eDevice : aux USA le boss de la santé connectée est français

C’est sans doute parce qu’elle est arrivée trop tôt (1999) dans l’internet des objets que la société bordelaise eDevice a failli mourir en 2008. Mais c’est aussi parce qu’elle était arrivée très tôt sur ce qui n’était pas encore un marché, qu’elle a pu devenir un champion de la santé connectée aux USA et une des 100 PME les plus rentables de France avec un taux de croissance annuel à trois chiffres.
Pionnier français de l'internet des objets (Iot), c'est aux USA et via la santé connectée que eDevice est devenu un champion technologique et économique du secteur.

Une "near death experience", en bon français on dit : une expérience de la mort imminente. C'est ce qu'aime à évoquer Marc Berrebi quand il retrace brièvement le parcours de la société qu'il a créée en 1999 avec son associé Stéphane Schinazi, à Mérignac, près de Bordeaux.

Difficile de croire, au regard de ce qu'est devenue la société eDevice, qu'il a 10 ans tout aurait pu s'achever par une faillite. Pourtant tout commence bien quand, au début des années 2000, la société bordelaise lève 15 M€ autour d'une promesse : l'avènement de l'internet des objets.

"Une promesse non tenue parce que nous sommes arrivés en défricheur d'un marché... qui n'existait pas" reconnaît Marc Berrebi.

Si son expertise unique bluffe les investisseurs, ces derniers vont quand même s'user en attendant les premiers contrats.

"Il fallait les comprendre. Notre technologie était séduisante, mais le marché, lui, ne comprenait pas l'intérêt de faire en sorte que les objets communiquent et transmettent des données entre eux..."

2004 voit la première sortie d'investisseurs, 2008 la seconde et dernière...
Dans le même temps, Edelia, filiale d'EDF, et principal client de eDevice, met fin, sans préavis, à un accord technologique portant sur le compteur connecté qu'elle venait pourtant de finaliser avec eDevice huit jours plus tôt (NDLR : eDevice vient tout juste de gagner le procès qui l'opposait depuis à Edelia). "Techniquement, c'était fini pour nous", résume Marc Berrebi.

Une avance technologique consacrée par les USA

En fait, techniquement eDevice est au top, et c'est le marché nord américain naissant de la santé connectée qui va s'en rendre compte le premier. Un juste retour des choses finalement, car c'est en se rencontrant à New York que Marc Berrebi et Stéphane Schinazi avaient créé eDevice en 99.

Alors que la société travaille déjà pour Honeywell Medical, c'est le leader mondial du pacemaker, un autre américain, Medtronic, qui va définitivement changer le destin d'eDevice. Anticipant les besoins de connexion de ses équipements installés sur des patients et nécessitant une surveillance régulière, Medtronic lance un appel d'offre international sur cette question de l'échange de données de machine à machine...

"Quand nous avons répondu avec l'objet qui fonctionnait et que nous avions directement développé à Mérignac, nous avons fait la différence par rapport à la concurrence qui n'en était qu'à la présentation de projets" se souvient Marc Berrebi qui se rappelle aussi que pour la responsable américaine du projet, Shanti Ramakrishnan, le "fait d'être tout petit face à des géants, et français face à des concurrents américains, tout en n'étant pas forcément les moins chers, n'a posé aucun problème. Ils voulaient une solution fiable, et nous, fort de notre expérience qui avait failli nous coûter notre tête, nous savions la fournir."

Dès lors, le secteur US de la santé connectée leur ouvre ses bras. Après ce contrat majeur, d'autres ont suivi.

Marc Berrebi eDevice

Marc Berrebi, cofondateur de eDevice

Croissance à... trois chiffres cette année

"Désormais 300.000 patients connectés sont porteurs de notre technologie. Nous réalisons 99% de notre CA aux USA, nous parlons, écrivons, communiquons en anglais, nous sommes une société américaine à Mérignac, sous statut juridique français !" résume Marc Berrebi.

Une société qui compte 29 salariés, dont 25 à Mérignac près de Bordeaux. Des représentations commerciales à Milwaukee, Tel Aviv et à Genève, qui a réalisé 19 M€ de chiffre d'affaires en 2015 (99,7% à l'export, 80% aux USA) avec une croissance de 150% entre 2014 et 2015. Un rythme de croissance qui va s'accélérer cette année.

"Nous allons encore connaître une croissance à trois chiffres, promet le dirigeant. Nous allons réaliser 50 M€ de CA cette année et devoir nous renforcer en France, avec de nouveaux ingénieurs, des techniciens, des fonctions support, mais aussi à l'étranger avec des fonctions commerciales et marketing. Nous allons doubler de taille d'ici 2017", ajoute Marc Berrebi.

Dix ans après être revenue de nulle part ou presque, eDevice, qui est désormais détenue à 100% par son management, figure dans le palmarès Manageo des 100 PME les plus rentables de France, à la 82e place.

La techno au service de la vie

La technologie avant-gardiste d'eDevice a trouvé, aux USA, les applications médicales qui portent son activité.

"Notre technologie permet de suivre les patients malades, d'améliorer leurs conditions de vie, de prolonger leur vie en surveillant en permanence leurs constantes, l'évolution de leur maladie. Ce marché est extrêmement porteur en Amérique du Nord ou nous sommes considéré comme un acteur technologique majeur de ce que l'on appelle ici la silver économie," aime à rappeler Marc Berrebi.

La plus américaine des sociétés bordelaises s'est imposée aux USA et pourrait se contenter de ce marché prometteur qui a, selon tous les spécialistes, plus de 20 ans de croissance devant lui, mais elle n'a pas renoncé à s'imposer en France où sa notoriété est infiniment plus faible qu'outre-Atlantique.

Pour cela, elle planche sur un produit de suivi complet des patients, une solution de "Remote Patient Monitoring" favorisant le maintien à domicile des patients. Un produit estampillé eDevice qui reliera les patients, leurs proches et leur médecin, qui devrait être commercialisé à partir de 2017. eDevice compte adresser le marché français voire européen avec ce produit innovant.

Opérations de croissance externe à l'étude

"Nous sommes persuadés que, comme aux USA, nos technologies qui sont fondamentalement bonnes, puisqu'elles sont au service de la vie, grâce à des pacemakers, des pompes à insuline... intelligents qui finiront par s'imposer, chez nous en France et en Europe, analyse Marc Berrebi. Pour cela, il faudrait que notre pays change un peu d'approche concernant la santé connectée. Nous en sommes encore aux tests sur des centaines de patients... C'est bien, mais il faudrait aussi considérer l'expérience américaine comme un formidable laboratoire qui a validé, depuis longtemps, le modèle en matière de suivi à distance des patients..." regrette celui qui travaille avec les quatre leaders mondiaux du suivi à distance des patients, mais n'a que trois partenaires en France : Orange Healtcare, Bouygues telecom et LivaNova (ex Sorin) ce dernier étant, à ce jour, son seul client hexagonal.

"C'est à se demander comment les grands groupes français s'occupent vraiment de l'innovation. Certes, l'effet French Tech change un peu la donne, mais on a beaucoup de retard sur la question par rapport aux USA" ajoute Marc Berrebi.

En attendant, la société qu'il co-dirige avec Stéphane Schinazi réfléchit sérieusement à des opérations de croissance externe pour élargir encore son champ d'expertise et favoriser la diffusion à l'export de l'innovation française.

"En France, il y a beaucoup de petites startups qui développent de très bonnes idées mais n'ont pas forcément accès aux marchés export. Nous avons des clés pour les marchés US, il ne nous reste plus qu'à identifier les entreprises que nous pourrons accompagner sur ces marchés."

eDevice

C'est depuis son siège social de Mérignac, près de Bordeaux, qu'eDevice développe son activité quasi essentiellement concentrée sur l'Amérique du Nord.

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