Keolis : les dessous de la "bataille" de Bordeaux

Keolis Bordeaux vient de se voir reconduite pour assurer pendant huit ans la délégation de service public du transport urbain pour le compte de la métropole. Son directeur général, Hervé Lefèvre, est revenu sur la "bataille de Bordeaux", sur les termes économiques du contrat et les objectifs de l'opérateur, ce matin à l'occasion du Petit Déjeuner de La Tribune - Objectif Aquitaine, organisé en partenariat avec le Crédit agricole d'Aquitaine à l'hôtel Mercure Cité mondiale.
Hervé Lefèvre, directeur général de Keolis Bordeaux
Hervé Lefèvre, directeur général de Keolis Bordeaux (Crédits : Agence Appa)

La renégociation du contrat de délégation de service public (DSP) du transport urbain de Bordeaux Métropole a semble t-il donné lieu à une bataille féroce entre les deux prétendants, Keolis, le sortant détenteur depuis cinq ans du contrat et Transdev, son challenger.

Hervé Lefèvre, directeur général de Keolis Bordeaux (2.500 salariés, 220 M€ de CA annuel, 164 millions de voyages en 2014, 122 trams, 400 bus, 1.500 vélos, 2 bateaux) depuis mars 2013, qui avec son équipe dirigeante a présenté et défendu l'offre du groupe détenu à 70 % par la SNCF et à 30 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec, a rappelé ce matin, en répondant aux questions de Jean-Philippe Dejean, lors du Petit Déjeuner interactif de La Tribune - Objectif Aquitaine que "la compétition a été rude."

"Nous avons dû faire face à beaucoup de désinformation, beaucoup d'intox. Des infos confidentielles ont parfois fuitées. Les partenaires sociaux ont parfois eu une attitude ambigüe. Certains syndicats ont été quelques fois manipulés pour jouer le jeu de la déstabilisation sociale en répondant à des éventuelles sirènes ou en échange de promesses sur leurs statuts. Nos concurrents se sont permis beaucoup de coups."

Une rudesse d'autant plus surprenante que lors du dernier contrat de cinq ans, ce dernier s'est avéré déficitaire de 21 M€ pour un CA cumulé total de 1 Md€. "2014 a été la seule année positive du contrat précédent", reconnaît Hervé Lefèvre. Le résultat net de Keolis Bordeaux ne dépassait pas 1 % du CA.

Moins de 3 % de rentabilité... trop peu pour la concurrence étrangère

"Les opérateurs du transport public ne peuvent dégager plus de 3 % de rentabilité en France. C'est totalement inconcevable. Les grands opérateurs étrangers, anglais notamment ou allemands, sont absents des appels d'offre car ils ne trouvent pas les conditions économiques correctes par rapport au niveau de risque assumé par nous, opérateurs français. Il faut savoir que sur 2,7 Md€ de chiffre d'affaires réalisé en France, soit 50 % de notre CA annuel total, Keolis dégage 27 M€ de résultat.

Le modèle économique du transport public est à bout de souffle. En France, les déplacements urbains sont les moins chers d'Europe et à Bordeaux, lors du dernier contrat, l'offre a progressé de 30 % quand les tarifs, eux, ont progressé de 10 %. Le niveau de contribution du client est trop bas. Il ne dépasse pas 30 % du vrai prix du transport à Bordeaux. Dans le contrat, il est prévu de corriger en partie ce décalage. Via des augmentations de 3 % par an pendant huit ans, on espère que ce ratio prix / prestation atteindra 46 % en 2022. Le réseau de Lyon est arrivé à un taux de 54 % de couverture des dépenses par les recettes. Ce sont les collectivités qui fixent les prix des billets et abonnements politiquement donc il faut savoir expliquer et justifier les augmentations", lâche Hervé Lefèvre.

Dans ce contexte, Keolis s'est quand même battu (2 M€ d'investissement, 15 personnes sur le pont, 50 personnes mobilisées en période de pointe pour présenter et défendre l'offre) pour conserver la DSP du troisième réseau de transport urbain.

"Il faut dire que la collectivité est engagée dans un programme d'investissement colossal, de plus d'1 milliard d'euros pour la phase 3 du tram, les terminaux partiels, la création de nouveaux dépôts... Cela fait de la collectivité le plus important investisseur français dans le domaine de transports publics. Cette DSP de huit ans, pour un montant global de 1,7 Md€, soit 200 M€ par an pour le coût de fonctionnement du réseau, génère entre 65 et 72 M€ de recettes de billetterie. Nous les restituons à la collectivité, ce qui fait que le coût net de fonctionnement du réseau s'élève entre 130 et 135 M€ par an pour la collectivité. A nous de trouver, dans l'enveloppe attribuée par la collectivité, les moyens d'assurer le service dans les meilleures conditions."

"Le challenge est passionnant"

Un des enjeux de cette DSP, pour Keolis, réside précisément dans l'accompagnement de l'extension importante du réseau de Bordeaux Métropole en améliorant le service tout en conservant les moyens de pouvoir investir.

"Bordeaux Métopole, qui peut espérer compter 850.000 habitants à l'horizon 2022, va devenir, dès cette année, le 1er réseau tram de France, en kilomètres comme en rames, avec une centaine de rames. Dans une projection de progression du trafic de 12 % d'ici 2022, nous devons dès le mois de février arriver à proposer des fréquences plus rapides, toutes les 3 minutes 30, contre 4 minutes 30 actuellement. Tout cela sur un réseau qui va passer de 62 km à 77 km d'ici la fin de l'année. Nous rénovons les stations de tram, modernisons 200 stations de bus que nous dotons d'un nouveau système d'information... Le challenge est passionnant."

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Commentaires 3
à écrit le 18/01/2015 à 23:43
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Yann et Philippe : vous pourriez être un peu plus positifs... Le tram fonctionne bien, et est souvent victime de son succès en étant bondé. Pour mettre tout le monde d'accord, disons que Bordeaux doit encore faire beaucoup plus pour améliorer les con...

à écrit le 17/01/2015 à 11:50
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Merci à Keolis de supprimer les emplois dans les parcs relais, et l'option parc+tickets qui va avec. Je reprendrai donc en 2015 ma voiture pour aller de Mérignac à Bordeaux centre avec les embouteillages et je participerai à l'accroissement de la pol...

à écrit le 16/01/2015 à 16:52
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Il est important de préciser que l'augmentation des fréquences de passage ne se fera, pour des raisons de densité, que sur le cœur de la ville et principalement Bordeaux centre. Donc on observera au contraire une baisse des fréquences sur les extrémi...

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