"2020 sera notre pire année depuis que j'ai repris l'exploitation avec mon frère en 1997. On est à -40 % de chiffre d'affaires à fin novembre", lâche Cédric Massé, ostréiculteur et dirigeant de l'Oléronaise, une entreprise de douze salariés basé à Oléron. "Les marchés en région parisienne et Picardie fonctionnent correctement mais on est très pénalisé par la vente à l'export avec -50 % vers la Belgique et -60 % vers l'Italie tandis que la restauration s'est à nouveau effondrée de 80 % en novembre !", poursuit ce chef d'entreprise qui n'a embauché que 15 saisonniers pour le fêtes contre plus d'une vingtaine d'ordinaire.

La moitié des huîtres françaises en Nouvelle-Aquitaine

Un peu plus au Sud, à Claouey, sur le bassin d'Arcachon, Thomas Cunado, qui gère son exploitation ostréicole et son activité de dégustation à la cabane La Bonne Franquette, espère lui limiter les dégâts. Il prévoit de terminer l'année avec un repli de seulement 10 % de son activité grâce à une excellente saison estivale qui a sauvé 2020. Ses canaux de distribution ? La vente directe, les marchés du Médoc et, surtout, son propre restaurant qui pèse d'ordinaire 60 à 70 % du total. Il a néanmoins choisit de réduire la voilure pour les fêtes de fin d'année avec cinq personnes au lieu de sept habituellement.

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Marennes-Oléron ou d'Arcachon, le plateau d'huîtres et ses citrons est un classique des repas des fêtes de fin d'année que ce soit à la maison ou au restaurant. Et c'est aussi une spécialité tricolore puisque la France est le premier producteur, consommateur et exportateur européen avec plus de 100.000 produites chaque année. Mais en 2020 la fermeture des restaurants depuis le 1er novembre et au moins jusqu'au 20 janvier 2021 condamne de fait un important canal de vente pour les producteurs. Un enjeu de taille pour les ostréiculteurs de Charente-Maritime qui représentent 40 % de la production nationale tandis que leurs voisins girondins en pèsent 10 %.

"Les consommateurs sont au rendez-vous"

Mais malgré ce contexte économique peu porteur voire inquiétant, les représentants régionaux des ostréiculteurs ne cèdent pas au défaitisme, bien au contraire. "Notre filière est multiple avec des TPE familiales et des entreprises plus conséquentes et une grande diversité de débouchés : la vente directe, les marchés partout en France, les restaurants, les grandes surfaces, les poissonneries, l'export. C'est un atout dans la situation actuelle", assure Thierry Lafon, le président du Comité régional de la conchyliculture (CRC) du bassin d'Arcachon, qui poursuit :

"Pour ceux qui ont la restauration comme débouché principal c'est compliqué mais certains se replient sur la vente directe. Et la satisfaction que nous avons c'est que les consommateurs sont au rendez-vous sur les marchés et en grande surface. Il y a vraiment du répondant ! Et paradoxalement, avec la faible croissance des huîtres constatée cette année sur le bassin d'Arcachon, les stocks sont plutôt cohérents avec la demande et les variations de prix moins fortes qu'on ne le craignait."

Les fêtes : jusqu'à la moitié du chiffre annuel

Un constat partagé par son confrère Laurent Champeau, directeur du CRC de Charente-Maritime : "Oui, l'année 2020 est compliquée pour tout le monde et on n'échappe pas à la règle mais le canal de la vente directe et des marchés se porte bien tout comme la grande distribution qui fonctionne mieux qu'en mars et se prépare à commander des bons volumes." Sachant que le mois de décembre est traditionnellement une période stratégique pour la consommation d'huîtres : environ la moitié du chiffres d'annuel pour les producteurs de Charente-Maritime ; entre un quart et la moitié en Gironde. "Historiquement, la fin d'année c'était 80 % de l'activité mais désormais la saison estivale est aussi très importante avec une consommation locale qui est parfois supérieure à celle de décembre, notamment pour les producteurs proposant des dégustations", relativise Thierry Lafon.

Mais depuis le 1er novembre, cette restauration dans les cabanes au bord de l'eau est fermée administrativement, au même titre que les cafés, bars et restaurants mais sans les mêmes aides financières puisqu'il ne s'agit pas de l'activité principale. "Une double peine pour ces exploitations pour qui cette activité est parfois primordiale dans l'équilibre économique", regrette Thierry Lafon. Un arrêté pris par la préfète de Gironde le 3 septembre dernier viendra d'ailleurs encadrer et clarifier les règles régissant ces exploitations à compter du 1er janvier pour éviter une concurrence déloyale avec les restaurants. Les ostréiculteurs ne devront pas tirer plus de 49 % de leur chiffre d'affaires de cette activité de dégustation.

En Charente-Maritime, Laurent Champeau se veut malgré tout confiant. "Il y a des entreprises avec de fortes tensions de trésorerie et qui ont recours aux aides de l'Etat mais ce n'est pas une situation généralisée et les fêtes peuvent encore sauver cette année 2020", espère-t-il. Dans le département, la filière compte un millier d'exploitations pour 300 à 350 millions d'euros de chiffre d'affaires, 1.500 emplois directs et 4.500 saisonniers. En Gironde, on parle de 280 entreprises et un millier d'emplois.