Monsieur Tshirt repart à l'abordage

Monsieur Tshirt fêtera ses 5 ans dans quelques semaines. Pour l'occasion, le site e-commerce girondin s'offre sa première boutique physique permanente. Son cofondateur Arnaud Péré revient dans cette interview sur le développement de la startup, rentable depuis ses débuts, et sur ses choix stratégiques : évolution du modèle, autofinancement, recrutement, et crainte absolue du statu quo qui l'emmène vers de nouveaux projets.
(Crédits : Monsieur Tshirt)

Avec 60 emplois en cette fin d'année et un chiffre d'affaires systématiquement en croissance, Monsieur Tshirt aurait pu continuer sur sa lancée de pure player. Pourquoi investir dans une boutique physique ?

"Le projet Monsieur Tshirt est né un 2 janvier il y a 5 ans, même si la société a été créée un petit peu plus tard. Notre ADN est clairement web, effectivement, mais nous sommes progressivement passés d'une simple marketplace de tshirts humoristiques à une entreprise beaucoup plus complète en internalisant la création des modèles, la transformation des produits, la distribution... Notre gamme est désormais assez large, avec 2.000 références (tshirts, mugs, coques de téléphone portable...) pour pouvoir trouver de nouveaux canaux. Nous sommes maintenant distribués dans une quarantaine de points de vente partenaires. Au-delà, nous avons ouvert depuis un an une demi-douzaine de pop-ups stores et samedi, nous ouvrirons au 137 rue Sainte-Catherine, à Bordeaux, notre première boutique physique permanente. C'est très clairement un test et si ça ne marche pas, ça ne sera pas grave."

Bordeaux était le choix logique pour une entreprise de la métropole ?

"C'est un territoire qu'on connaît bien. Et notre site de stockage est à 10 km, ce qui va nous faciliter la vie. Les différentes boutiques éphémères que l'on a montées en un an nous ont bien fait comprendre la différence entre les flux de passage et les flux de shopping. Et à Bordeaux, seule la rue Sainte-Catherine garantit ces flux de shopping."

Monsieur Tshirt, Arnaud Péré

Arnaud Péré devant la première boutique physique permanente, rue Sainte-Catherine à Bordeaux (photo Monsieur Tshirt)

Comment est structurée Monsieur Tshirt, quelle est sa principale réussite ?

"Avec les associés, nous sommes partis il y a cinq ans avec un financement initial de 7.600 €, d'ailleurs le capital social a baissé depuis. Nous avons réalisé 4 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier et nous devrions boucler 2017 avec une croissance de 50 %. En fin d'année, avec les renforts pour la période des fêtes, nous allons tourner à un effectif de 60 personnes mais le noyau dur est de 35 salariés. Les 4/5e sont sur notre site de Lormont, près de Bordeaux, et nous comptons un bureau de 8 personnes à Paris.
Notre principal succès est d'avoir réussi à dépersonnifier l'entreprise. Savoir déléguer et donner de l'autonomie est essentiel pour croître et éviter également les blocages quand un des associés n'est pas d'accord avec la stratégie. Presque tous les salariés aujourd'hui sont passés par la phase stage, apprentissage, CDD puis CDI. On est plutôt fier d'avoir réussi à conserver un esprit familial, même à 60."

Et le principal échec ?

"Cette année, on s'est sans doute un peu endormi. Il y a eu quelques mois où on est tombé dans le confort des idées et de la situation. On avait aussi mis en place des process décisionnels trop lents, peut-être trop consultatifs aussi, qui fait que l'on aboutissait à des consensus pas forcément satisfaisants. La prise de conscience a eu lieu pendant nos congés. En rentrant, on a tout mis sur la table, on a crevé l'abcès car nous avions tous le même ressenti. C'est ce qui nous pousse à nous réinventer, entre autres avec ce pied mis dans le commerce « physique ».

Monsieur Tshirt n'a jamais levé de fonds, ce qui est rare pour une startup. Choix stratégique ou absence de nécessité ?

"L'argent est rentré dans des proportions suffisantes pour nous développer. C'était aussi un défi, on ne voulait pas dépendre de qui que ce soit. Clairement, ça aurait pu être une erreur. Voir des fonds, c'est aussi vérifier qu'ils peuvent être intéressés, voir comment se finance la concurrence, jauger son propre modèle, se faire challenger. L'entre-soi est dangereux. Depuis un an, on est plus ouvert sur la question. Tout dépend de ce que vous voulez faire de votre entreprise : arriver à 5 M€, 10 M€, 100 M€ de chiffre d'affaires... Notre idée est d'offrir le maximum d'opportunités à la société et à ses salariés. Rester tel quel, s'ouvrir à un fonds d'investissement ou s'adosser à un acteur industriel, rien n'est exclu par principe. Ce qui va nous intéresser, c'est de pouvoir continuer à mettre le bordel tous les jours ! Le jour où tu maîtrises trop ton activité, ça devient dangereux. On a envie de retrouver le frisson de l'inconnu."

Les produits sont articulés autour de trois univers, Monsieur Tshirt, Madame Tshirt et Bébé Tshirt. Prévoyez-vous aussi des évolutions sur ce sujet ?

"Nous lançons aujourd'hui une gamme premium pour hommes et femmes, plus « habillée ». Nous voulons aussi lancer d'autres marques dans le textile en 2018, toujours destinées à la cible 20-35 ans avec laquelle on est à l'aise. Nous irions donc vers un groupe e-commerce textile, avec des sites de niche et des communautés fortes."

Monsieur Tshirt

L'entreprise aurait pu rester la marketplace qu'elle était à ses débuts. Pourquoi avoir basculé vers un modèle intégré et comment expliquer que Monsieur Tshirt a réussi là où beaucoup de sites e-commerce ont fermé ?

"On a toujours voulu apporter notre propre touche. La transformation finale des produits se fait à Lormont, le contrôle qualité également. Dans l'atelier, chaque article passe entre 5 paires de mains et ça nous va bien ainsi. Au début, nous sommes passés en quelques mois par 3 / 4 prestataires pour la production complète des tshirts. Ce n'était clairement pas possible de continuer. On a donc cherché à internaliser le maximum de valeur, et donc les marges. Cela nous a obligé à apprendre sur le tas plusieurs métiers différents, comme la logistique, on a sans doute perdu du temps au début mais au final on crée, on produit, on vend, on gère nous-mêmes 90 % des étapes. On a aussi fait le choix de ne pas se payer pendant deux ans et demi pour pouvoir embaucher et assumer cette stratégie.
Pour un site de e-commerce, il ne faut de toute façon pas aller se battre sur le créneau des prix face à Amazon et consorts. L'enjeu, c'est d'apporter de la valeur et se rappeler que sans marges, il n'y a pas de business."

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