"Digital et agences bancaires ne s'opposent pas"

Confrontée à l'arrivée de nouveaux concurrents et acteurs, la banque ne peut rester la seule à dépendre de réglementations très contraignantes, a argumenté ce matin Jack Bouin, directeur général du Crédit agricole d'Aquitaine. Invité du Petit Déjeuner de La Tribune, le dirigeant a aussi livré son éclairage sur la financiarisation de l'économie, rappelé l'important poids économique de la caisse coopérative régionale, et indiqué quel sera le devenir de son siège actuel.
Jack Bouin, directeur général du Crédit agricole d'Aquitaine

Jack Bouin a un cursus atypique. Complètement autodidacte, il est entré au Crédit agricole le jour de ses 18 ans, avec un Bac en poche. Progressivement, il a gravi les échelons et fait "presque tous les métiers possibles dans une banque régionale". En 2013 il quitte le Finistère pour rejoindre Bordeaux où il assume depuis les fonctions de directeur général du Crédit agricole d'Aquitaine. Jack Bouin est également premier vice-président de la Fédération nationale du Crédit agricole. Il était ce matin invité du Petit Déjeuner de La Tribune Bordeaux, interrogé par notre journaliste Jean-Philippe Déjean dans les locaux du Village by CA. Morceaux choisis.

Le poids économique du Crédit agricole d'Aquitaine

"Notre banque coopérative couvre la Gironde, les Landes, le Lot-et-Garonne et un tout petit bout du Gers. Nous comptons plus de 900.000 clients, un chiffre en progression. Le Crédit agricole d'Aquitaine emploie 2.600 salariés et est le premier financeur de l'économie régionale. Notre produit net bancaire, l'équivalent du chiffre d'affaires pour une banque, était de 550 M€ l'an passé. Nous gérons 17 milliards d'euros d'encours de crédits et 23 milliards d'encours d'épargne.
C'est important de le rappeler : le Crédit agricole d'Aquitaine est une banque coopérative. Nous ne sommes donc pas dans un modèle de rémunération des actionnaires : tous les résultats, nous les conservons pour investir au profit de l'économie."

La stratégie de développement

"Les encours de crédits ont progressé de 7 % en 2016 et les encours d'épargne de 5 %. Nous avons pris des parts de marché mais il reste encore du potentiel. Dans les Landes notre part de marché tourne autour de 35 à 40 %, elle n'est que de 20 % en Gironde notamment parce qu'elle n'est que de 12 % environ à Bordeaux. C'est historique : le Crédit agricole est né en campagne et jusqu'à il y a quelques années, il n'était pas possible pour nous d'intervenir en ville. Nous portons un projet de développement fort sur la métropole bordelaise et y implantons de nouvelles agences.
Pour le reste, nous sommes le premier banquier de l'agriculture, de la viticulture, de l'activité forestière. Nous accélérons dans le secteur de la mer et sur d'autres filières telles que l'aéronautique, le numérique, la santé et le bien-vieillir, le tourisme également."

Le contexte économique

"Il est encourageant. Entre caisses, nous comparons nos données et il est clair que notre région bénéficie d'une dynamique positive. Les affaires vont de mieux en mieux et se font plus vite. La confiance et l'investissement reviennent."

Les agences suspendues aux comportements des clients

Numérique et agences

"L'évolution de la consommation des clients est passionnante. Que ce soit pour acheter une paire de chaussures ou pour une maison, vous passez maintenant presque systématiquement par Internet, au moins pour vous renseigner. Les modes de consommation évoluent et de nouveaux concurrents apparaissent. Sur le numérique, nous n'avons pas attendu pour nous y impliquer. L'application mobile Ma banque du Crédit agricole, ce sont 6 millions de téléchargements. La banque mobile, on le fait depuis des années, d'ici fin 2018 tous nos produits pourront être souscrits en ligne, mais on a le conseiller en plus. Concernant cette nouvelle concurrence des banques « pure players » mobiles, j'attends qu'on m'explique comment elles examinent et gèrent, sans conseillers, les dossiers de crédits compliqués ou les aléas, les étapes de la vie de leurs clients. Ce n'est pas un hasard si 70 % des jeunes qui créent un compte chez nous ou portent un projet souhaitent avoir un contact dédié.
Ce n'est pas le digital d'un côté et l'agence bancaire de l'autre, c'est le digital qui doit entrer dans l'agence. Les deux ne s'opposent pas mais se renforcent. Je ne dis pas que nous ne fermerons pas d'agences dans le futur, je dis que ce n'est pas notre choix a priori. On ne le fera que si les clients n'y viennent plus assez nombreux. Je le dis très clairement : si notre clientèle bascule vers un autre modèle, cela nous conduira à fermer des agences et il n'y aura pas de marche arrière possible, ce sera fini."

La concurrence

"On suit de près les fintechs et parfois on les accompagne car elles peuvent avoir du sens et de l'intérêt avec de bonnes idées. Il y a toute une variété d'acteurs. Compte Nickel par exemple, c'est un teneur de compte sans être une banque. Orange Bank, ce sera une banque. Et je n'oublie pas les modèles participatifs, le crowdfunding. En revanche, j'alerte sur un point. La banque est hyper réglementée et je ne suis pas contre ça. Les réglementations nous demandent d'avoir un matelas de sécurité important qui protège l'épargnant et le régulateur souhaite aussi protéger le contribuable qui peut être appelé, comme ce fut le cas avec le Crédit lyonnais. Donc je ne suis pas contre toutes ces règles mais à condition qu'elles soient les mêmes pour tous.
Je m'interroge aussi sur la question de la sécurisation des données. Chaque année, le Crédit agricole investit 100 M€ par an sur ce sujet. Demain, nous allons devoir fournir des données bancaires à des opérateurs fintechs, les agrégateurs de comptes. Je demande à voir quels systèmes de sécurité seront mis en place par ces acteurs."

Quel avenir pour le siège actuel ?

Sur la financiarisation de l'économie

"Je ne voudrais pas que la réglementation, avec un excès de protection des fonds propres des banques, mobilise tant de capitaux qu'elle nous empêchera de financer l'économie et que cela conduise les entreprises à aller chercher ce dont elles ont besoin sur les marchés financiers. En période de crise, on a vu que le modèle anglo-saxon n'est pas le plus stable. Sur les marchés financiers, on regarde avant tout comment l'investisseur sera rémunéré. Le modèle bancaire a une logique différente. Aux Etats-Unis, 70 % de l'économie est financée par les marchés, 30 % par les banques. En Europe nous étions à 20 % contre 80 % pour les banques, le ratio est arrivé à 40 % contre 60 %. 70 % de l'économie française est financée par les banques coopératives : si ça ne marchait pas, ça se saurait."

Sur le futur siège de la caisse régionale à Bordeaux

"Notre siège, sur le boulevard Wilson à Bordeaux, occupe des locaux vétustes qui ont 45 ans. Nous avons étudié deux options. En rénovant, nous aurions fait quelque chose de moyen, pas forcément adapté. Construire un nouveau siège ne nous coûtait pas beaucoup plus cher. Après en avoir discuté avec nos équipes, nous avons choisi de l'installer dans le quartier des Bassins à flot, pas très éloigné. Notre siège actuel sera destiné à faire du logement. Ce sera du résidentiel soit fait par nous-même, soit nous le vendrons, peut-être en partie seulement. L'immeuble sera rénové ou alors rasé, mais si c'est le cas le plan local d'urbanisme ne permettra de reconstruire à mi-hauteur."

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