Aquitaine : l’autoroute ferroviaire est de retour

Le secrétaire d’Etat chargé des Transports a confirmé hier à Bordeaux la relance du projet d’autoroute ferroviaire entre la péninsule Ibérique et le nord de l’Europe via l’Aquitaine, lors de la réunion d’un groupe de travail transfrontalier.
Julio Gomez-Pomar, Alain Rousset, Alain Vidalies et Ana Oregi

Après avoir annoncé, fin avril, l'arrêt du projet d'autoroute ferroviaire entre Tarnos (Landes) et Dourges (Pas-de-Calais), Alain Vidalies, secrétaire d'Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, est venu hier mercredi à Bordeaux pour annoncer la résurrection, sous une nouvelle forme, de ce programme de fret écologique. L'autoroute ferroviaire première mouture devait transporter en train 85.000 camions par an entre le sud de l'Aquitaine et le nord de la France.

"J'ai annoncé l'arrêt du dossier d'autoroute ferroviaire entre Tarnos et Dourges en avril car il impliquait de très fortes contraintes sur la population de Tarnos, avec d'importants risques juridiques pour l'Etat. Ce projet impliquait la constitution de convois de 1.000 mètres de long et le blocage de deux passages à niveau sept fois par jour, résume Alain Vidalies. C'était vraiment problématique. Et puis l'idée, poursuit-il, de constituer une plateforme de ce type a ses limites, d'autant plus que l'Espagne va en créer une à Vitoria. C'est ce qui m'a poussé à contacter Ana Pastor-Julian, ministre espagnole de l'Equipement, au mois de juillet. La nouvelle plateforme devrait être installée à Vitoria, mais ce n'est pas encore certain, tempère toutefois le secrétaire d'Etat."

Paris et Madrid à la manœuvre

Cet outil logistique voué au chargement des camions sur les trains est en cours de redéfinition par le groupe de travail franco-espagnol créé en juillet par Ana Pastor-Julian et Alain Vidalies. Ce groupe s'est réuni le 9 octobre dernier et d'un bouclage du dossier préparatoire d'ici 2016 semble acquis. A condition toutefois que l'appel à manifestation d'intérêt lancé par la France et l'Espagne auprès des acteurs ferroviaires aboutisse dans les temps.

"Les infrastructures seront bien financées par des fonds publics mais il n'est pas question de subventionner le service, pas plus que de se lancer dans un financement par le biais d'un partenariat privé-public. Nous avons besoin d'une organisation robuste", a évoqué Alain Vidalies.

Le coût du projet, de l'ordre de 400 M€, n'aurait officiellement pas varié depuis l'an dernier mais la distance étant rallongée, il serait douteux que l'addition ne suive pas la même tendance.

Un enjeu européen

Vitoria-Gasteiz, capitale du Pays basque espagnol (Communauté autonome basque ou Euskadi), hébergera sans doute la future plateforme camion-train. Mais en plus de la réussite de l'appel à manifestation d'intérêt, ce nouveau projet, qui s'inscrit dans le vaste programme européen du Corridor atlantique, est aussi lié à l'achèvement des grands travaux de construction de la LGV (ligne à grande vitesse) d'Irun à Vitoria (au sud-ouest) et Bilbao (à l'ouest), ou Y basque.

"Notre Y basque est conçu pour un trafic mixte, passagers et fret", a ainsi confirmé Ana Oregi.

Et c'est bien dans le cadre du Corridor atlantique qu'Alain Vidalies est venu hier à Bordeaux pour signer quatre conventions de coopération avec Julio Gomez-Pomar, secrétaire d'Etat espagnol chargé des Infrastructures, des Transports et du Logement, Ana Oregi, ministre du Territoire et de l'Environnement d'Euskadi, le professeur Carlo Secchi, coordinateur européen pour le Corridor européen, et Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine.

Trop peu de fret

Le Corridor atlantique prévoit la création ou la modernisation de liaisons ferroviaires dédiées au fret sur les axes Algésiras-Madrid, Lisbonne-Madrid, Lisbonne-Porto, et enfin le long de l'axe Aveiro (port au sud de Porto)-Valladolid-Vitoria-Bilbao-Bordeaux-Paris-Le Havre (à l'ouest)-Strasbourg (à l'est) et Mannheim.

"Le Corridor ferroviaire atlantique est une vieille bataille qui n'a rien perdu de son actualité. Dans cette partie de la France et de l'Espagne, 2,5 % des marchandises circulent par train, contre 15 à 25 % sur les axes franco-allemand et franco-suisse. C'est une des préoccupations essentielles du Conseil régional d'Aquitaine, du gouvernement basque et de l'euro-région Aquitaine-Euskadi", a rappelé Alain Rousset.

L'avance de l'engagement espagnol

De son côté, le ministre espagnol des Infrastructures a fait le point sur les travaux.

"La réalisation de l'infrastructure du Y basque représente un investissement de 5,3 Md€, supporté par l'Etat espagnol avec l'appui de l'Union européenne. Nous travaillons en collaboration avec le gouvernement basque et le 16 octobre, le conseil des ministres a donné son accord à la finalisation du tronçon à grande vitesse de Vitoria vers Bilbao. C'est un engagement ferme du gouvernement espagnol", a souligné Julio Gomez-Pomar.

Les Basques ne sont pas systématiquement convaincus par la force de l'engagement de Madrid, puisque l'achèvement du Y a été déjà repoussé, mais les chantiers avancent. Si tout va bien, le Y basque, avec ses imposants tunnels ferroviaires qui perforent les montagnes, devrait être achevé en 2019... Et cette marche en avant espagnole, même si elle est relativement lente, renvoie le gouvernement français à son propre immobilisme. A ses difficultés à garantir l'achevement les LGV Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, qui constituent le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), avant 2030. Un point sensible sur lequel Julio Gomez-Pomar a eu l'élégance de ne pas appuyer.

Grandes régions et Grand emprunt

Dans ce contexte, Alain Vidalies a justifié le choix du 1er octobre fait par le gouvernement pour annoncer la relance du GPSO, expliquant que pour pouvoir adopter le décret d'utilité publique sur ce programme en juin 2016, il fallait d'abord passer par la case du Conseil d'Etat. "C'était le 1er octobre ou jamais", a-t-il conclu. Il n'a pas pour autant sorti de lapin blanc de son chapeau sur la question des finances. Depuis le début du projet, cette question cruciale n'a jamais vraiment été réglée mais les pistes existent.

Alain Vidalies a ainsi rappelé que l'Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF) interviendrait, sans oublier les futures grandes régions et l'Union européenne. Alain Rousset a quant à lui plaidé pour l'instauration d'une taxe carbone et le fléchage d'une partie des fonds levés au titre du Grand emprunt vers les infrastructures.

Lisea, les négociations continuent

En marge de la réunion du groupe transfrontalier, Alain Vidalies a précisé que, dans le bras de fer qui oppose la direction de Lisea (consortium concessionnaire de la LGV Sud Europe Atlantique) à la SNCF quant au cadencement du nombre quotidien de liaisons directes par TGV entre Bordeaux et Paris, il penchait  pour 16,5 par jour. La SNCF ne veut pas passer au-dessus de 13 tandis que le Lisea en veut 20. Cette annonce permettra-t-elle d'aboutir à un résultat ?

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Commentaire 1
à écrit le 29/10/2015 à 17:05
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85.000 camions par an c'est dérisoire !!! 232/jour il en faudrait 10 fois plus , quant au cout du projet ne nous leurrons pas ...au final l'enveloppe sera elle aussi multipliée par dix ....mais c'est quand même une bonne idée si le trajet en temps e...

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