"Si on se mettait en grève, 90 % de la construction s'arrêterait : pas mal pour une profession méconnue"

Avec cette tirade, le Bordelais Bertrand Carret ne menace personne. Mais le nouveau président de la Fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs (DLR) de matériels de BTP constate que cette filière pèse lourd et entend désormais le faire savoir. Entretien à bâtons rompus.
Bertrand Carret, nouveau président de la Fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs (DLR) de matériels de BTP

Vous venez d'être élu président de la Fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs (DLR) de matériels de BTP pour un mandat de deux ans, reconductible une fois. Quel est votre parcours ?

"Sud de co Marseille, devenu Kedge, puis l'Institut des affaires d'Aix-en-Provence pour les études. J'ai ensuite été cadre pour plusieurs grands groupes, Esso France, Sodexo... Issu d'une famille d'entrepreneurs, à 40 ans j'ai considéré que je préférais travailler dans un petit chez-moi plutôt que dans un grand chez-les-autres. J'ai donc recherché une entreprise en BtoB à reprendre et je l'ai trouvée avec Rentforce à Bordeaux, où je suis arrivé en 1999. Rentforce est positionné sur la location de camions, nacelles et matériel BTP mais aussi sur la location de véhicules de tourisme et utilitaires à travers la marque Leader Rent. Le groupe réalise un chiffre d'affaires consolidé approchant les 10 M€ et emploie une petite cinquantaine de personnes dans une douzaine d'agences. Parallèlement, je me suis impliqué dans la Fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs (DLR) de matériels de BTP."

Comment voyez-vous le marché de la DLR de matériel de BTP évoluer, et quel est son avenir ?

"Sur le marché de la location BtoC, on a vu ces dernières années le covoiturage prendre de l'importance et la grande distribution investir ce segment, si bien que les loueurs dans les villes sont un peu pénalisés par ces nouveaux entrants. C'est une tendance que nous, acteurs du BtoB, suivons de près. Pour l'instant, nous en sommes préservés mais les choses évoluent. Nous voyons par exemple SuperU qui teste la location de ce type de matériel de BTP. Il est probable qu'ils se rendront compte assez vite que, autant les véhicules de tourisme et les utilitaires se rapprochent de leurs métiers avec le parking, la pompe à essence... autant ce sera plus compliqué quand ils verront une mini-pelle revenir couverte de boue et avec une chenille cassée. Quant au monde numérique, il se développe à grande vitesse et on pourrait voir apparaître par exemple des portails comparatifs. Loxam, Kiloutou et consorts surveillent tout cela de près, d'autant plus que les prix ont baissé ces dix dernières années."

Comment expliquez-vous cette chute des prix ?

"Premièrement, par une offre supérieure à la demande. En second lieu, parce qu'il existe de moins de moins de PME familiales dans le BTP et que les grands groupes ont pris la main. Ces derniers ont installé des acheteurs issus de la grande distribution qui ne voient que la question du prix, au détriment de l'opérationnel. Clairement, le BTP n'est pas engagé dans une spirale vertueuse. Les grande donneurs d'ordre cassent les prix pour obtenir les marchés et répercutent sur le reste de la chaîne, ce qui aboutit à une baisse des tarifs et à des conditions de qualité, de sécurité, d'organisation... dégradées."

Quels sont vos objectifs en tant que nouveau président de la Fédération nationale des distributeurs, loueurs et réparateurs (DLR) de matériels de BTP ?

"Le premier sujet, c'est d'agrandir la famille en faisant en sorte que d'autres professions nous rejoignent, les loueurs de grue, les loueurs et distributeurs de modulaires par exemple. Nous préférons construire une grande fédération sur nos bases actuelles qu'en rejoindre une autre, et se voir imposer la convention collective d'un autre métier. Le 2e sujet est de mieux communiquer et de le faire sur notre profession commune, la location et la distribution, plutôt que sur la bannière DLR, qui parle moins mais que nous conserverons néanmoins.
Nous devons aussi aller faire du lobbying pour nous faire connaître et reconnaître. Un exemple : aujourd'hui, dans un contexte de baisse des dotations dans les villes, les municipalités récupèrent 20 % de la TVA lorsqu'elles achètent du matériel de BTP, grâce à un fonds de compensation pour la TVA. Je dis aux maires : louez, cela vous coûtera moins cher et vous étalerez votre dette. Mais ils n'ont pas le droit de récupérer la TVA s'ils font appel à nous ! Cela, les sénateur et les députés ne le savent pas, c'est pourquoi nous demandons à intégrer ce fonds de dotation TVA.
Nous devons faire comprendre que les DLR sont des acteurs majeurs des chantiers. Si nous faisions grève, 90 % des chantiers s'arrêteraient. Ce n'est pas mal pour une profession inconnue ! Nous créons des emplois non délocalisables, nous menons de très gros investissements, à nous de le faire savoir et de faire en sorte que les grands du BTP respectent les loueurs et distributeurs, plutôt qu'en faire une variable d'ajustement parfois brutale."

---

Une conjoncture difficile

Le bilan 2015 de la Fédération des DLR, réalisé avec le cabinet Asterès, fait ressortir "une année noire pour les acteurs du marché de la distribution de matériels de BTP. Le secteur a connu sa plus forte baisse d'activités en 7 ans (-10 %)" avec un chiffre d'affaires s'établissant à 4,1 milliards d'euros. Le marché de la location est, lui, en recul de 3 % à 3,58 Md€. La situation semble toutefois s'améliorer ces derniers mois. La manutention est le seul secteur dont l'activité a progressé en 2015 (+2%) avec un CA de 1,81 Md€.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 14/04/2016 à 20:32
Signaler
eh bien, mettez-vous en grève ! Ne serait-ce que pour faire savoir aux traîne-savates que la grève n'est pas leur monopole !

à écrit le 14/04/2016 à 18:25
Signaler
allez les gars, une bonne greve, qu'on rigole! c'est sur, ca en fera rire certains bcp moins que quand la cgt bloque le pays, mais pour une fois je pense qu'une greve illimitee, ca peut etre drole...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.