Emploi : le programme Juppé à l’épreuve des patrons

Alain Juppé vient de présenter les mesures qu’il expose dans son tout dernier ouvrage “Cinq ans pour l’emploi“. La Tribune a interrogé quelques dirigeants de la région bordelaise et recueilli leurs impressions.
Alain Juppé a présenté mardi à Paris ses propositions pour l'emploi.

Bruno Oddos, (French Burgers) : "Il ne faut pas oublier le pouvoir d'achat"

"Il affiche une vraie volonté de réformer, estime Bruno Oddos, PDG des restaurants French Burgers, mais pour des gens qui, comme la plupart des politiques, ne connaissent pas le monde de l'entreprise, c'est toujours difficile de réformer."

Même si après avoir parcouru, via la presse, les points forts mis en avant par Alain Juppé au moment du lancement de son livre-programme "Cinq ans pour l'emploi", Bruno Oddos reconnaît :

"Je lui donne raison sur beaucoup de points, les 39 h, sur cette idée qu'on peut travailler plus pour gagner plus, la baisse de l'impôt sur les sociétés..."

Pour le chef d'entreprise :

"Il ne faut cependant pas oublier de revaloriser, dans le même temps, les salaires. Après tout, le smic à 0 % de charge peut être d'abord l'occasion de l'augmenter ! Le pouvoir d'achat des Français doit être la priorité. La croissance ne passera que par cela". Au final Bruno Oddos dit se "reconnaître un peu plus dans le discours d'Emmanuel Macron. Ni de gauche, ni de droite, juste un bon connaisseur du monde de l'entreprise, conscient que la vie, la société va plus vite en général que l'Etat, qui lui fait de la résistance au changement. J'espère qu'Alain Juppé, s'il va au bout de son combat, s'entourera d'une équipe jeune, capable de comprendre vraiment le monde de l'entreprise, comme c'est le cas pour Macron..."

Jean-François Cledel (Medef) : "Alain Juppé s'est vraiment converti à l'entreprise"

Un avis partagé d'une certaine façon par Jean-François Cledel, patron d'Ingéliance (480 salariés, 32 M€ de CA annuel) mais aussi du Medef Gironde-Landes.

"En présentant, de manière claire, son programme, si nous l'élisons, nous lui donnerons, c'est ce qui fait la grandeur de la démocratie, un blanc seing pour appliquer son programme. Je crois sincèrement que les Français sont prêts pour les efforts nécessaires à l'amélioration de la situation générale de la France."

Le président du Medef Gironde se dit agréablement surpris par le programme économique du maire de Bordeaux.

"J'ai vraiment l'impression qu'il s'est converti à l'entreprise, un avis que je partage avec Pierre Gattaz, président du Medef national. Alain Juppé est plus que dans le discours, le programme présenté ne donne pas dans la facilité. Il ne prend personne en traître. S'il est élu avec ce programme, il le conduira comme il le dit, ça, j'en ai la conviction." Au-delà du programme, le président du Medef estime que "les primaires sont une bonne chose. On a le sentiment qu'elles permettent aux candidats de mieux préparer leur programme. Celui-ci gagne en réalisme économique... "

Bertrand Demier (CGPME) : "Il n'y a rien de spécifique en direction des  TPE et PME"

Un réalisme économique qui échappe un peu à Bertrand Demier, vice-président de la CGPME de la nouvelle grande région ALPC, en charge de l'animation territoriale.

"Je me demande toujours comment sont chiffrées les annonces qui sont faites. Quel financement pour assurer ces réformes qui vont, certes, dans le bon sens ? Nous sortons d'une période qui nous a échaudés, avec la loi Travail qui ne correspond plus à nos attentes. Surtout, ce que je remarque, c'est que le programme économique ne propose pas de mesures spécifiques en direction des TPE et PME. On reste, avec Alain Juppé, sur les grands schémas qui ne tiennent, à mon sens, pas compte de l'économie locale ! Les mesures semblent s'adresser uniquement aux grandes entreprises. Il faut décoller de l'économie du CAC 40."

Si nombre de mesures annoncées par Alain Juppé conviennent au secrétaire général de la CGPME Aquitaine, ce dernier souligne que pour gouverner à l'ordonnance et installer les principales mesures en 6 mois, "il lui faudra du courage, de la solidité, une absence de versatilité. Il faut surtout, et j'espère que c'est le cas d'Alain Juppé, avoir une vision claire de l'état de la France, de ses finances avant d'avancer un programme."

Jean-Louis Blouin, DG d'I2S : "Forcément imprégné des idéologies établies"

Jean-Louis Blouin, directeur général délégué d'I2S qui figurait (à la 31e place) sur la liste de Vincent Feltesse, candidat PS à la mairie de Bordeaux en 2014, ne souhaite pas commenter le programme présenté par Alain Juppé en amont des primaires de la droite, "pour ne pas être trop dans l'idéologie sachant que je l'ai parcouru de manière superficielle jusque-là", mais c'est l'ensemble de la classe politique tous bords confondus et sa vision de l'économie qu'il éreinte.

"J'ai fait, pour ma part, des propositions concrètes sur l'emploi, qui sont alternatives et qui supposent des compromis à cour terme de la part des uns et des autres, donc une volonté commune de mieux partager les valeurs de notre pays. Hélas, chacun semble rester sur ses acquis et ce que nous observons, que ce soit à gauche ou dans le peu que j'ai lu du programme d'Alain Juppé, qui met en avant une forme de gouvernance par "ordonnance", est forcément imprégné des idéologies établies, donc probablement condamné à terme. Pour moi c'est une souffrance de voir que ce pays que j'aime, que cette République que j'ai défendue, ne soient plus capables d'innover dans ses structures et sa démocratie et se sclérosent derrière l'idée de l'homme providentiel alors que tant de mouvements alternatifs et citoyens émergent ça et là."

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