"La difficulté du métier d’architecte aujourd’hui ? Tenir"

Baisse des commandes publiques, concurrence et préférence des grandes signatures, possible suppression du caractère obligatoire du concours comme mode de dévolution de la commande publique, crise du secteur du bâtiment, disparition du salariat… Les architectes se retrouvent aujourd’hui dans une impasse. Alors que de plus en plus d’agences ferment leurs portes, l’Ordre des architectes souhaite mettre en lumière son métier en organisant la 2e édition nationale "Les Architectes ouvrent leurs portes". 114 des 1.700 architectes aquitains joueront le jeu les 12 et 13 juin prochain.
Les architectes espèrent voir le bout du tunnel de la crise qui touche le secteur du bâtiment et leur profession.

Le but de cette 2e édition nationale des Architectes ouvrent leurs portes : réhabiliter l'image des architectes. Une profession trop souvent stéréotypée selon les principaux intéressés et qui tente de résister à une conjoncture néfaste.

Gommer l'idée que l'architecte est un luxe

"Aujourd'hui, il est difficile d'expliquer l'utilité d'un architecte. Seules les personnes ayant eu recours au professionnel voient son utilité. En général, les gens pensent que le gros de notre métier c'est les plans. Alors que pas du tout, notre profession est méconnue sous l'angle du chantier et de son suivi. Et ce sont ceux qui ont une mauvaise compréhension de notre métier qui trouvent nos honoraires injustifiés", explique Mareva Lequertier, associée et co-gérante avec Camille Pauron de l'agence bordelaise Archireva.

Les deux jeunes femmes qui dirigent une agence-boutique d'architecture, où l'intéressé passe la porte comme il le ferait dans un magasin, sont pour Eric Wirth, président du Conseil régional de l'Ordre des architectes d'Aquitaine, de dignes représentantes de la jeune génération des architectes qui se pose les bonnes questions. Comment "vulgariser" leur métier ? Comment démocratiser leurs pratiques et montrer que l'architecture n'est pas un luxe ? C'est pourquoi l'équipe d'Archireva, au même titre que 113 autres agences en Aquitaine, accueillera les plus curieux les 12 et 13 juin.

Une création bridée

"La jeune génération des architectes se pose les bonnes questions. Dans les générations qui précèdent, il y a plus de dispersion. Les jeunes communiquent plus facilement et sont moins individualistes et c'est comme cela qu'ils trouveront les solutions pour sortir de l'impasse. Ma génération, nous avons connu la liberté du crayon. Aujourd'hui, nous sommes entrés dans un système normatif. Les normes sont devenues de vrais carcans compte tenu de l'importance du système juridique dans notre métier. Le monde a changé et nous, architectes, ne l'avons pas vu changer. Nous avons perdu les cinq sens, la lumière... Il y a toujours de la création mais la main est bridée par le règlement et les contraintes qui sont telles qu'on en oublie l'objectif : la concrétisation du projet tel que le veut le client", avance Eric Wirth, président du Conseil régional de l'Ordre des architectes d'Aquitaine.

Crise dans la construction dit agences qui ferment ou réduisent la voilure de leurs salariés. Il est de plus en plus difficile pour les jeunes architectes de trouver un emploi salarié et beaucoup se lancent par dépit en indépendant.

"Aujourd'hui, 45.000 gamins veulent entrer en architecture pour 4.000 places. Pour être architecte, il faut faire cinq ans d'études pour avoir un Master 2 dans une école d'architecture puis 8 mois au sein d'une agence pour avoir son Habilitation à la maîtrise d'œuvre. Le problème, c'est que les agences ne peuvent plus prendre d'étudiants. Il y a aujourd'hui un problème du dumping entraîné par la baisse des honoraires, qui rejaillit sur le dumping social", s'inquiète Eric Wirth.

Peur de la préférence et non de la concurrence

Conscient de la chance d'avoir des hommes politiques du calibre d'Alain Juppé, Alain Rousset ou Vincent Feltesse en son temps, qui attirent des grands projets au sein de la métropole bordelaise, Eric Wirth s'étonne et s'inquiète que les grands projets ne profitent pas ou peu aux structures locales. Voyant d'un mauvais œil la compétition entre les 13 grandes métropoles françaises, l'architecte redoute que la métropole bordelaise devienne un aspirateur à financements et projets au détriment des territoires ruraux pour lesquels il se dit inquiet.

"J'ai exprimé mon inquiétude aux politiques locaux et je pense avoir été entendu. La concurrence ne me fait pas peur, la préférence oui par contre."

Quant aux grands noms, de plus en plus choisis par les collectivités et les entreprises pour leurs projets pour leur capacité de rayonnement ? "Quand on voit le Nouveau Stade et sa réalisation, j'applaudis. Herzog & de Meuron sont aujourd'hui ce qui se fait de mieux en architecture donc je dis bravo pour ce choix. Par contre, quand on privilégie des grands noms pour 30 logements à Brazza ou aux Bassins à flot, je pense que ce n'est pas normal et que nous n'avons pas besoin de ça. L'accès à la commande pour les jeunes est difficile alors que pourtant il ne manque pas de boulot au sein de la métropole. 5 millions de mètres carrés sont en construction ou en projet aujourd'hui."

Les législateurs et les architectes : "pas le même monde"

Alors que la réforme des marchés publics en cours pourrait aboutir à la suppression du caractère obligatoire du concours comme mode de dévolution de la commande publique, Eric Wirth dit se bagarrer au quotidien, tout comme ses confrères, contre cette mesure. Arguant que le mode de dévolution est envié par nos voisins européens et que sans cela des Jean Nouvel ou autres grands noms de l'architecture issus des concours n'auraient jamais éclos, l'architecte reproche aux politiques de ne pas vivre dans le même monde.

"Les conseillers à Bercy ne savent pas même pas ce qu'est un architecte par exemple. La seule chose qu'ils savent dire c'est que nous sommes trop nombreux et que de 30.000, nous devrions passer à 5.000. Ils voient juste les architectes sous le prisme des signatures de grands noms ou de l'export."

Les organes représentatifs de la profession (Ordre des architectes, Unsfa...) multiplient les contacts avec le gouvernement et le plus haut sommet de l'Etat depuis plusieurs semaines et espèrent être entendus avant que l'ordonnance transposant les directives marchés publics dans son volet législatif n'intervienne cet été et les décrets d'application à la fin de l'année.

>> Découvrez le programme et les différents circuits proposés de la 2e édition des Architectes ouvrent leurs portes

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Commentaires 7
à écrit le 30/05/2015 à 10:07
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Bonjour, Les Architectes souffrent majoritairement de précarité depuis au moins 40 ans... ils exercent un métier passionnant, mais sont les "parents pauvres" de l'exercice libéral en France! C'est une très bonne chose si le mot "Solidaire" concerne...

à écrit le 30/05/2015 à 8:46
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Et aussi des architectes qui ne se déplacent pas quand on leur donne rdv. Projet de réaménagement, consultation de cabinets...jamais reçu de devis, pas intéressés...résultat: parti chez Ikea !

le 04/04/2019 à 14:20
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Comprenez bien : travailler est si cher, que prendre un petit projet c'est travailler à perte, à moins de prendre 20% d'honoraires. De plus, nous sommes si pauvres et humiliés, que nous fuyons tout projet pouvant présenter des complications, tout cl...

à écrit le 30/05/2015 à 3:42
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Tous les architectes ne sont pas logés à la même enseigne, un métier qui a de l'avenir, architecte des bâtiments de France dont les décisions ne sont pas contestables souvent tenant du fait du prince, parfois surprenantes laissant supposer le pire te...

à écrit le 29/05/2015 à 22:20
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Moins il y a d'"oeuvres" d'architectes créatifs innovants et dérangeants mieux on se porte, mieux les villes se portent ! Un siecle d'horreurs architecturales cela suffit!

le 30/05/2015 à 13:51
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Sur un mur parisien en 1968, on pouvait lire: "architectes tremblez". Depuis plus d'un siècle, tant de projets et courants architecturaux remarquables, mais ce ne sont pas toujours les meilleurs qui sont choisis: parti architectural, coût, conformité...

le 30/05/2015 à 21:04
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A bellini, Oui, c'est vrai qu'il y en a marre de tous ces touristes du monde entier qui viennent prendre en photo cet horrible centre Pompidou ou cette ridicule pyramide de verre, quand ce n'est pas le nouveau stade de Bordeaux ou son miroir d'eau...

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