Pierre-Yves Martin : "L'offre de crédit est importante mais la demande est faible"

Si l'offre de crédit est importante, la demande de financement est en berne, évalue, chiffres à l'appui, Pierre-Yves Martin, président du Comité des banques (Fédération bancaire française) pour la région Aquitaine. S'il salue les mesures initiées pour relancer l'investissement, il met également en garde contre plusieurs initiatives qui pourraient venir annihiler ces efforts. Entretien, quelques heures avant une rencontre entre le préfet et les acteurs bancaires.
Pierre-Yves Martin, président en Aquitaine du Comité des banques

Il est encore un peu tôt pour tirer des enseignements de l'année 2014, mais quelles tendances vous semblent déjà marquantes ?

2014 marque le retour de la confiance et de la sérénité après la grande crise initiée par la faillite de Lehman Brothers. Pour autant, si les problèmes de liquidité des banques vont mieux, le moral des chefs d'entreprise et plus généralement des particuliers reste au plus bas. La France est même derrière la Grèce en termes d'optimisme. Le constat est que l'on souffre moins d'une insuffisance du crédit que d'un problème lié à la faible demande de financement faible en raison d'une activité économique qui n'est pas encore là. Malgré les critiques que l'on peut entendre, les banques continuent à financer l'économie et accompagnent les entreprises, dans la limite de la viabilité de ces dernières.

Que disent les chiffres aquitains depuis le début de l'année ?

Le secteur bancaire en Aquitaine représente 1.500 agences et 15.000 salariés. En septembre, le montant des encours de crédit atteignait 73,9 milliards d'euros, en augmentation de 1,1 % sur un an, avec 43,3 Md€ de crédits à l'habitat et de 27,9 Md€ de crédits aux entreprises. Nous totalisons également 71,2 Md€ de dépôts collectés.

Les promoteurs immobiliers se sont régulièrement alarmés depuis le début de l'année, annonçant les mauvais chiffres des mises en chantier. Quel est votre regard sur le marché immobilier régional ?

Ce que nous ont dit nos clients, c'est que le poids de la fiscalité était un frein mais que c'est surtout l'absence de visibilité sur la pérennité des dispositifs fiscaux qui bloquait leurs investissements. La situation s'améliore et l'on constate un regain d'intérêt pour l'immobilier, notamment parce que les taux d'intérêt très bas les rendent plus attractifs par rapport aux placements financiers. De plus, la démographie est positive dans certains territoires de l'Aquitaine : Bordeaux, Biarritz, Anglet, Bayonne, et plus globalement la façade atlantique jusqu'à La Rochelle. Vers l'Est de la région, c'est plus délicat. Par ailleurs, nous notons depuis 2013 une grosse activité de rachat ou de renégociation de crédits immobiliers.

Et au plan national ?

Les chiffres de la Banque de France à fin août indiquent une croissance de 2,4 % sur un an des encours de crédits aux ménages et aux entreprises, à hauteur de 1.997 Md€. Il est intéressant de noter plusieurs points. D'abord, que les encours progressent alors que le PIB reste stable. Ensuite, que le financement des entreprises a véritablement changé en quelques années. Elles font désormais beaucoup plus appel en direct au marché. En 2014, le rapport était de 38 % de financement de marché et 62 % de crédit, alors qu'il était de respectivement 30 % et 70 % en 2009. Notons enfin que le taux d'acceptation était, au 2e trimestre, de 7/10 pour les crédits de trésorerie et de 9/10 pour les crédits d'équipement des PME.

"Des signaux positifs envoyés par les pouvoirs publics"

D'où viendra la relance de l'économie ?

Les chefs d'entreprise ont pris des dispositions pour renforcer leurs structures financières quand ils le pouvaient et se prémunir des impayés. Ils attendent maintenant un redémarrage du carnet de commandes pour investir. Nous espérons que c'est la demande intérieure qui portera la relance, et c'est tout l'enjeu des pouvoirs publics aujourd'hui. On voit bien qu'en Asie, les risques pays sont en train de monter. La Chine ralentit même si elle reste dynamique, l'Allemagne est confrontée à des difficultés, et les Etats-Unis à eux seuls ne suffiront pas à nous redonner des couleurs.

Dans quelques heures vous allez, à la tête d'une délégation des acteurs bancaires régionaux, rencontrer le préfet d'Aquitaine. Qu'allez-vous lui dire ?

Nous allons saluer les signaux positifs envoyés par les pouvoirs publics français et européens pour favoriser la croissance et l'investissement. Les discours du monde politique attaquant le monde de la finance dans son ensemble ont fait beaucoup de mal, et nous constatons que sa position s'est beaucoup assouplie. Il a d'ailleurs reconnu durant son intervention lors des récentes Assises de l'investissement que "les banques françaises jouent leur rôle" et que la France a "un système financier solide". Nous indiquerons au préfet que nous continuerons à financer l'économie mais que le problème de la confiance est dans les mains du gouvernement.
Les choses évoluent dans le bon sens. De nouveaux outils de financement apparaissent comme le TLTRO (opérations de refinancement ciblées à long-terme, soit un système de prêt à long terme offert aux banques, initié par la Banque centrale européenne) qui devrait permettre le renforcement de nos liquidités, ainsi que le développement d'une "bonne" titrisation, sûre et transparente, notamment celle des crédits immobiliers, un gisement important et sécurisé (plus de 800 Md€) sur lequel les banques ont une bonne appréciation des risques. Enfin, l'épargne en France est abondante mais liquide et courte. Il est impératif de favoriser l'épargne de long terme investie en actions et de valoriser la prise de risque productif. Le PEA-PME et le contrat Euro-Confiance donne des signes positifs.

Pas d'inquiétude ?

Il ne faudrait pas que des initiatives diverses, ratio de levier, contribution aux fonds de résolution européen, taxe sur les transactions financières, viennent annihiler les efforts conduits par les pouvoirs publics. Si les banques françaises sont taxées sur toutes les transactions, ce sont autant d'opérations financières qui pourraient échapper à la France et être réalisées dans d'autres pays. C'est aussi autant de capacités de marges ou de résultats que les banques n'auront plus pour constituer leurs fonds propres et financer l'économie.

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