Maïsadour et Terres du Sud vont créer un poids lourd agricole

L’annonce de la création d’une nouvelle union coopérative commune aux groupes Maïsadour et Terres du Sud, faite hier à Bordeaux, préfigure la création d’un poids lourd régional à 2 Md€ de chiffre d’affaires et 19.000 agriculteurs adhérents.
Michel Prugue et Patrick Grizou

"Cette démarche a été validée par nos adhérents. Il s'agit à terme d'unir l'ensemble de nos forces et de nos moyens, dans une nouvelle union qui soit ouverte à d'autres coopératives avec lesquelles nous avons déjà des accords. Cette annonce marque le début de notre réflexion commune. D'ici la fin de l'année 2017 nous aurons créé le véhicule qui portera cette dynamique avec son propre nom. Mais personne ne peut dire quand la fusion aura lieu", expose Patrick Grizou, président de Terres du Sud, à Clairac (Lot-et-Garonne).

Le président de Maïsadour, à Haut-Mauco (Landes), rappelle de son côté que ce rapprochement n'est pas le fruit d'une décision précipitée.

"Ce projet, auquel nous réfléchissons depuis une bonne année, est ciblé sur la région Sud-Ouest et reste ouvert aux autres coopératives. L'union prévoit que chaque groupe continuera à tenir son territoire et à appuyer ses adhérents. Nous devons nous laisser le temps de bâtir cette union. Il n'est question ni de fusion brutale ni de restructuration ni de plans sociaux. Nos sites de vie doivent rester opérationnels car les territoires de Maïsadour et Terres du Sud ne se superposent pas", décrypte Michel Prugue.

Rapprocher les marques

La nouvelle union coopérative, dont la création ne pourra se faire qu'avec le feu vert de l'Autorité de la concurrence, sera l'outil qui va chapeauter les deux groupes agricoles. Destiné à s'achever par la fusion de ces deux ensembles, ce rapprochement va toucher tous les métiers de Maïsadour et Terres du Sud : semences, agrofournitures, culture du maïs, production de légumes, filières volaille, palmipèdes à foie gras, distribution, jardineries...

"Nous sommes bloqués sur le versant amont, avec les abattoirs, etc., car la concurrence nous surveille. La première étape c'est justement de déverrouiller l'aval, où l'on commercialise les produits. Sans la création d'une nouvelle union coopérative il nous est impossible de développer des synergies entre nos marques de foie gras, Delmon pour Terres du Sud, et Delpeyrat pour Maïsadour. Ce serait considéré comme une entente illicite", analyse Patrick Grizou.

Ce projet, qui doit permettre aussi d'améliorer les pratiques agricoles, avec par exemple le développement de l'agriculture numérique ou la baisse du volume d'intrants utilisés (engrais, produits phytosanitaires...), va avoir un effet puissant sur les rapports de force locaux.

Le poids de Terres du Sud

Cet impact sur le marché les deux présidents se sont bien gardés de l'aborder, préférant parler d'ouverture aux autres coopératives. Tout en soulignant que le périmètre de cette union est bien celui du Sud-Ouest, avec un modèle économique diversifié aux produits absolument typiques, comme le maïs, les volailles et palmipèdes sous signe de qualité. Le Sud-Ouest de ces coopérateurs se situe à la charnière des anciennes régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Pas question donc pour la nouvelle union d'aller se perdre dans les confins de la Nouvelle-Aquitaine.

En fusionnant à terme avec le Landais Maïsadour (1,4 Md€ de chiffre d'affaires, 8.000 agricultures adhérents, 5.200 salariés), qui dispute régulièrement la place de leader régional au Béarnais Euralis, à Pau, Terres du Sud va faire pencher la balance. Par cet accord le groupe coopératif lot-et-garonnais, avec 583 M€ de chiffre d'affaires, 1.488 salariés et 11.000 agriculteurs adhérents ouvre la voie à la création d'un leader régional qui pourrait longtemps rester indiscutable, avec près de 2 Md€ de CA, 19.000 adhérents et 6.688 salariés. D'où sans doute l'appel répété par des deux présidents à l'ouverture.

Le début d'un mouvement de concentration ?

La  concurrence à cette nouvelle union entre Maïsadour et Terres du Sud, dont le socle coopératif repose sur un espace essentiellement basco-gascon, a elle aussi un fort potentiel. Euralis, le leader régional en titre pour l'année 2014/2015, affiche ainsi un chiffre d'affaires de 1,5 Md€, avec 12.000 agriculteurs adhérents et 5.200 salariés. Et après Maïsadour, qui est tout près de lui, le Béarnais est talonné par le groupe basque Lur Berri, à Aïcirits, qui réalise un chiffre d'affaires de 1,1 Md€, avec 412 salariés et 5.000 agriculteurs adhérents.

Vient enfin le groupe gersois Vivadour, à Riscle, qui réalise un chiffre d'affaires de 475 millions d'euros, avec 850 salariés et 4.000 agriculteurs adhérents. Maïsadour, avec sa filiale Delpeyrat, s'est déjà violemment heurté sur le marché du saumon à Labeyrie Fine Foods, situé dans l'orbite de Lur Berri. Mais les groupes coopératifs, même ceux qui pourraient passer pour des frères ennemis, comme Maïsadour et Euralis, sont aussi capables de s'entendre et de coopérer à l'échelle des agriculteurs, par exemple pour le ramassage des canards. Et les accords existants entre tous ces groupes doivent se compter par dizaines.

Si cette culture coopérative paysanne fortement régionale s'accommode d'une compétition au couteau quand il s'agit de vendre plus de produits agroalimentaires dans les rayons de la distribution, elle continue à faire du rapprochement entre groupes coopératifs un objet économique très particulier. L'appel à l'ouverture de Patrick Grizou et Michel Prugue va-t-il attirer d'autres groupes coopératifs ? Cela semble peu probable dans l'immédiat. Mais l'hypothèse de l'amorce d'un mouvement de concentration au sud de la Nouvelle-Aquitaine entre des groupes coopératifs agricoles, qui génèrent plus de 5 Md€ de chiffre d'affaires, n'est plus à exclure.

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Commentaire 1
à écrit le 19/01/2017 à 13:39
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Alors quoi, c'est la course au gigantisme agricole ? Ben mince alors!

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