Rigueur budgétaire, ambulatoire... et Ebola : le CHU de Bordeaux à la croisée des défis

Alors que la menace Ebola se fait très présente, le centre hospitalo-universitaire de Bordeaux se prépare sans s'affoler. L'établissement et son directeur général Philippe Vigouroux ont bien conscience qu'ils pourraient être mis à contribution mais cela n'empêche pas les projets de se développer... car d'autres défis attendent.
Philippe Vigouroux, directeur général du CHU de Bordeaux

Invité du Club de la presse de Bordeaux hier après-midi, Philippe Vigouroux s'est prêté à l'exercice du questions/réponses avec sa sérénité habituelle. Passé le temps des présentations, la première question a porté, forcément, sur Ebola... Morceaux choisis.

Le poids économique du CHU

Le CHU de Bordeaux est le 4e de France avec 850.000 patients reçus chaque année. Il compte 3.000 lits et places en ambulatoire, 12.000 salariés, 1.700 étudiants en médecine, et réunit trois sites. Notre budget atteint 1 milliard d'euros, 600 M€ sont redistribués au plan local en achats (400 M€) et salaires. Cela fait de nous le premier employeur d'Aquitaine et le 1er donneur d'ordre.

Public ou privé ?

Le CHU possède une forte composante de service public, avec des missions bien définies : obligations de soins, d'enseignement, de recherche... Nous sommes très contrôlés et, dans la mesure où l'essentiel de notre financement provient de l'Assurance maladie, il est normal que ces contrôles soient multiples. Mais le CHU possède aussi un côté plus proche des entreprises privées : il a des équipes de direction, un management, un directoire que je préside, un conseil de surveillance présidé par le maire de Bordeaux Alain Juppé.

Ebola

Bordeaux fait partie des 12 établissements de référence en France et accueillera donc tout patient atteint du virus ou suspecté de l'être dans le Sud-Ouest, c'est-à-dire les régions Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées. Le risque n'a jamais été aussi probable et fort que des cas se déclarent en Europe. Les statistiques montrent qu'il existe un intense trafic de voyageurs entre l'Afrique et l'Europe de l'Ouest. Les projections font étant d'une létalité du virus de 50 % en Afrique, elle pourrait être de 20 % dans les pays occidentaux où nous pourrions mieux combattre les symptômes.

Aujourd'hui, nous avons les expertises en interne, nous menons des exercices, nous sommes à même de prendre en charge des cas. Si un porteur de virus arrive à l'aéroport, la procédure est fixée. Il sera emmené à l'hôpital Pellegrin en service de réanimation. Nous y avons des chambres suffisamment grandes, des sas pour l'habillage et le déshabillage du personnel qui doit suivre des procédures très complexes, des espaces de stockage de déchets qui doivent être détruits dans des conditions bien particulières. Nous avons la possibilité d'accueillir 8 cas. L'expérience montre qu'il faut compter pour les équipes 50 tenues par jour et par patient, aussi nous allons passer ces jours-ci de 150 à 600 tenues en stock. Elles ressemblent à l'équipement des cosmonautes et garantissent une étanchéité totale. Le personnel est formé et seuls des seniors rompus à la prise en charge de patients contagieux pourront être amenés à intervenir. Rappelons au passage que ce type de patients, nous en avons toute l'année.

Les comptes du CHU

En 2012 nous étions à l'équilibre, en 2013 nous accusions 9,5 millions d'euros de déficit, soit l'équivalent de 4 jours de fonctionnement. En 2014 nous aurons réduit de moitié ce déficit. C'est à la fois énorme et très peu à l'échelle de notre activité, surtout dans un contexte où nos moyens ont été réduits. Nous travaillons donc sur nos dépenses mais aussi sur nos recettes. Nous sommes par exemple en train de professionnaliser le codage, c'est-à-dire l'établissement de factures destinées à l'Assurance maladie. Elles étaient réalisées par les médecins, qui ne sont pas à l'aise avec cela. Progressivement, leur rédaction est confiée à des professionnels et alors même que le déploiement n'est pas terminé, nous constatons une augmentation des recettes notables auprès de l'Assurance maladie.

La chirurgie ambulatoire

Le ministère de la Santé a annoncé un plan d'économies de 5 milliards d'euros. Je ne vais pas batailler sur les chiffres. Mais cela nous pousse à développer la chirurgie ambulatoire. Une enquête réalisée auprès de nos patients montre que 80 % d'entre eux préfèrent ne pas dormir à l'hôpital. Nous sommes confrontés à une concurrence privée qui a la possibilité de choisir ses patients. Face à ces établissements qui se développent autour de la chirurgie ambulatoire, il faut que le secteur public réponde à cette attente des patients. Aujourd'hui, 23 % des actes chirurgicaux sont réalisés en ambulatoire au CHU de Bordeaux. C'est peu mais il faut garder à l'esprit que nous sommes un hôpital de recours pour les cas complexes par exemple, et que les critères permettant l'ambulatoire sont restrictifs.

L'ambulatoire, moins coûteux ?

Elle peut être plus économique mais seulement à certaines conditions. Si vous n'avez plus un service de 24 lits mais des fauteuils de relaxation, vous avez toujours besoin de personnel mais pas dans les mêmes proportions et vous pouvez redistribuer les postes dans d'autres services qui en ont besoin. L'enjeu est d'isoler des services entiers, de les basculer sur le mode ambulatoire, puis de fermer des ailes ce qui réduit les besoins en matière de personnel hôtelier et les dépenses liées : chauffage, etc. De plus en plus, l'hôpital devient moins hôtelier, et davantage plateau technique. Il ne s'agit pas de supprimer des postes parmi le personnel médical : le patient verra plus de blouses blanches mais de manière plus concentrée. Nous avons fermé une quarantaine de lits cette année, la perspective est de 200 lits fermés d'ici 2016.

Saint-André

L'hôpital Saint-André est l'un de nos trois sites avec Pellegrin et le groupe hospitalier Sud. La question qui se pose est celle de sa vocation. Il est "coincé" en centre-ville : aller vers une spécialisation dans l'ambulatoire aurait-il un sens ? Cela permettrait peut-être de répondre aux attentes d'un public urbain. Dans tous les cas, nous ne vendrons pas ces murs. Je l'ai déjà dit : "Si Saint-André était à vendre, nous devrions l'acheter !"

Les PPP

Je n'ai pas de dogme concernant les partenariats publics - privés mais ils sont rarement un succès dans le domaine médical. La structure d'un hôpital est très complexe et le secteur privé ne peut pas être sûr de savoir comment il va gagner de l'argent dans les 30 prochaines années. La solution qui est souvent mise en place est donc de fixer des prix très chers.

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