"Bordeaux est une ville-clé pour Deliveroo"

Présente depuis un an et demi à Bordeaux, la startup de livraison de repas à domicile Deliveroo place Bordeaux dans le peloton de tête des villes où elle se développe le plus vite. Son general manager France, Hugues Décosse, annonce l'extension de son service à d'autres villes voisines. Il évoque plus largement, dans cet entretien accordé à La Tribune, l'épineuse question des conditions de travail des livreurs à vélo, leur profil-type, et les perspectives du marché sur lequel Deliveroo est positionnée.
Deliveroo travaille avec un millier de livreurs à Bordeaux.

Deliveroo est active à Bordeaux depuis 1 an et demi et elle y a installé son siège pour le Sud-Ouest. Quel regard portez-vous sur votre activité bordelaise ?

"Pour nous, c'est une ville-clé. En un an, nous y avons multiplié notre nombre de commandes sur notre plateforme par cinq et nous travaillons aujourd'hui avec un millier de coursiers et 200 restaurants partenaires. Nous allons prochainement étendre notre service de livraison au Bouscat, à Caudéran, à Bruges, à Pessac, à Talence, à Bègles et à Mérignac. Nous étions déjà présents sur ces villes mais où nous allons bientôt couvrir la majorité de leurs territoires.
Bordeaux se situe dans le peloton de tête des villes françaises où nous nous développons le plus rapidement. Cette place s'explique par plusieurs facteurs : la densité de l'offre de restaurants, très importante, la culture gastronomique qui y règne, le fort renouvellement des établissements ces dernières années et la création de nouveaux concepts, et bien sûr le pouvoir d'achat des Bordelais."

Vous aviez testé les livraisons au bord de la plage à Arcachon l'été dernier. Allez-vous reconduire cette opération ?

"La décision n'a pas été prise. Nous allons peut-être plutôt concentrer prioritairement notre développement sur les villes où nous sommes présents à temps plein, 17 à ce jour, et sur celles que nous allons ouvrir à temps plein également."

Quelle est votre positionnement vis-à-vis des restaurants que vous avez en portefeuille ?

"Nous en avons 200 à Bordeaux, 3.000 en France. Nous ne sommes pas dans une logique de croissance tous azimuts mais nous voulons nous focaliser sur la qualité. C'est pour cela que nous demandons aux clients de noter les restaurants, même si nous ne rendons pas publiques ces notes, et c'est pour cela que sur 100 demandes entrantes de restaurants souhaitant devenir partenaire, nous n'en retenons que 7. La demande est forte et dans des villes comme Bordeaux, nous ne sommes quasiment plus dans une logique de démarchage."

"70 % de nos livreurs sont étudiants"

Précisément, quels sont les retours des restaurateurs sur votre service ?

"L'étude Harris Interactive réalisée en décembre 2016 montre que 82 % des restaurants ont augmenté significativement leur chiffre d'affaires, de l'ordre de 10 à 30 %. Parallèlement, l'hôtellerie-restauration dans son ensemble annonce plutôt un recul de 6 % en 2016. 39 % des restaurateurs disent avoir réalisé une ou plusieurs embauches grâce aux revenus générés par Deliveroo et 88 % estiment que leur présence sur notre plateforme leur a apporté de nouveaux clients. Et enfin 4 % ont ouvert un nouveau restaurant, ou un laboratoire spécifiquement dédié à la livraison."

Vous n'êtes pas sans savoir que la première section syndicale de France dédiée aux coursiers à vélo s'est créée à Bordeaux, sous la houlette de la CGT. Comment jugez-vous cette initiative ?

"Que des mouvements se créent, c'est de mon point de vue positif car cela nous donne un partenaire avec qui discuter, à condition qu'il soit représentatif des livreurs."

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Les fondateurs de cette section CGT soulèvent notamment deux points. Le premier est qu'ils souhaitent "pérenniser ce métier" de livreur. Peut-on justement parler de métier ? Quel est leur profil-type ?

"93 % de nos livreurs affirment que cette activité représente un moyen efficace de compléter leurs revenus sans contrainte horaire. A Bordeaux, sur notre millier de coursiers, 70 % sont étudiants et leur très grande majorité n'envisage pas cette activité comme une carrière potentielle. 14 % de nos livreurs sont salariés à côté, 35 % sont des slashers en recherche de petits boulots. Moins de 2 % font plus de 35 heures par semaine. Les profils sont très variés : nous avons par exemple à Bordeaux un rugbyman professionnel mais aussi une personne âgée de 55 ans."

Autre dossier sur lequel la section syndicale en question porte des récriminations, celle de la rémunération et celle des primes intempéries et week-end qui ont fondu...

"Nos livreurs perçoivent en moyenne 16 € par heure en période de pointe. Une fois les charges déduites, nous arrivons à 12 / 13 € bruts par heure. Et aujourd'hui, le nombre de commandes augmente plus vite que le nombre de livreurs, donc leur chiffre d'affaires a tendance à augmenter.
Concernant les primes, oui, nous avons durci les conditions. Quand on se lance dans une nouvelle ville, on garantit aux livreurs un niveau de commandes. Quand l'activité se développe et que le chiffre d'affaires augmente, une prime week-end de 50 € de ce type n'a plus de sens."

"Pas de place pour un nouvel entrant"

Ces mêmes livreurs peuvent travailler pour plusieurs plateformes. Leur fidélisation est-elle un enjeu pour vous ?

"Oui, la fidélisation a de l'importance. Je considère que Deliveroo a une responsabilité sociétale. Nous avons d'ailleurs une équipe dédiée qui négocie pour eux des partenariats avec des réparateurs de vélo, des fournisseurs de pièces détachées, des restaurants chez qui ils bénéficient de réduction après leur shift... Nous leur offrons aussi l'assurance responsabilité civile."

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Y a-t-il de la place pour un nouvel entrant sur votre marché ?

"A terme, je ne pense pas qu'il y en ait pour plus de 4 ou 5 acteurs maximum, et encore. Il y aura très certainement de la spécialisation."

Un projet de cuisines en marque blanche dans les zones moins denses en restaurants

Quels sont désormais vos enjeux pour continuer à croître ?

"L'un des principaux est notre taux de pénétration. Aujourd'hui nous pouvons considérer que nous couvrons en France un bassin d'environ 10 millions de personnes, autour de 300.000 à Bordeaux. Toutes ces personnes n'ont pas encore le réflexe de faire appel à notre service, qui est encore jeune, il faut le rappeler. Nous travaillons aussi sur les zones où la densité de restaurants est insuffisante pour nous comme pour les livreurs. Nous avons pour projet de créer dans ces zones souvent pavillonnaires des cuisines partagées en marque blanche où les chefs envoyés par nos restaurants partenaires pourraient s'installer, accueillant ainsi 3, 4 ou 5 établissements. L'infrastructure, l'installation, la location du lieu serait à nos frais. Pour les restaurants, ce serait l'opportunité de prendre moins de risques. Nous allons déployer ce projet en 2017, en commençant par Paris."

Prévoyez-vous d'autres ouvertures de villes en France ?

"Nous venons d'ouvrir Tours et Reims. Le calendrier futur n'est pas arrêté mais nos process font que tout peut se décider vite, en un mois. Nous sommes en hypercroissance et ne voulons donc pas nous disperser."

A Bordeaux c'est le dimanche que votre activité est la plus forte. Comment l'expliquez-vous ?

"Par la flemme du dimanche soir, le frigo vide au retour du week-end, l'envie de se faire plaisir avec de reprendre le travail le lundi matin, et aussi parce que peu de restaurants sont ouverts le dimanche soir et qu'il est plus difficile de sortir."

Vous considérez-vous comme un membre de la mouvance foodtech ?

"Pas vraiment. Deliveroo est plus « servicielle » que technologique, même si nous embauchons cette année 300 ingénieurs au siège à Londres. Notre âme, c'est la livraison de nourriture, qui n'est pas une livraison comme une autre."

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Commentaire 1
à écrit le 22/04/2017 à 5:57
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vos livreurs qui roulent comme des dingues et qui brulent les feux ça ne vous dérange pas ? on verra quand ils auront un accident, ils sont dangereux même pour les piétons

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