Bordeaux/Port : pourquoi la “bataille” du Verdon ne fait que des perdants

Annoncé il y a trois ans, le redémarrage du terminal conteneurs du Verdon est au point mort. Trois “victimes” sont à déplorer : d’abord la société qui devait l’exploiter, SMPA, en très grande difficulté aujourd’hui, le port ensuite qui voit son trafic s’éroder depuis des années et enfin le tissu industriel et commercial local qui paie cher le déficit de services maritimes et portuaires...
Les images sont trompeuses, le terminal conteneurs du Verdon est au point mort... trois ans après l'annonce de sa relance.

Pour le moment le port est muet sur le sujet mais pas Pascal Reyne, PDG et actionnaire de SMPA, société créée de toutes pièces en 2015 pour exploiter le terminal conteneur du Verdon, propriété du Grand Port maritime de Bordeaux.
Ce terminal qui devait sortir de l'inactivité dès 2014 avec l'attribution de la licence d'exploitation de l'installation à Europorte, filiale d'Eurotunnel, est toujours au point mort.
Le moins que l'on puisse dire ce que cela ne fait pas du tout les affaires de Pascal Reyne et de son entreprise ballotée par les aléas, nombreux, qui rythment ce dossier d'infrastructure pourtant jugé capital d'un point de vue stratégique par le port de Bordeaux qui voit son trafic chuter depuis plus de dix ans.

Un projet soumis à une succession de douches froides

Pour mémoire, la Société de manutention portuaire d'Aquitaine (SMPA) a été choisie et soutenue initialement par Europorte en 2015, pour exploiter l'installation. SMPA a investi 10 M€ dans l'outil portuaire (portiques, grues, engins de manutention...) avant d'être lâchée au milieu du gué mi-2016 par la filiale d'Eurotunnel qui décidait finalement de renoncer au projet.
Fin du projet ? Non, juste une première douche froide pour la société SMPA qui venait, au passage, de voir aboutir un an et demi de discussions et négociations avec les syndicats pour finaliser les contrats de mise à disposition des dockers, et venait aussi d'achever les premières formations. En effet, en septembre 2016, à l'issue d'une mission ratée de médiation demandée par le ministère des Transports, le Grand Port maritime de Bordeaux décide de confier la régie du projet et l'exploitation du terminal conteneur à SMPA.
Fin des aléas ? Non plus, puisqu'à la demande de l'opérateur Sea Invest, le tribunal administratif de Bordeaux annule le contrat de mise en régie...

"Dans cette histoire, la plus rocambolesque que j'ai jamais rencontrée en vingt ans de présence dans la filière, j'ai dû, dès le départ, tout supporter seul. Les investissements, bien sûr, mais aussi, plus récemment, les licenciements des 8 personnes recrutées pour piloter le projet et le terminal", regrette Pascal Reyne.

Un dirigeant qui a du mal à digérer les mots de Sea Invest à l'annonce de l'annulation de la mise en régie par le tribunal de commerce de Bordeaux. Annulation demandée par Sea Invest et... Europorte.

"Sea Invest dit ne pas s'opposer au redéploiement d'une activité au Verdon... Je suis dubitatif car Sea Invest a exploité le Verdon pendant dix ans sans rien faire pour développer le trafic conteneurs. Au point d'ailleurs que le Port de Bordeaux lui a retiré sa licence d'exploitation en 2013", rappelle le dirigeant.

De fait, depuis 2014, l'opérateur Sea Invest a concentré toute l'activité conteneurs sur les installations de Bassens.

"90 % du trafic marchandise, hors pétrole, est sous le contrôle de Sea Invest. Je doute qu'ils aient envie de voir un opérateur venir les challenger. Dans le fond, ils n'avaient d'autres choix que de contester ce contrat puisque nos tarifs sont moins élevés, nos moyens techniques sont supérieurs et notre capacité de développement plus importante", affirme Pascal Reyne.

Si de son côté Sea Invest préfère parler de 34 % du vrac solide, de la totalité du trafic conteneurs (62.718 conteneurs/an) et de 7 % des vracs liquides pour décrire l'empreinte de son activité bordelaise, une source informée sur l'activité portuaire bordelaise confirme la position quasi monopolistique de Sea Invest dans le trafic, hors pétrole, du port.

"Ce monopole relève de la responsabilité d'un port d'Etat qui doit normalement éviter ce type de situation en régulant l'activité pour préserver l'intérêt général. La position de Sea Invest est unique à mes yeux, je n'ai vu cela que dans des ports privés, en UK par exemple. A Bordeaux, on peut dire que c'est un acteur privé qui contrôle le port et concentre tout le bénéfice des investissements publics...", glisse le dirigeant de SMPA.

SMPA n'a pas encore jeté l'éponge

S'il a dû libérer le personnel recruté, le dirigeant n'a pas jeté l'éponge.

"Je reste propriétaire des actifs du terminal et je suis prêt, si la libre concurrence est assurée, à relever le défi d'un nouvel appel d'offres pour désigner un nouveau régisseur. Ce que je sais grâce à l'étude de marché que nous avons réalisée, c'est que nous pouvons, depuis le Verdon, multiplier par 3 le trafic conteneurs du port de Bordeaux. Nous avons beaucoup d'avantages à développer ce terminal car il évite les remontées et descentes de la Gironde. Sa capacité d'accueil de navires est plus importante qu'à Bassens, et nous pouvons y travailler un navire deux fois plus vite. De grands acteurs du transport de conteneurs se sont montrés intéressés par sa mise en service."

Pas sûr que les arguments de SMPA soient du goût de Sea Invest, mais le fait est qu'en attendant, le port de Bordeaux réalise désormais un trafic digne d'un port... fluvial, loin, très loin, des performances des principaux ports maritimes français dont il devrait faire partie, loin aussi  de la montée en puissance du port de La Rochelle qui profite à plein, vraisemblablement du trou d'air dans lequel se trouve le projet bordelais TCSO (Terminal Conteneurs du Sud-Ouest).

Bordeaux : un port condamné à rester à quai ?

La relance de ce terminal du Verdon est sans doute une des seules chances qu'il reste à Bordeaux de s'arracher à la dernière place du classement des ports maritimes français en termes de trafic.
Le Grand Port maritime de Bordeaux ne peut à ce jour pas accorder d'autorisation temporaire permettant de légitimer la présence de SMPA au Verdon, tout comme, a priori, il ne peut respecter son engagement de fermeture de l'activité conteneurs de Bassens.
En attendant, les dernières statistiques montrent que l'activité conteneur a encore chuté en 2016, de 5,4 % par rapport à 2015 (58.569 conteneurs entrée et sortie/pleins et vides) et elle est nettement en dessous des performances des ports fluviaux que sont Strasbourg, Paris et Lyon. Une situation qui, au regard du dynamisme socioéconomique de la métropole bordelaise ces dernières années, ne peut se justifier que par les limites actuelles du fonctionnement du port de Bordeaux.
Une situation enfin qui n'est pas sans conséquences non plus pour les acteurs économiques locaux, notamment ceux des secteurs import/export. En effet, le convoyage d'un container par camion de Bordeaux au Havre coûte en moyenne 800 euros. C'est au moins 300 euros de plus que le coût du même trajet par la mer...

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Commentaires 7
à écrit le 07/06/2018 à 23:38
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article pas claire et complètement différent de ceux lu dans d'autres journaux.

à écrit le 20/01/2017 à 14:17
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Etonnant que SEA Invest, opposant majeur du projet, veuille en devenir l'acteur. Qu'est ce que cela cache? il veut le tuer définitivement? Dommage que les considérations partisanes l'emporte sur l'intérêt général. C'est un beau projet attentio...

à écrit le 13/01/2017 à 12:18
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Comme toujours je suis très étonnée de lire que tout cela est possible. Ne me dites pas que l'état, le département ou quiconque dans la politique ait envie de développer le Verdon. Ils prennent des gens pour de nuls, normal que l'économie française n...

à écrit le 05/01/2017 à 15:44
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Période de bonnes résolutions: que tous les gars du monde se donnent la main , et qu'il n y ait pas de mains en trop. Une pensée pour l'actionnaire bien sur , mais aussi une pensée pour le personnel qui croyait en ce projet , et espérait participer a...

à écrit le 04/01/2017 à 16:17
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"...puisque nos tarifs sont moins élevés......et nous pouvons y travailler un navire deux fois plus vite........" euhhhh, pas si sûr....

à écrit le 04/01/2017 à 13:54
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Tout cela me fait penser au contexte de la basse Seine, quand le lobby rouennais préfère depuis des lustres favoriser le port d'Anvers en empêchant le désenclavement ferroviaire du port, et de la ville, du Havre, vers le sud et l'ouest, par un franch...

à écrit le 03/01/2017 à 16:13
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Toujours cette hégémonie du transport routier, quand allons nous enfin taxer cette hérésie bon sang !? Que le port de Bordeaux soit moribond de la sorte est injustifiable. Quand allons nous enfin passer à une économie du 3ème millénaire ?

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