"Assumer la défense du vin, c'est moins difficile qu'assumer la vente d'armes"

Loi Evin, inauguration du prochain salon international Vinexpo par François Hollande, frilosité des responsables politiques au moment de soutenir la filière... Jamais avare en bons mots, le président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux fait le tour d'horizon des sujets chauds.
Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux

Invité ce matin du Club de la presse de Bordeaux, Bernard Farges a passé en revue plusieurs thèmes forts. Morceaux choisis.

Sur la situation économique de la filière bordelaise, après les intempéries de 2013

"Il se pourrait que ça aille mieux bientôt. Les fondamentaux sont bons et les perspectives meilleures, même si ce n'est pas encore inscrit dans nos comptes d'exploitation. Nous redoutions en 2013 de nombreuses défaillances, on ne les a pas vu, même si ce n'est pas rose. Les viticulteurs sont résistants ! Si nous avions encore une récolte normale, avec des prix normaux comme en ce moment, ça ira mieux."

Sur la restauration

"De nombreux restaurateurs constituent leur carte ainsi : les vins chers sont des Bordeaux, le reste se répartit sur d'autres produits. Ils ne mettent pas de Bordeaux dans le cœur de gamme, ce qui participe à dire que le Bordeaux est cher. Nous ne sommes pas assez forts dans la restauration."

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Sur la qualité des vins et les artifices

"L'évolution est liée à la technique, à la recherche, aux outils, à la réglementation sur les intrants, sur les copeaux de bois (dont l'utilisation, en vue d'améliorer la qualité des vins, a longtemps fait débat)... Personnellement, je suis favorable à l'utilisation des copeaux. On a jugé que ce type d'artifices, car c'est un outil comme d'autres, pouvait apporter un plus. C'est comme si on s'interdisait la régulation du froid ! Ce n'est pas naturel, mais ça apporte. La réglementation a changé en laissant désormais la possibilité de les utiliser."

Sur le réchauffement climatique

"Un autre axe que nous voulons développer, c'est la capacité, dans le champ expérimental, de recourir à des cépages plus résistants dans le cadre de l'AOC. Le changement climatique va s'imposer à nous. Les règles des AOC fixe la liste des cépages. Vous pouvez tout à fait en utiliser d'autres, mais vous sortez alors du jeu AOC. Si on utilise des cépages qui permettant de conserver la typicité des vins de Bordeaux tout en étant plus résistants, on sera gagnant. Il y a urgence à changer la règle pour que les viticulteurs puissent expérimenter dans le cadre AOC, sachant qu'il faut environ 8 ans pour que des tests soient menés à bien."

Sur le projet de loi santé

"Elle est en cours de discussion. Des modifications ont été apportées par le Sénat, avant un nouveau passage devant le Parlement. Des amendements visaient à durcir la loi Evin, nous demandions de notre côté qu'elle soit clarifiée en faisant le distingo entre information et publicité. Finalement, il n'y a ni durcissement, ni allègement. On nous dit : « Soyez heureux, on ne vous met pas de grosse baffe. » Nous pouvions espérer mieux pour une filière qui pèse 10 Md€ d'exportations... Le statut quo a été décrété par les autorités. La clarification information / publicité est maintenant dans la loi Macron adoptée par le Sénat. Mais il y a une commission spéciale le 8 juin et nous redoutons un amendement de suppression."

Sur les politiques et leur position vis-à-vis du vin

"Il faut que les élus donnent de la cohérence. D'un côté, il y a le discours évoquant les gentils viticulteurs faisant vivre les territoires et de l'autre, une incapacité à affirmer la distinction information / publicité sur le vin. Pourquoi ne mène-t-on pas de campagnes de communication ensemble, la filière et l'Etat, par exemple sur les seuils de consommation fixés par l'Organisation mondiale de la santé ?
François Hollande viendra inaugurer Vinexpo cette année. On apprécie. Je crois qu'il s'agit de son premier déplacement spécifiquement dédié à la filière vin depuis le début de son mandat. On verra ce qu'il nous dit. Quand il vient à Mérignac pour saluer les contrats du Rafale, c'est bien pour les Girondins. Nous, on pense qu'assumer la défense du produit vin, c'est peut-être moins difficile que d'assumer celle de la vente d'armes. Le vin, c'est dangereux mais le Rafale, c'est super dangereux ! (rires)"

Sur le recul des surfaces agricoles en conversion bio

"Le bio découvre l'économie de marché. Il y a des viticulteurs qui ont fait le choix du bio, un choix culturel, un engagement fort. Il y a un marché, des consommateurs. Quand tous se trouvent, c'est très bien. Sinon, c'est tout de suite plus compliqué... Produire bio génère des aléas forts. De plus, quelques belles années ont poussé certains à y tourner dans une optique purement économique, mais la situation s'est retournée. En matière de bio, avoir une logique purement marketing, ou purement culturelle, ne fonctionne pas."

>> La Tribune - Objectif Aquitaine organise la 2e édition des Talents du vin, mercredi 17 juin, en partenariat avec Kedge Business school, Banque populaire Centre Atlantique et Vinexpo : inscrivez-vous à la cérémonie et assistez à la table ronde !

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Commentaires 3
à écrit le 08/06/2015 à 15:28
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Il n'y a que la France pour faire la guerre au vin (plutôt que d'en faire sa promotion) au nom de la lutte contre l'alcoolisme alors qu'on en produit et que nous sommes internationalement reconnu pour ça. Sans compter que les alcooliques aujourd'hui ...

à écrit le 08/06/2015 à 12:20
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Encore faudrait-il savoir de quel vin on parle. Et avoir conscience de la lutte contre la standardisation et la déréglementation voulue par la Commission européenne. C'était le sens d'un débat organisé par Jean-Luc Mélenchon avec Jonathan NOSSITER ...

à écrit le 05/06/2015 à 16:36
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Une manifestation hostile est-elle prévue, pour accueillir M. Hollande, dont on sait qu'il ne vient que pour tenter de rassembler quelques voix de la filière ?

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