A Herakles, l’inquiétude gagne les salariés

Les retards pris par la fusion des filiales de Safran, dont Herakles, au Haillan (Gironde), et Airbus impliquées dans les lancements spatiaux commencent à semer le doute chez les salariés du numéro deux mondial du propergol solide.
Test par la DGA (Délégation générale à l'armement) du futur moteur d'Ariane 6, le P 120, développé par Herakles

Alors qu'elle devait être pleinement opérationnelle à compter du 1er janvier 2016 la coentreprise Airbus Safran Launchers (ASL), formée par le rapprochement des groupes Safran et Airbus Defence and Space, pour assurer le développement du futur lanceur spatial Ariane 6, est en retard sur la date prévue pour sa naissance.

Le premier mouvement de cette fusion majeure dans le domaine de l'industrie spatiale européenne a bien eu lieu comme prévu l'an dernier, avec le rapprochement des équipes spécialisées dans les lancements, soit environ 400 personnes et la création de la coentreprise ASL, présidée par Thierry Francou. Mais le deuxième acte, qui devait s'achever au début de cette année avec l'apport à ASL des 16 usines concernées par la fusion, celles de Snecma Vernon et du groupe Herakles, au Haillan, pour Safran, et d'Airbus Defence and Space, soit un nouvel ensemble de 8.000 salariés, a jusqu'ici fait pschitttttt.

Connaître le prix d'Ariane 6 fin avril

Numéro deux mondial de la production de propergol solide, qui sert à la propulsion des fusées, Herakles, (près de 3.000 salariés / 2.000 en Gironde), dont le siège est au Haillan, sur le territoire de Bordeaux Métropole, joue un rôle clé dans cette fusion. Et le contretemps actuel inquiète désormais ses syndicats, au point que la CGT vient pour la première fois de signer un communiqué commun avec la CFE-CGC et la CFDT.

"L'arrivée des 8.000 salariés au sein d'ASL, répartis dans des sites français et allemands, et qui devait se faire au 1er octobre 2015, n'a pas encore abouti. Nous venons d'apprendre par la bande que le processus de montée en puissance d'ASL devrait s'achever en juillet prochain. Mais la direction ne communique aucune information aux salariés, qui commencent à sérieusement s'inquiéter. Notre revendication est simple, nous voulons de l'info même si elle n'est pas finalisée !", martèle Philippe Gery, délégué syndical central CFE-CGC Safran Herakles.

Le problème vient selon lui de la culture d'ingénieur qui domine la logique interne des groupes Safran et Airbus.

"Tant que tout n'est pas validé jusqu'à la troisième décimale, les ingénieurs préfèrent ne rien dire. C'est bien mais ce n'est pas adapté à la situation. Fin avril, ASL doit s'engager de façon ferme sur le prix de vente "série" du lanceur Ariane 6. On se demande un peu comment ça va être possible alors que l'entreprise ne pourra pas encore bénéficier de l'achèvement du processus de fusion. Cela signifie que nous entrons dans une phase qui devient critique" estime le syndicaliste.

15 mois pour harmoniser les statuts

Au cœur du problème qui retarde cette fusion se trouve la soulte de 800 M€ que doit verser Safran à Airbus pour arriver à 50 % du capital de la coentreprise. La difficulté viendrait moins du montant de la soulte que du très fort prélèvement d'impôts prévu sur cette opération. Tom Enders, le PDG d'Airbus, s'est déjà inquiété de cette situation en février dernier. Pour faire face à la concurrence de la société américaine SpaceX d'Elon Musk, ASL doit être capable, comme annoncé, de tirer son premier exemplaire d'Ariane 6, son lanceur low cost, dès 2020. Ce qui implique un calendrier très serré en 2016, puisque la commercialisation du nouveau lanceur doit être mise en place dès 2017. Comme le souligne Philippe Gery la situation est d'autant plus urgente que le décollage d'ASL, avec l'arrivée de l'effectif au complet, sera le top départ de 15 mois de négociations pour harmoniser les statuts de tous les personnels.

Préserver la recherche

Les syndicats se disent conscients qu'Ariane 6 va devoir "absolument réduire ses coûts de revient pour faire face à SpaceX" mais insistent pour que les capacités en recherche technologique soient préservées. "Nous essayons de voir au-delà d'Ariane 6, car il est impératif de pouvoir continuer à imaginer de nouveaux concepts", relève Philippe Gery. La déclaration faite hier mardi à Tokyo par Stéphane Israël, le patron d'Arianespace (leader sur le marché mondial), qui commercialise les lanceurs Ariane tout en étant filiale du Cnes (Centre national d'études spatiales - la Nasa française), en rajoute côté pression puisqu'il a confirmé à ses prospects japonais qu'Ariane 6 serait plus compétitive qu'Ariane 5, avec des coûts inférieurs de 40 à 50 %. ASL doit prochainement acquérir les parts du Cnes au capital d'Arianespace qui va également fusionner au sein de la coentreprise Safran-Airbus. Avec les retards accumulés le temps s'impose désormais comme le facteur décisif de la réussite ou de l'échec de cette fusion historique.

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Commentaires 4
à écrit le 21/04/2016 à 10:13
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"Tant que tout n'est pas validé jusqu'à la troisième décimale, les ingénieurs préfèrent ne rien dire. " HAHAHA. Les ingénieurs préfèrent arrondir et faire des grosses hypothèse :)

à écrit le 21/04/2016 à 7:45
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Il faut marier Safran et Thales pour en finir avec les doublon et créer un champion mondial français diversifier et compétitif !

à écrit le 20/04/2016 à 17:57
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Airbus passe doucement ses actifs et le Cnes ses systèmes de lanceurs à Safran. Une fois le véhicule constitué, Airbus se retirera. Actuellement, c'est à dire lorsque les opérations seront achevées, il s'agit pour l'avionneur d'une simple participati...

à écrit le 20/04/2016 à 16:51
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Le retard est simplement dû au PDG d'Airbus qui veut obtenir une optimalisation fiscale. Pour ses équipes, il serait inconcevable de payer 600 M€ pour la création d'une nouvelle entreprise avec un transfert d'actifs de 1,5 milliard d'euros venant d'...

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