Pourquoi la formation est devenue un enjeu stratégique

"Préparer les mutations technologiques et économiques" : la table ronde organisée ce jeudi matin à la Médiathèque Bordeaux Mériadeck par La Tribune - Objectif Aquitaine, avec la préfecture d’Aquitaine, a montré à quel point la vitesse d’adaptation des entreprises joue désormais un rôle crucial.
Mikael Lozano, Michel Delpuech, Annick Cotten, Xavier Esturgie, Philippe Labadie, Yves Petitjean

La mondialisation et l'impact des nouvelles technologies de communication font de l'adaptation des entreprises aux contraintes de marché un processus intense et continu. Animée par Mikaël Lozano, rédacteur en chef de La Tribune - Objectif Aquitaine, la table ronde sur la préparation des mutations technologiques et économiques rassemblait cinq intervenants : Michel Delpuech, préfet de Gironde et d'Aquitaine, Xavier Esturgie, vice-président délégué général de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Aquitaine, Yves Petitjean, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat d'Aquitaine, Philippe Labadie, président de la Scierie Labadie, à Roquefort (40), et Annick Cotten, déléguée régionale développement RH/RSE du groupe La Poste en Aquitaine.

L'Etat au charbon

Dans un contexte économique encore sombre mais qui a tendance à s'éclaircir, Michel Delpuech a tenu à rappeler l'importance des efforts financiers consentis par l'Etat en direction des entreprises mais aussi l'engagement de la collectivité pour faciliter l'accès à l'emploi. Le préfet a ainsi précisé que le CICE (crédit impôt recherche compétitivité emploi), qui a représenté 430 à 450 M€ d'aides en 2014 en Aquitaine, au titre des salaires 2013, grimperait de 50 % en 2015 au titre des salaires de l'an dernier (soit plus de 600 M€). Un dispositif qui s'additionne à d'autres mesures, en faveur de l'innovation, avec la création des Satt (société d'accélération de transfert technologique) ou encore la poursuite des "Investissements d'avenir", dont l'enveloppe s'élève à 1,4 Md€ en Aquitaine. Un volontarisme qui, selon Michel Delpuech, devrait finir par porter ses fruits dans un contexte macro-économique rendu plus favorable par "la baisse des coûts de l'énergie, la politique monétaire de la BCE (Banque centrale européenne) d'assouplissement quantitatif (quantitive easing) qui permet de réorienter les capitaux vers les entreprises, et de baisse des taux d'intérêts".

Mutation dans l'aéro

Xavier Esturgie a souligné que l'instabilité des marchés, alimentée par la mondialisation, obligeait les entreprises à créer des systèmes de veille permanente, la planification devenant un art de plus en plus complexe. Cette nécessité de suivre au plus près l'évolution des marchés suppose d'importants efforts de formation. Une contrainte qui pèse aussi bien sur les grandes que les petites entreprises.

"C'est dans cette perspective qu'a été créée, avec l'appui de l'Etat, des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, la plateforme d'appui aux mutations économiques Mutaero, pour permettre aux entreprises de l'aéronautique de mieux s'adapter. Sur les 916.000 € de l'enveloppe, 500.000 € sont dévolus à l'Aquitaine. La somme peut paraître modeste, mais elle doit générer un effet de levier : 28 entreprises ont eu recours à ce dispositif l'an dernier, 37 participent cette année. Notre philosophie, c'est qu'il vaut mieux former que licencier" a expliqué Xavier Esturgie.

RGE, ça ne marche pas ?

L'artisanat n'est pas en train de découvrir l'eau tiède et Yves Petitjean a observé que plusieurs filières artisanales (imprimerie, photo) avaient déjà du s'adapter à des mutations technologiques violentes. La chambre consulaire doit donner des clés à ses ressortissants pour s'adapter au mieux et Yves Petitjean n'a pas caché que, selon lui, cela n'allait pas forcément de soi. "Le Bâtiment va mal et nous avons alerté nos ressortissants sur la nécessité de décrocher le label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement), pour se placer sur le marché de la rénovation énergétique, et aujourd'hui ils nous disent que ça ne démarre pas et qu'ils ne comprennent pas pourquoi ils ont dépensé de l'argent dans cette labellisation" a-t-il déclaré. La mutation dans laquelle est engagé le groupe La Poste, société anonyme à capitaux publics, est à la mesure de sa grande taille. "Le groupe La Poste, qui réalise 22 Md€ de chiffre d'affaires, emploie 266.000 salariés. Ils sont 13.200 en Aquitaine, dont 4.000 facteurs, pour 1.100 points de contact, 250 M€ de chiffre d'affaires, avec un trafic quotidien de 1 million de lettres et 190.000 colis" a recensé Annick Cotten.

Réinventer La Poste

La branche numérique, une des cinq que compte le groupe, pilote des changements de très grande ampleur. La déléguée régionale a ainsi relevé que le modèle de La Poste est en plein chambardement, avec une part du courrier passée en quelques années de près 80 % de l'activité à "à peine 50 %, et ça baisse". La fréquentation des bureaux de poste, également en recul, oblige "La Poste à se réinventer" selon Annick Cotten. Et comme le groupe La Poste est la plus grande entreprise de proximité du pays, le groupe se réoriente dans cette direction pour répondre à la demande de sa clientèle, avec un plan de formation doté de 450 M€ de 2015 à 2020, et notamment 50.000 postiers à former. Ce qui rend moins farfelu le projet explosif de faire passer le permis de conduire à des postiers contenu dans la loi Macron... Cette nécessité de s'adapter jusqu'à changer de métier pour continuer à se développer, voire à survivre.

Diversifier la scierie pour survivre

Philippe Labadie, président de la Scierie Labadie, à Roquefort (40), en a fait l'expérience avec sa sœur, Chantal, son associée et directeur général, quand ils ont repris tous les deux l'entreprise familiale en 1997. A peine arrivés aux commandes de la PME, qui emploie une quarantaine de salariés, avec 15 apprentis, pour un chiffre d'affaires de près de 5 M€ l'an dernier, les deux dirigeants ont dû faire face à la tempête de 1999. "Là nous avons reçu notre première claque, il faut savoir que 30 de nos confrères scieurs n'ont pas survécu aux conséquences de cette tempête. Nous avons réfléchi, et du sciage nous avons élargi notre activité à la seconde transformation, en particulier avec la fabrication de lamellés - collés" résume Philippe Labadie. La PME landaise a ensuite recruté un designer et démultiplié la production de produits propres en bois, "tout ce qui a autour d'une maison" (terrasses, pergolas...), qui représente aujourd'hui 50 % de l'activité.

1,25 Md€ au Crefop

Centrée au départ sur le sciage pour la fabrication de palettes en bois, l'entreprise s'est massivement réorientée, avec l'aide du Conseil général des Landes et de la Région, dans la fabrication de produits propres. Au prix d'un grand plan de formation qui a mobilisé 12 % du chiffre d'affaires ! Cette activité, qui s'appuie sur un bureau d'études, touche désormais à la construction de maisons, avec l'acquisition "du premier traitement autoclave en Aquitaine permettant d'obtenir des planches en gris" relève Philippe Labadie. Le préfet de Région s'est de son côté félicité de la mise en place du Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (Crefop), instance quadripartite qui associe l'Etat, la Région, les partenaires sociaux et les principaux acteurs du monde de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle. Doté d'un budget de 1,25 Md€ en Aquitaine, le Crefop doit "être un outil partagé au service du développement économique" a conclu Michel Delpuech.

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