Sud-Ouest : le ménage à trois n’excite pas encore le business

La table ronde, organisée hier soir à Kedge business school par La Tribune - Objectif Aquitaine, a montré à quel point le but de la réforme territoriale, qui va notamment fondre l’Aquitaine dans un nouvel ensemble à trois régions, pouvait sembler nébuleux aux acteurs de l’économie.
La table ronde à Kedge business school a réuni 300 personnes

"Je me demande à quoi sert cette réforme territoriale, on sent qu'il y a un engouement mais je n'ai pas vraiment compris l'objectif."

Cette déclaration d'Agnès Paillard, présidente du pôle de compétitivité Aerospace Valley, qui réunit les acteurs de la filière aéronautique spatial - défense des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, résume bien la tonalité générale des échanges qui ont eu lieu hier soir devant 300 personnes au cours de la table ronde "Une nouvelle région pour accélérer le business", organisée par La Tribune - Objectif Aquitaine dans les locaux de Kedge business school, à Talence (33), à l'occasion de la sortie du Guide des entreprises 2015 de La Tribune - Objectif Aquitaine dont Kedge est partenaire.

La fusion programmée des régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes pose de nombreuses questions sur lesquelles se penche le dernier numéro du Guide des entreprises, où sont classées et répertoriées 2.000 entreprises d'Aquitaine mais qui consacre également une large place aux atouts et faiblesses des régions voisines.

Les "länders", des Etats fédéraux

En plus d'Agnès Paillard, la table ronde d'hier, animée par Mikaël Lozano, rédacteur en chef de notre titre, qui a été clôturée par Cendrine Martinez, directrice générale déléguée de La Tribune -Objectif Aquitaine, réunissait Jacques-Olivier Pesme, directeur associé de Kedge business school, Benjamin Bertran, directeur du pôle de compétitivité en hautes technologies Elopsys, à Limoges, Christian Chapotin, directeur général adjoint de la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (BPACA), dont le périmètre couvre les régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, et Sandrine Larrouy Castera, directrice des relations institutionnelles de Lisea, concessionnaire de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours - Bordeaux.

La fusion territoriale dans laquelle doit s'insérer l'Aquitaine va accoucher d'un nouvel ensemble de 84.060 km2, légèrement plus grand que l'Autriche (83.878 km2). Comme l'a rappelé Jacques-Olivier Pesme, les "länders" allemands, qui sont les Etats composant la République fédérale d'Allemagne (RFA), disposent, en plus de leur pouvoir économique, d'un "grand pouvoir de décision. Personnellement je pense que la fusion des trois régions pourrait leur donner plus de visibilité à l'international, mais tout reste à écrire et l'enjeu majeur, c'est celui de l'identité. En Aquitaine, ces éléments étaient construits, mais pour le futur nouvel ensemble, tout est à construire", a résumé le directeur associé de Kedge.

"Pas tant de différences que ça entre Limoges et Pau"

Directeur général adjoint d'une banque qui a épousé depuis trois ans le même périmètre que la future grande Région, Christian Chapotin était sans doute le plus à son aise pour traiter du sujet.

"Quand nous avons adopté ce périmètre à trois régions, nous avons entendu les mêmes arguments dubitatifs. Pourtant, nous voyons plus de complémentarités entre ces régions que de différences. Notre nouveau territoire a été découpé verticalement pour être cohérent. Il y a par exemple une grande homogénéité entre les départements du littoral, en particulier par la richesse démographique et la nature de nombreuses activités, ainsi qu'entre ceux de l'intérieur. Si vous regardez bien, vous verrez qu'il n'y a pas tant de différences que ça entre Limoges et Pau" a-t-il observé.

Si elle reste dynamique, la démographie du futur ensemble régional est marquée, comme l'avait déjà souligné La Tribune - Objectif Aquitaine, par le poids considérable des 60 ans et plus, et notamment un vrai gisement pour la "silver economy", a confirmé Christian Chapotin, qui a rajouté que les produits intérieurs bruts par habitant des trois régions étaient très proches.

La force du couple Aquitaine - Midi-Pyrénées

Malgré des synergies qui semblent à portée de main avec Poitou-Charentes et Limousin, la géographie et la puissance des liens économiques qui associent Aquitaine et Midi-Pyrénées compliquent l'équation. Agnès Paillard a ainsi reconnu qu'un accord de coopération avait été signé par Aerospace Valley (premier bassin aéronautique et spatial) avec le pôle de compétitivité régional Aéroteam, en Poitou-Charentes.

"Il y a un terreau aéronautique en Poitou-Charentes, avec quasiment les mêmes entreprises qu'en Aquitaine et Midi-Pyrénées, comme le groupe Airbus. A terme, Aéroteam pourrait sans doute rejoindre Aerospace Valley mais il y a un problème de taille. Si l'on perd le contact physique avec ses interlocuteurs, ça ne marche plus et la distance à parcourir entre le Nord de Poitou-Charentes et le Sud de Midi-Pyrénées est dissuasive" explique Agnès Paillard.

Inquiétude dans le pôle du Limousin

Le directeur d'Elopsys (électronique, photonique, numérique) précise que ce pôle de compétitivité, créé il y a 10 ans en particulier à l'initiative de Legrand, le géant limousin des infrastructures électriques, coopère avec d'autres pôles, comme la Route des lasers, à Talence (33).

"La fusion des trois régions pose une problématique de financement et augure de plus grandes difficultés pour les entreprises, avec le risque qu'Elopsys ne soit plus présent sur l'ensemble du territoire. Et question business, on ne voit pas vraiment l'intérêt de la réforme, il faudra du temps" résume Benjamin Bertran.

La ligne à grande vitesse Tours - Bordeaux (Sud Europe Atlantique - SEA), qui mettra la capitale d'Aquitaine à 2 heures de Paris en 2017, avance.

"On ne compte plus en années mais en jours. Nous sommes à J-921 jours de la mise en service de LGV SEA, qui reste le plus grand chantier ferroviaire européen, avec 302 kilomètres de lignes nouvelles, plus 38 kilomètres de raccordements pour desservir les gares existantes, rappelle Sandrine Larrouy Castera. Il y a, poursuit-elle, un projet de liaison à grande vitesse entre Poitiers et Limoges, qui vient d'être déclaré d'utilité publique, mais avec des contestations dans les territoires. Nous venons de notre côté de créer un observatoire pour mesurer, sur 10 ans, l'effet socio-économique du chantier puis de la LGV, en termes de mobilité et de développement économique."

Bordeaux et Cognac en chiens de faïence

Jacques-Olivier Pesme milite pour le rapprochement de l'Aquitaine et Poitou-Charentes dans le domaine des vins et spiritueux.

"A l'international, les vins de Bordeaux sont les plus connus d'Aquitaine, et l'impact du cognac, qui exporte 95 % de sa production est également énorme. Mais on a affaire à deux filières qui ne collaborent pas vraiment et qui se regardent du coin de l'œil" a-t-il regretté.

Pour Agnès Paillard, cette fusion, vue de l'étranger, n'a aucun sens. "Dans l'aéronautique, on parle d'Airbus, on ne se préoccupe pas des régions" a-t-elle précisé. Christian Chapotin a, quant à lui, jugé que la future grande Région aurait besoin d'une métropole et "qu'aux Etats-Unis, Bordeaux ça sonne plus fort que Limoges". Tant que la question des transferts de compétences ne sera pas réglée, il restera difficile de jauger une réforme dont quasiment personne ne perçoit encore la finalité.

> Le Guide des entreprises d'Aquitaine sera disponible chez votre marchand de journaux à partir du 30 janvier. 164 pages, 18,50 €

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Commentaire 1
à écrit le 27/01/2015 à 11:04
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Table ronde très peu interessante effectivement. Ce que je vois ici, traduit ô combien la passivité des "Bordelais". Cette passivité, je la retrouve dans tous les milieux : scolaire, étudiant, associatif et professionnel est assez effarante. Les gens...

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