Le 26 juillet 2021, après avoir été saisi par des associations de défense de l'environnement, le Conseil d'état invalide les orientations gouvernementales pour encadrer les impacts des activités agricoles sur les riverains. En cause, le manque d'information à destination des personnes les plus exposées, les habitants autour des parcelles et en particulier les travailleurs agricoles. Cette fois pour la chambre d'agriculture de la Gironde, de fait déboutée de sa première charte ad hoc, "le mieux serait que le Conseil d'État ne soit pas saisi".
L'instance a présenté mardi 17 mai la nouvelle formule de sa charte au château Ségur à Parempuyre. Intitulée, comme il y a deux ans, "Charte du bien vivre ensemble", elle fixe un cadre pour les pratiques des agriculteurs vis-à-vis des conséquences sur l'environnement proche. Et se veut plus attentive au sujet de l'information des riverains. C'est justement sur la question des populations et de leur exposition aux pesticides que des associations nationales et locales avaient fondé leur recours devant le Conseil d'état en 2020.
La chambre d'agriculture est contrainte de montrer qu'elle a compris le message et avance des engagements. Un dispositif de signalement des heures d'épandage sera ainsi mis en place, par téléphone ou mail, au moins huit heures avant les passages, avec les riverains qui le souhaiteraient. Il reviendra à l'agriculteur de collecter les coordonnées des personnes intéressées. Pour ce qui est des salariés agricoles, les chefs d'exploitation doivent s'engager à fournir un équipement de protection et proposer des formations à l'utilisation des produits phytosanitaires.
Limitation des zones de non-traitement
Au niveau des produits utilisés, la charte n'interdit pas l'utilisation des produits classés CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) comme le revendiquent les associations environnementales. "On n'a pas d'autre solution actuellement", rétorque Jean-Louis Dubourg, président de la chambre d'agriculture de Gironde. Des alternatives partielles existent pourtant puisque la charte enjoint à "choisir des produits à impact moindre sur la santé et l'environnement, en particulier les produits autorisés en agriculture biologique".
Pour amener la profession vers davantage de considération environnementale, les exploitations sont invitées à engager les démarches de certification pour différents labels. Et notamment l'un d'eux, devenu totem. "La certification Haute valeur environnementale reste la plus importante dans notre département", fait valoir Jean-Louis Dubourg à La Tribune.
Dans les cinq pages du document, la charte fait également mention des distances des Zones de non-traitement (ZNT). Selon la loi, il est ainsi prévu qu'aucun produit phytosanitaire ne soit pulvérisé sur un espace délimité entre les parcelles et les habitations. Il est de 5 mètres pour l'arboriculture et de 3 ou 5 mètres pour la viticulture et les cultures basses si le matériel utilisé permet de réduire les rejets autour de la plante traitée. Des distances deux fois moins importantes que les niveaux réclamés par les associations.
Deux fois plus de signataires
Au-delà du contenu, les frondeurs grondent aussi au sujet des conditions de la concertation. Sur Twitter, Alerte pesticides Haute-Gironde a déploré de ne pas avoir été invitée à prendre part à l'élaboration de la charte, contrairement à la première réalisation en 2020. La chambre d'agriculture affirme pourtant avoir élargi son public de concertation : la charte nouvelle formule compte 28 signataires, contre 16 il y a deux ans. Des syndicats de collectivités, vendeurs de machines agricoles ou encore la fédération des chasseurs ont rejoint le mouvement. La Sepanso, fédération d'associations de protection de la nature dans le Sud-Ouest invitée à la concertation, a refusé d'apposer sa signature.
"La nouvelle charte est très voisine de la précédente", explique Bertrand Garreau, administrateur du collectif. "Ce qui nous gène le plus c'est qu'elle prévoit un certain nombre de dispositions (produits moins toxiques, matériel de réduction de la dérive...) alors qu'il n'y a pas d'objectif progressif. Nous aurions souhaité un engagement de la profession avec des échéances." L'association pointe aussi les réductions des ZNT permises par certaines dispositions de la charte.
Dans l'instance professionnelle agricole, on assure suivre le cadre défini par la réglementation nationale. "Les agriculteurs s'engagent à traiter comme il faut, avec le bon produit, au moment où il faut et avec la dose qu'il faut. Si les associations ne sont pas d'accord avec ça...", maugrée Jean-Louis Dubourg. La consultation du public sur cette seconde mouture est prévue dans les prochains mois et ce sera l'occasion pour les associations de "réaffirmer ce qui paraît insuffisant". Auparavant, la préfecture aura son mot à dire et pourra demander des ajustements. A la chambre d'agriculture, "on les espère les plus mineurs possibles".
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !