Stéphane Rochon, Bordeaux Unitec : "Nous avons de très belles années devant nous"

Nommé à la tête de Bordeaux Unitec en octobre 2016 pour accélérer son développement, Stéphane Rochon fait le point pour La Tribune sur les résultats de l'année écoulée. Lui-même ancien entrepreneur, il explique sa stratégie pour aider les entreprises plus tôt, plus longtemps et diffuser en Nouvelle-Aquitaine le savoir-faire reconnu de cette technopole d’aide à la création d’entreprises innovantes qui met également au point le projet de d’accélérateur de startups lancé par la Région.
Stéphane Rochon a pris en octobre dernier la direction de Bordeaux Unitec à Pessac.

Quel est le bilan de Bordeaux Unitec en 2016 ?

L'année a été marquée par une très forte activité, avec un record de dossiers de demande d'accompagnement déposés, qui dépasse la barre des 100. Cette année, cela va au-delà, avec 43 dossiers déjà déposés au 1er avril. Il y a plusieurs choses qui expliquent ces chiffres. Nous enregistrons une croissance de 10 % à 15 % par an depuis 2012. Il y a 15 ans, aucun dossier ne concernait le numérique, aujourd'hui cela représente 50 % des dossiers que l'on accélère. Ce que démontre cette augmentation, c'est que la transition numérique est loin d'être finie, elle est très forte et encore en croissance. Ensuite les générations qui arrivent sont beaucoup plus entrepreneuriales que la génération précédente. C'est peut-être dû au rejet du marché du travail. Beaucoup de gens sont par ailleurs en transition, ils ont vécu une carrière, voient que dans la transition numérique leur groupe ou leur entreprise ne font pas l'effort et décident de prendre leur avenir en main. Enfin, il y a une attractivité bordelaise indéniable. Nous voyons arriver des gens de l'extérieur qui veulent s'installer dans la région. Ce sont quatre tendances qui expliquent ces volumes plus importants.
Depuis le début de l'année 2017, à +30 %, nous sentons une vague assez énorme, nous pensons que cela va continuer, c'est un mouvement de fond. Sachant qu'une grande majorité des métiers que nous exercerons plus tard n'existent pas encore, nous avons de très belles années devant nous.

Comment faites-vous le tri ?

Sur les 101 demandes déposées l'an dernier, 38 projets ont été sélectionnés. Nous avons un vrai processus d'analyse des demandes, un comité de sélection se réunit tous les lundis matin. Historiquement, nous avons toujours sélectionné 1/3 des dossiers. Les critères : que le projet soit innovant sur le plan de la technologie ou des usages ; notre perception de la qualité du projet de l'équipe ; voir si c'est en phase avec le marché, en général quelqu'un qui a une bonne idée, il ne l'a pas tout seul ; enfin, parce que Bordeaux Unitec fonctionne avec de l'argent public, notre objectif reste le développement économique et donc la création d'emplois sur le territoire, et pas seulement l'emploi du créateur.

Comment se répartissent ces dossiers ?

50 % concernent le numérique, 25 % les sciences de l'ingénieur (photonique-laser, matériaux-chimie, écotechnologies & technologies de l'énergie, NDLR), 25 % la santé, e-santé, molécules, biotechs. L'an dernier 85 projets et entreprises ont été accompagnés, c'est beaucoup, c'est même un record. Le numérique nécessite plutôt un an d'accompagnement alors que les biotechs par exemple plutôt 5 ans, la mise sur le marché étant beaucoup plus longue. Actuellement nous comptons 90 entreprises accompagnées.
Depuis le début nous avons accompagné 362 projets dont 324 en création. L'an dernier, 30 startups ont été créées.

En quoi consiste cet accompagnement ?

L'accompagnement, c'est apporter de l'expertise de l'incubation à l'amorçage sur 6 thématiques. Les équipes (quelles compétences), le marché (comment l'aborder), le financement, l'implantation, l'aspect réglementaire (protection de l'innovation, règles de mises sur le marché), la technologie elle-même.
Sur le financement, nous permettons à l'entreprise d'obtenir des prêts auprès de Bpifrance, du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, des banques. L'an dernier, 29 entreprises ont levé 5,29 M€ (hors investisseur) pour leur création. Concernant l'implantation, nous travaillons avec 17 sites d'hébergement conventionnés. Depuis le 1er avril, avec la loi Notre, la Ville de Pessac doit se désengager du développement économique et donc nous avons repris la gestion de sa pépinière (nous avons envoyé 100 entreprises là-bas sur les quelque 400 accompagnées depuis le début). Les autres sont à l'Enseirb, au FontauLab, au Village by CA, où 3 entreprises issues de notre accompagnement), etc.
Sur la technologie elle-même, nous avons un réseau d'experts : nous mettons en contact l'équipe projet avec des experts du milieu dans lequel ils travaillent pour voir si d'autres marchés ou d'autres synergies sont possibles.
C'est donc un accompagnement très important, qui mobilise 12 à 15 journées/homme par projet.
Nous proposons aussi de la mutualisation, avec 23 formations, rencontres et ateliers organisés l'an dernier sans oublier le forum national d'investissement Innovaday qui a rassemblée 600 participants l'an dernier avec de très belles réussites.

Quelles sont-elles ?

On peut citer Marbotic par exemple qui a levé 1,5 M€, dont un tiers a été trouvé lors d'Innovaday, c'est une entreprise que nous avons accompagnée depuis le début. On peut citer Invivox aussi entre autres. Sur les années 2015-2016, pour les entreprises sorties de l'accompagnement, les 10 plus grosses levées ont représenté 20 M€ ; il s'agit de levées de fonds privés.

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Quel est le taux de survie des entreprises ?

Sur les quelque 400 entreprises accompagnées depuis le début, le taux de survie de tous les projets est de 72 %, c'est énorme. A 5 ans, on doit être proche des 90 %. Nous faisons des plans de financement solides de manière à ce que l'entreprise puisse pivoter si besoin car parfois le marché ne répond pas de la manière qui était envisagée. Donc il faut pouvoir adapter le produit au marché si nécessaire. Nous avons cette conscience du risque, nous travaillons vraiment sur le financement.

Où en est le processus de fusion avec l'agence régionale du numérique AEC ?

AEC et Bordeaux Unitec travaillent déjà énormément ensemble sur de nombreux projets. C'est d'abord lié au renouveau de Bordeaux Unitec. Nous avons repris la pépinière de Pessac, nous n'avons pas l'expérience de cette gestion, AEC l'a avec l'Auberge numérique donc ils ont cette compétence d'animation et de gestion de lieu. La reprise de la pépinière s'est faite en très peu de temps grâce à AEC.
Ensuite nous avons d'autres projets liés à l'animation pour fusionner nos agendas de formation et de communication.
Par ailleurs, nous travaillons sur notre réseau social d'entreprises. Nous allons y mettre tous nos projets accompagnés, les infos de veille, les groupes de travail par thématiques, un agenda, etc. Ce sera une sorte d'extranet avec toutes nos infos à l'attention des projets et des entreprises accompagnées depuis le début.
Chacun va apporter sa brique pour faire un ensemble plus fort.
Nous travaillons enfin beaucoup sur la Cité numérique où nous allons monter un incubateur, une pépinière, un espace de coworking. Tout cela démontre que la fusion fait sens. Elle sera effective au 1er janvier 2018 sous la bannière Bordeaux Unitec, autour de 17 ou 18 personnes, avec un budget inférieur à 2 M€ quoi qu'il en soit puisque nous allons faire des économies d'échelle, le budget actuel de Bordeaux Unitec étant de 1 M€, celui d'AEC inférieure à 1 M€.

Quelle est votre stratégie de développement ?

Le premier axe est un axe vertical. Aujourd'hui Bordeaux Unitec accompagne les projets matures vers la création d'entreprises avec un accompagnement qui prend fin au bout d'un an. Notre stratégie est d'accompagner plus tôt et plus longtemps. AEC le fait déjà au stade de l'idée : elle démarre au point 0. La fusion avec AEC nous renforce dans la maturation du projet un peu en amont de ce que nous faisons. Ensuite, historiquement, Bordeaux Unitec arrêtait quand l'entreprise était sur les rails. Le but du réseau social d'entreprises est de garder le contact le plus longtemps possible avec l'entreprise accompagnée. L'idée est de garder le lien par rapport au nouveau projet de la Région sur l'accélérateur de startups. Nous allons nous adresser aux entreprises qui ont la possibilité de devenir des ETI. Nous parlons là d'accélérateur de business pour des entreprises qui réalisent déjà 1 M€ de chiffre d'affaires : comment je me renforce commercialement et internationalement. Cela va s'adresser à 5 à 10 entreprises par an. Nous allons accompagner les entreprises plus longtemps. Le but est de leur faire gagner 5 ans. Aujourd'hui nous travaillons sur la mise en place et la préfiguration de cet accélérateur qui sera lancé avant la fin de l'année. Ce sera un service dédié au sein de Bordeaux Unitec, qui accompagnera les entreprises pendant 18 mois.

Bordeaux Unitec qui était très bordelo-bordelais, va également s'ouvrir à la Nouvelle-Aquitaine. Par quels moyens ?

C'est le deuxième axe, qui concerne notre stratégie horizontale. Bordeaux Unitec a un savoir-faire reconnu depuis 27 ans : 100 % de nos demandes d'aide financière déposées ont été acceptées. Il serait dommage que ce savoir-faire ne soit pas partagé. Dans les nouveaux territoires de la Nouvelle-Aquitaine, il n'y a pas forcément de technopole qui propose les mêmes services. Donc nous sommes en train d'écrire un vade-mecum de notre accompagnement qui va permettre en fonction de la maturité d'un projet de mettre au point une boite à outils pour la technopole et le porteur de projet. Nous le diffuserons à qui voudra le prendre pour garantir que les financements soient obtenus avec le maximum de succès car nous ne pouvons pas nous démultiplier, même si Bordeaux Unitec s'ouvre à la Nouvelle-Aquitaine. C'est ce que nous avons commencé à faire avec La Banquiz (1er accélérateur français des startups numériques du logiciel et des technologies du libre, installé à Pessac, NDLR), lancée avec Aquinetic, puisque nous avons ouvert La Banquiz 2 à Pau. Donc cela montre que nous pouvons diffuser un concept. Il est important que le territoire soit équilibré.
Les entreprises accompagnées ont 3 à 4 fois plus de chances de survivre, il faut que cela se sache. C'est un risque d'entreprendre, certains y mettent leur santé, leurs économies, ce n'est pas idyllique, donc il faut faire en sorte que les entreprises aient tout en œuvre pour que cela réussisse. C'est génial à mettre en place, surtout quand on a vécu cela soi-même.

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