagner la transition du monde agricole vers des pratiques plus durables, en termes environnemental comme économique. De quand datez-vous ce repositionnement stratégique ?

Laurent Dubain - La perspective de la gouvernance en 2020 a conduit la coopérative à s'interroger sur le rôle qu'elle entendait jouer dans une agriculture en pleine mutation : le conseil d'administration a engagé une démarche prospective, Cap2030, pour identifier les grandes évolutions à l'œuvre dans le monde agricole, et définir la stratégie d'Euralis face aux mutations qui s'imposent : réduction des intrants, meilleure prise en compte de la gestion de l'eau, émergence des énergies renouvelables dans les exploitations, amélioration de la traçabilité, développement des circuits courts, etc. C'est cette démarche-là qui a amené la coopérative à adopter début 2021 une nouvelle vision en ce qui concerne ses activités agricoles, en faveur d'une agriculture plus durable, d'une meilleure alimentation et du déploiement des énergies renouvelables.

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Concrètement, cette vision se traduit comment ?

D'abord, par un changement de paradigme dans notre relation avec l'aval de la filière : nous avons décidé de passer d'une production banalisée à une production contractualisée, négociée avec les clients. Les besoins qu'ils expriment reflètent les attentes sociétales, et nous challengent avec des exigences, notamment environnementales, plus poussées. La contrepartie, ce sont des revenus garantis pour nos producteurs, dans une logique vertueuse : la rémunération valorise l'amélioration des pratiques. Nous nous sommes fixés pour objectif d'ici 2030 d'avoir 70 % de notre production sous contrat.

C'est aussi début 2021 que l'ordonnance sur la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires, issue de la loi Egalim, est entrée en vigueur. Vous avez alors opté pour un choix qui reste à ce jour assez original : abandonner la vente de pesticides, qui représentait 70 millions d'euros de votre chiffre d'affaires (sur un CA global de 650 millions d'euros), pour développer une offre de conseil...

Oui, au regard de notre démarche Cap2030 et des objectifs que nous nous fixons, le choix du conseil est apparu comme le plus cohérent. Nous savons que nous avons les compétences pour accompagner les producteurs, et nous ne voulons plus être des pharmaciens : nous voulons être des médecins. Nous avons donc engagé dès 2021 la séparation de nos activités, en plaçant la vente dans deux sociétés distinctes, dans l'objectif de les céder ; ce qui ne s'est pas fait sans inquiétudes pour les collaborateurs, puisque cette activité "vente" comptait tout de même 230 personnes. Mais nous avons multiplié les prises de paroles pour expliquer ce choix, et aujourd'hui nous arrivons au bout du processus. L'une des sociétés est quasiment cédée, l'acquéreur est identifié ; l'autre a été placée en fiducie-gestion en attendant de trouver preneur.

En parallèle, nous avons engagé la mutation de nos équipes d'accompagnement, avec un processus de formation agronomique assez lourd, pour les outiller et développer leurs compétences dans le conseil. Et nous avons mis en place cinq offres d'accompagnement à l'attention des agriculteurs, dont une offre de conseil individuel, sur-mesure, qui est de loin la plus plébiscitée aujourd'hui.

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Près de deux ans plus tard, ce repositionnement vers l'aval est-il franchement engagé ? Où on êtes-vous de vos objectifs à moyen terme ?

Nous tenons le cap : nous sommes déjà à 50 % de nos productions régies par contrat et nous avons commercialisé 1.800 offres de conseil, alors que l'objectif était d'atteindre les 1.500 à fin août 2022.

Vous évoquiez aussi le déploiement des énergies renouvelables dans les exploitations agricoles, comment participez-vous à cet essor ?

Nous voulons agir sur trois leviers : les biocarburants, le solaire et la méthanisation. En ce qui concerne les biocarburants, le virage est déjà bien engagé puisque 25 % de notre production de maïs est déjà fléchée vers la filière bioéthanol. Sur le solaire, nous avons créée début 2022 une filiale, Eurasolis, pour équiper les agriculteurs d'une solution photovoltaïque en toiture - voire pour construire des bâtiments agricoles équipés de panneaux. Et nous lançons un projet pilote d'agrivoltaïsme sur des exploitations de kiwi rouge près de Pau. Quant à la méthanisation, nous sommes partie prenante du méthaniseur mis en service cet été par Total énergie à Mourenx, sur le bassin de Lacq, puisque nous participons à l'approvisionnement des intrants qui alimentent le méthaniseur. Nous en sommes également partenaires à l'aval, en récupérant les boues résiduelles que nous valorisons comme engrais.

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