Le meilleur studio français de jeux vidéo est bordelais

La société bordelaise Asobo studio a été sacrée hier mardi "meilleur éditeur et créateur de jeux vidéo" lors de la 6e édition du Top 250 des éditeurs et créateurs de logiciels du Syndicat national français du jeu vidéo. Il y a quelques mois, ses jeux holographiques avaient marqué les esprits.
David Dedeine et Sebastian Wloch, cofondateurs d'Asobo studio, dans le salon qu'ils ont aménagé au sein de l'entreprise pour tester leurs jeux holographiques. En 14 ans, Asobo a produit une quinzaine de jeux dont plusieurs sous licence Pixar : Ratatouille, Wall-E...

2016 sera à marquer d'une pierre blanche pour Asobo studio. Déjà réputé au plan mondial pour son travail, le studio bordelais de développement de jeux vidéos annonçait en mars avoir réalisé, à la demande de Microsoft, deux jeux et une application pour sa lunette de réalité virtuelle HoloLens. Une première mondiale qui avait fait grand bruit.

Lire : Jeux vidéo holographiques, Microsoft choisit le Français Asobo

Organisé hier mardi par le Syndicat national du jeu vidéo, le 6e panorama Top 250 des éditeurs et des créateurs de logiciels français, étude de référence de la performance des entreprises françaises du numérique, a récompensé la société bordelaise, qui fêtera ses 15 ans en 2017. Le jury de professionnels a décerné à Asobo Studio le prix du "Meilleur éditeur et créateur de jeux vidéo" de l'année 2016. Une distinction qui vient "récompenser le travail accompli par l'équipe du studio depuis sa création et notamment les récentes innovations en matière de réalité augmentée".

"C'est avec beaucoup d'émotion et de fierté que nous avons reçu ce prix hier, réagit Sebastian Wloch, CEO et cofondateur d'Asobo studio. Il vient récompenser les efforts d'une équipe de passionnés et de professionnels exigeants, sa créativité et son engagement autour du projet révolutionnaire qu'est HoloLens. Un nouveau continent de l'Histoire de l'Entertainment vient d'être découvert et nous sommes fiers d'être les pionniers de cette formidable aventure technologique."

Asobo studio SNJV lauréat 2016

A droite de l'image, Sebastian Wloch et David Dedeine, cofondateurs d'Asobo, lors de la remise de prix (crédits DR)

Cette distinction est l'occasion de republier ci-dessous l'interview exclusive que les cofondateurs de l'entreprise, Sebastian Wloch et David Dedeine, avaient accordée à La Tribune, parue en kiosque dans l'Edition régionale Bordeaux du 31 mars dernier.

Avec les hologrammes d'Asobo, le jeu vidéo entre dans une nouvelle ère

Asobo Studio vient de livrer à Microsoft deux jeux vidéo holographiques pour son casque de réalité augmentée Hololens. Une première mondiale qui braque les projecteurs sur cet acteur bordelais méconnu du grand public, principal studio indépendant de développement de jeux vidéo en France. Cofondateurs de l'entreprise, Sebastian Wloch et David Dedeine lèvent un coin de voile sur ce projet mené dans le plus grand secret.

LA TRIBUNE - Comment et pourquoi Microsoft est-il venu chercher un acteur français indépendant pour produire les premiers jeux holographiques de l'histoire, Fragments et Young Conker, plus une application de tourisme virtuel, HoloTour, inclus dans le kit de développement qu'il vend depuis avril aux développeurs de jeux vidéo du monde entier ?

SEBASTIAN WLOCH - "Nous avions déjà travaillé avec eux précédemment sur Kinect Heros, un jeu sous licence Disney Pixar sur la plateforme Kinect, basée sur la technologie du mouvement. Un peu plus tard, je suis allé comme chaque année à San Francisco pour une conférence de développeurs. Microsoft m'a appelé et m'a proposé de profiter de ma présence aux Etats-Unis pour venir les voir à Redmond où ils voulaient me présenter "quelque chose". J'ai finalement testé leur casque de réalité augmentée HoloLens. J'ai été bluffé, je dois dire, et j'ai passé mon temps à demander : comment vous avez fait ça ? Et ça ? Et ça ? J'ai vite compris que ce n'était pas du "smoke and mirrors", que tout fonctionnait réellement. Ce n'était pas une simple illusion."

DAVID DEDEINE - "L'autre point qui a sans doute pesé dans le choix de Microsoft, c'est que nous avons gardé un côté indie et flexible, avec une équipe de 100 personnes capable de changer de direction rapidement en cas de besoin. Asobo a une aversion pour tout ce qui pourrait nous attacher à une technologie, et une philosophie qui nous conduit souvent à nous dire : tiens, et si on changeait tout demain ?"

Comment gérez-vous la confidentialité maximale qui va de pair avec ce type de projet ?

SW - "Avant tout par une bonne communication avec les équipes en interne et de la confiance. Nous sensibilisons les nouveaux recrutés, nous rappelons régulièrement les règles à respecter et les bonnes pratiques. Pour le développement des jeux HoloLens, nous avons pris quelques dispositions mais rien de fantastique. Nous avions besoin d'une pièce test que nous avons agencée dans nos murs, toutes ses fenêtres et celles de la salle de production ont été occultées pour que rien ne soit visible de l'extérieur. Nous avons renforcé l'accès à certains éléments avec du contrôle digital. De manière générale, il y a assez peu de fuites de ce type dans le monde du jeu vidéo et les responsables sont généralement assez rapidement identifiés. Les conséquences d'une fuite font que le jeu n'en vaut pas vraiment la chandelle."

DD - "Pour éviter qu'un dossier sensible soit évoqué par un de nous en public par mégarde, on s'entraine à leur donner des noms de codes rigolos et à les utiliser en toutes circonstances, y compris avec Microsoft, rendant le tout incompréhensible pour une oreille extérieure. Ça devient une habitude. Même chez moi en famille, après la sortie des jeux, je me rends compte parfois que j'utilise ces noms et que personne ne me comprend !"

Fragments met en scène des avatars humains qui interagissent avec le joueur. On sait que les humains ont tendance à avoir de la répulsion pour les androïdes qui ressemblent trop aux humains. Comment avez-vous solutionné ce problème ?

SW - "Déjà, il faut prendre en compte le fait qu'avec l'HoloLens, la proximité du joueur avec les personnages est très différente puisque l'écran de télévision n'existe plus. Et dans ce contexte en effet, dès qu'il y a une approximation, cela ne fonctionne plus. Nous avons énormément travaillé sur la manière de regarder des personnages, leur façon de cligner des yeux... pour ne pas perturber le joueur."

DD - "Comme personne ne l'avait fait avant, nous nous sommes retrouvés à conceptualiser des questions que personne n'avait anticipées. La réalité augmentée a ceci de magique qu'elle incorpore des éléments virtuels à votre environnement physique. La qualité du positionnement de ces éléments est donc fondamentale et a nécessité beaucoup de réflexion. Et comme nous ne pouvions pas modéliser tous les salons du monde, nous avons fait le tour des magasins de meubles pour aménager plusieurs versions d'une même pièce et vérifier que nos jeux fonctionnaient dans toutes les configurations."

Comment se sent-on quand on travaille sur une première mondiale telle que celle-ci ?

DD - "Sans doute comme le premier réalisateur de cinéma qui a utilisé la voix dans son film. Ou le premier travelling. Ou le premier monstre. C'est un régal, on s'est fait plaisir."

Comment imaginez-vous le futur du jeu vidéo ?

SW - "C'est toujours compliqué de se projeter sur des tendances à 25 ans. J'ai tendance à penser que chaque fois qu'une nouvelle technologie émerge, elle entraine un phénomène de sur-engouement comme c'est le cas avec la réalité virtuelle en ce moment, puis à un retour à la réalité. Chaque marché a sa taille réelle. Avec les smartphones et les tablettes, il est de plus en plus facile d'accéder à des jeux et dans le même temps, les passionnés reviennent un peu vers la console. La réalité virtuelle est un formidable moyen de s'évader en vous immergeant dans un monde à part, mais elle ne remplacera pas pour autant le puzzle game que l'on fait dans le bus. Elle vous demande d'arrêter toute autre activité pour s'y plonger. Je vois plus la réalité augmentée comme le mobile avec un accès partout, tout le temps, à vos données, sans avoir à se connecter à une interface lourde. Elle vous permet de vous faire une soirée foot en suivant le match retransmis sur la table de votre salon tout en faisant autre chose. Et si l'on raisonne comme cela, son marché est immense et dépasse de très loin le simple cadre du jeu vidéo."

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Des hologrammes dans votre salon
L'expérience est véritablement bluffante. Il suffit de chausser le casque HoloLens de Microsoft avant de basculer dans une nouvelle ère du jeu vidéo. Les jeux holographiques développés par Asobo studio (Young Conker, jeu de plateforme et Fragments, intrigue policière) appartiennent à la catégorie de la réalité augmentée. Contrairement à la réalité virtuelle qui reconstitue un monde entier, la réalité augmentée s'appuie sur les éléments qui se trouvent autour de vous et y superpose des images virtuelles. Concrètement, il suffit de scanner en quelques secondes, avec l'HoloLens, la pièce dans laquelle vous souhaitez jouer et de lancer le jeu. Un hologramme débarque alors dans votre salon, s'assoit sur votre canapé et vous parle, vous suit du regard si vous bougez. Des tirs retentissent ? Les impacts se matérialisent sur le mur de votre salon. Déplacez simplement votre regard, et le petit écureuil que vous contrôlez se rend au point que vous fixez en évitant les meubles de votre pièce. Vous pouvez vous rapprocher, tourner autour des objets virtuels, les manipuler. La liberté est totale.

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