Forum Agroalimentaire Innovation : "En bout de course, il n'y a que le consommateur qui décide"

Comment l'innovation peut-elle répondre aux demandes des consommateurs ? C'est la question à laquelle ont répondu plusieurs dirigeants d'entreprises de Nouvelle-Aquitaine lors de la première table ronde du Forum Agroalimentaire Innovation au Conseil régional. En introduction Thierry Blandinières, directeur général du groupe coopératif InVivo, a rappelé sa vision sur la question.
Après une 1re édition en 2016 dédiée à l'agriculture, le 2e Forum organisé par La Tribune et le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine était dédié à l'innovation dans l'agroalimentaire

"Il faut que notre agriculture s'adapte à ce que souhaite le consommateur aujourd'hui et ce, de plus en plus. Même si les agriculteurs se sont toujours adaptés depuis 1945. C'est sûrement la profession qui s'est le plus remise en cause." C'est l'un des premiers constats de Thierry Blandinières. L'ex-patron du groupe landais Maïsadour et président de Delpeyrat, devenu en 2014 directeur général d'InVivo, principal groupe coopératif agricole français, était le grand témoin du Forum Agroalimentaire Innovation organisé lundi 6 novembre par La Tribune et le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.

"Si les consommateurs veulent des produits sans intrants (pesticides, phytosanitaires, engrais, NDLR) pour une nouvelle agriculture, on va s'organiser pour produire cette qualité de produit », a poursuivi Thierry Blandinières durant sa conférence introductive. « En même temps, il nous faut du temps et des moyens pour ajuster cette production et rendre ce modèle économique pérenne, rentable et résilient."

Alain Rousset Thierry Blandinières

Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et Thierry Blandinières, directeur général du groupe InVivo (crédit agence Appa)

Pour produire autrement, InVivo a mené une expérience sur cinq ans dans 350 fermes françaises pour démontrer qu'il est possible de produire plus et mieux avec de bonnes pratiques. Et le résultat est probant : l'utilisation des intrants a baissé de 17 % et les revenus des agriculteurs ont augmenté de 7 %. "Et tout cela sans nouvelles technologies ! Avec elles, nous allons pouvoir développer l'agriculture de précision. Nous voulons démontrer qu'en les équipant nous allons baisser l'utilisation de intrants de 30 voire 50 % et augmenter le revenu des agriculteurs d'au moins de 15 à 20 %", assure le directeur général d'InVivo qui compte, dans les années à venir, équiper 1.000 fermes avec la pointe de la technologie pour son projet pilote.

Le secteur agroalimentaire s'organise

Aujourd'hui, la Nouvelle-Aquitaine totalise 207.255 hectares bio soit plus de 5,3 % de la surface agricole utile (selon les chiffres 2016 de l'Agence Bio). Un chiffre multiplié par 11 entre 1995 et 2016. L'objectif de la Région à l'horizon 2020 est de passer à 10 % de la surface agricole utile en bio.

"C'est tout à fait possible d'aller chercher les 15 à 20 % de terre bio à l'horizon 2025-2030, à condition de bien accompagner les agriculteurs dans la transformation et dans l'ajustement. Il faut avoir ce temps long et que les opérateurs s'organisent pour soutenir tel ou tel projet", prévoit Thierry Blandinières.

C'est justement l'un des objectifs affichés par Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, qui a ouvert le Forum :

"En tant que 1re région agricole en valeur au niveau européen, nous avons une responsabilité plus importante. Il faut des systèmes d'accompagnement des organisations professionnelles et des syndicats. Pas seulement celles du présent, mais aussi celles du futur. La politique de recherche doit se tourner vers les lycées agricoles, qui est la base de l'agriculture de demain. Que les professionnels soient capables de transférer leurs connaissances directement auprès de futurs agriculteurs."

« Ça va faire l'objet de décision critiques, difficiles dans le mode de production, poursuit Alain Rousset. Se mêlent à la réflexion, quelle est la recherche fondamentale, quelle est la recherche de développement. Quels sont les accompagnements que l'on met auprès de l'agriculture pour que les matériels que l'on met au service de l'agroalimentaire correspondent aux choix des consommateurs ? Le débat que nous avons est un débat existentiel, un débat dont nous ne retrouverons pas les fruits demain mais après-demain. Et c'est toute la difficulté de l'exercice de l'anticipation. Avec un monde agricole, et c'est la difficulté majeure, qui vit d'année en année. »

Le savoir-faire des producteurs néo-aquitains est également mis en avant. Avec 210 produits sous signes de qualité (AOP, IGP, STG...), la Région est leader en la matière. De quoi continuer de développer les produits, notamment grâce aux innovations, mais surtout et avant tout grâce au savoir-faire.

Des démarches déjà menées en Nouvelle-Aquitaine

Le Forum Agroalimentaire Innovation a permis à plusieurs structures représentatives de la filière de venir présenter à un hémicycle comble leurs innovations et leurs méthodes. Comme Laurent Pradeilles, invité de la première table ronde de la journée, directeur général de la société Les Raffineurs de fruits, qui a ouvert son usine dans l'optique de vendre des produits de qualité aux consommateurs. Installé à Saint-Viance, près de Brive-la-Gaillarde en Corrèze, cette jeune entreprise fondée il y a deux ans est spécialisée dans la transformation du fruit, sans additifs, sans conservateurs et sans sucre ajoutés. Que ce soit pour les coulis, les compotées ou les Confruipures (alternative à la confiture), les fruits utilisés sont certifiés sans allergène et sans OGM. Depuis cet automne, une nouvelle gamme bio enrichit l'offre.

Gilles Recour et Laurent Pradeilles

Gilles Recour, directeur de l'Agropole et Laurent Pradeilles, directeur de la société Les Raffineurs de fruits, lors de la table ronde animée par Jean-Philippe Déjean, journaliste de La Tribune Bordeaux (crédit Agence Appa)

De son côté Gilles Recour, le directeur de l'Agropole et du CRT Agrotec dans le Lot-et-Garonne, a présenté l'aide technique apportée aux entreprises de la filière fruits et légumes. La technopole travaille sur les problématiques liées à la recherche et la technologie, mais aussi la création et l'implantation en passant par la formation. 133 entreprises sont implantées à ce jour grâce à ce système. L'Agropole propose aux entreprises de développer une ou des idées novatrices et de les aider à les concrétiser jusqu'à l'implantation. Un soutien qui passe par des tests de viabilité, des études de marchés sur les tendances et les analyses afin de trouver des solutions technologiques qui séduisent les consommateurs.

"Comme cela a été fait avec les gourdes de compotes de pommes par exemple, je pense qu'avec les capacités que l'on a en Nouvelle-Aquitaine, on doit être capables de créer la mode et non pas seulement suivre les tendances de façon conjuguée et concertée, illustre Gilles Recour. À l'Agropole nous sommes déjà capables de faire des préséries aux normes en vigueur, de les mettre en rayon et de voir quel est le comportement du consommateur, parce qu'en bout de course, il n'y a que le consommateur qui décide."

Et il décide dans tous les secteurs de l'agroalimentation, que ce soit les fruits et légumes, les corps gras, la filière lait ou des produits de la mer.

"Il y a encore des choses à faire, les produits vendus dans 5 ans ne sont pas encore inventés. Le consommateur veut plus d'information sur l'origine des produits, de qualitatif, du circuit court, novateur, en grignotage... Je pense qu'on a du travail dans l'ensemble de la Nouvelle-Aquitaine à condition que le moteur de l'innovation fonctionne bien et qu'il n'y ait pas de concurrences internes", conclut Gilles Recour.

Au vu des défis futurs au niveau de l'agriculture mondiale, la France et la Région Nouvelle-Aquitaine peuvent sortir leur épingle du jeu en prenant en compte la santé des agriculteurs et celles des consommateurs qui veulent de plus en plus de transparence notamment sur les produits alimentaires.

« Nous avons de nombreux signes de qualités et je pense que c'est une des batailles à mener dans les futures négociations au moment des accords internationaux ou au niveau de l'Organisation mondiale du commerce, conclut Thierry Blandinière. Il faut faire reconnaître l'origine de la matière première pour plus de sécurité alimentaire. Il y a déjà une prise de conscience aux Etats-Unis, au Canada et en Asie. Ça renvoie aussi à un savoir-faire français et c'est là que je me dis qu'en France on a l'habitude de s'autoflageller. Bien sûr cela n'exclut pas qu'il faut se remettre en cause, mais nous avons une formidable avance dans le monde sur l'image des produits de qualité, sur la sécurité alimentaire et sur le savoir-faire français. Il faut qu'on en soit convaincu et qu'on arrive à le promouvoir dans le monde entier. C'est une bataille médiatique à commencer en France pour réussir à objectiver le débat. »

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