La grande vitesse vers l'Espagne suspendue au Y basque

L'Aquitaine comme la Communauté autonome basque se sont engagées dès 2006 pour le prolongement du TGV vers l'Espagne. Encore faut-il que le "Y basque" ferroviaire vers Vitoria-Gasteiz et Bilbao soit fini. Avec un double défi, technique et financier.

"Ce ne sont pas seulement les échanges avec la capitale qui seront facilités, mais aussi toutes les liaisons internes à la région", commente le conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine à l'approche du rendez-vous du 2 juillet prochain. Pour autant, nul ne s'aventure à garantir une date pour le prolongement au sud du TGV vers l'Espagne, et encore moins pour l'arrivée d'un train direct entre Bordeaux et la gare d'Abando au coeur de Bilbao. Pourtant, l'Aquitaine comme la Communauté autonome basque se sont engagés dès 2006 dans l'opération de lobbying baptisée respectivement par Alain Rousset et Juan-José Ibarretxe "Aquitaine/Euskadi : l'Europe à grande vitesse".

Selon le "Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest" (GPSO), la ligne à grande vitesse doit desservir Bordeaux depuis Paris pour se prolonger vers Toulouse, mais également vers Dax et la frontière et ainsi se brancher sur le réseau à grande vitesse espagnol ou AVE. Ainsi sera parachevé l'axe ferroviaire à écartement européen entre Bruxelles-Paris et Madrid, ainsi que le souhaitait dès 1994 le sommet européen de Essen : ce lien atlantique viendra suppléer la même liaison cette fois via la Catalogne et la façade méditerranéenne, elle quasi terminée depuis le 15 décembre 2013 via Perpignan et Barcelone.

Encore faut-il que le " Y basque" ferroviaire soit fini et que soit trouvée une solution entre Vitoria-Gasteiz (Pays basque) et Burgos en Castille via Miranda de Ebro. Un double défi : technique certes au milieu d'un relief tourmenté ; financier autant sinon plus dans une Espagne qui émerge de la crise amorcée en 2008. Et maintenant que le gouvernement de Madrid semble approcher d'une majorité suffisante pour faire adopter son budget 2017, les négociations vont bon train entre Cristóbal Montoro, le ministre des Finances espagnol, et les partis présents aux Cortès.

Toutes les voix compteront dans cette "assemblée nationale" madrilène, même celles des petites formations comme le Parti nationaliste basque (PNV) qui détient le pouvoir dans la Communauté autonome basque et qui exige un coup d'accélérateur pour la grande vitesse en Euskadi. Autrement dit pour le "Y basque" dont la mise en service a dérapé de 2013 à 2016, puis 2018, maintenant 2019 et plus probablement 2020.

Un écartement fatal

Question ferroviaire, rien n'est simple entre la Péninsule ibérique et le reste de l'Europe. L'Espagne et le Portugal ont un écartement de voie plus large que celui retenu dans la quasi-totalité du Vieux continent : même en Angleterre, il est de 1,445 mètre, soit "l'écartement UIC" que l'on trouve en Allemagne comme en France ou en Turquie.

Résultats, les Pyrénées sont une frontière ferroviaire où il faut pour les voyageurs changer de train ou que le convoi modifie son écartement ; et seuls 3 % des marchandises Péninsule/reste de l'Europe sont acheminés par le rail via Hendaye/Irún ou Port Bou/Cerbère. On est loin de la fluidité de mise à Genève ou à Calais.

En interne, l'Espagne a entrepris de se doter d'un nouveau réseau à écartement européen à commencer par Madrid-Séville en 1992. Au Pays basque, à côté de tracés lents et sinueux du XIXe siècle et d'un réseau métrique local, se construisent 172 km de voies parcourables à 200/250 km/h, sous les montagnes (les deux tiers sont en tunnels ou en viaducs). Elles relient les trois capitales basques entre elles, d'où un tracé en forme de Y débouchant sur les voies SNCF à Irún. Coût  4 milliards d'euros en 2010, étant entendu que, selon un accord passé en 2006, l'Adif espagnol (sorte de SNCF Réseau) édifie Vitoria-Bilbao (90 km) et son équivalent basque ETS se charge de la branche Est depuis Bergara jusqu'au delà de Donostia/Saint-Sébastien.

Tractations politico-financières

A ce jour, l'infrastructure sur ces tronçons est quasi prête, mais demeurent en pointillés l'entrée dans les capitales et à Irún, ainsi que la difficile jonction entre les trois branches à Bergara. Faute de moyens financiers, ou de volonté politique selon les interlocuteurs. La réanimation des opérations (dont l'arrivée dans les villes) sont donc au cœur des tractations entre Euskadi et Madrid : le premier propose d'en prendre davantage à charge (contre remboursement) ; le second met en avant d'autres chantiers dans la Péninsule et tient à maîtriser le débouché d'Irún.

Pour la Communauté autonome basque, le Y doit permettre des liaisons entre 30 à 45 mn entre ses trois capitales et désengorgera les routes : l'arrivée à Hendaye autorisera des transferts de camions via une "route roulante" ferroviaire entre Vitoria et le nord de l'Europe, et elle agrandit l'hinterland du port de Bilbao.

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