Les “12 travaux” du vin de Bordeaux

Sans se laisser griser par ses récents succès politiques et juridiques, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a profité de son assemblée générale pour présenter ses différents travaux. Ceux qui sont accomplis, ceux qui sont en cours et ceux qu’il lui reste à mener. Face à tous ces travaux, il faut croire qu'en plus du dieu romain Bacchus, le vin bordelais s'est trouvé un nouveau héros, Hercule.
Les travaux ne manquent au CIVB de Bernard Farges (à commencer par ceux de sa façade d'ailleurs), mais les victoires non plus.

L'assemblée générale du CIVB a démarré sur trois bonnes nouvelles.
La première concerne la reconnaissance juridique de l'appellation Bordeaux sur le marché chinois, qui devrait être suivie, d'ici à septembre, par la reconnaissance des 45 indications géographiques protégées (IGP) du vignoble bordelais. Le fait, qui annonce des lendemains plus chantants pour les bordeaux en matière de lutte contre les contrefaçons de ses étiquettes, raisonne comme une "victoire politique", dixit Bernard Farges, président de l'interprofession. Il faut dire qu'annoncée lors de la récente venue du Premier ministre chinois en France, cette reconnaissance fait l'objet d'un travail intense de la part du CIVB, de l'Inao et des personnels diplomatiques de l'Ambassade de France en Chine depuis 2011. Dans quelques semaines, la traduction officielle en mandarin des noms d'appellations bordelaises figurera en bonne place sur les étiquettes des bordeaux vendus en Chine et devrait faciliter l'acte d'achat du consommateur chinois en recherche d'authenticité.

"Nous sommes très heureux d'avoir pu négocier cette reconnaissance de manière bilatérale", précisait le CIVB, stigmatisant au passage une stratégie de négociation européenne sur les appellations d'origine, "que nous désapprouvons totalement", glissait Bernard Farges.

Bonnes nouvelles sur les fronts de la Chine, de la com et de la loi Evin

Politique aussi, la victoire de l'interprofession, bien aidée en cela par les sénateurs girondins Gérard César (Le Républicains) et Gilles Savary (PS), sur la loi Evin. La clarification de cette loi est venue par sa réécriture.
L'amendement du gouvernement, initié par les écrits de Gérard César sur le sujet, vient d'être adopté par l'Assemblée nationale. "Je suppose que la venue du président de la République à Bordeaux à l'occasion de Vinexpo a beaucoup joué pour accélérer les choses", lâchait Bernard Farges à l'évocation de ce dossier bouclé... avant d'enchaîner sur une autre bonne nouvelle, issue de dix ans d'épreuves juridiques franco-françaises celle- là, qui a également marqué le début de l'AG : l'épilogue du litige qui opposait le CIVB et l'Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) sur une campagne publicitaire de 2005 (les portraits de vignerons - lire cet article).

"Comme l'avait dit la cour d'appel de Versailles, nous savons maintenant que les annonceurs que nous sommes ne peuvent être tenus de représenter des professionnels grincheux, au physique déplaisant et paraissant dubitatifs afin d'éviter au consommateur toute tentation d'excès", ironisait Bernard Farges au moment de prononcer son discours devant l'assemblée.

19,88 M€ de budget marketing

Maintenant que les choses sont claires vis-à-vis de la loi Evin et que la jurisprudence est connue, il est plus aisé pour le CIVB de dévoiler ce que sera son programme 2016 en matière de communication et de marketing publicitaire.
Le plan marketing 2016, qui pour le moment ne repose que sur des prévisions de rentrées de récolte 2015 et de campagne commerciale (les chiffres seront affinés et votés en décembre prochain à la lumière de ces informations), montre une certaine constance dans la politique de communication et de publicité du CIVB.
En 2016, il sera du même montant que le budget 2015, à savoir 19,88 M€. Il s'appuie sur une prévision de baisse des volumes commercialisés en 2015 (-1 %), mais aussi sur une hausse attendue de 3 % en 2016 dans les sept pays "priorisés" par la politique marketing du CIVB à savoir : la France, la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Des pays qui concentrent l'essentiel de l'effort budgétaire du CIVB (4,5 M€ sont réservés, sur ce budget total, aux "pays tiers"). En ligne avec le plan "Bordeaux Demain", le CIVB entend consacrer 90 % du budget marketing aux marchés dits prioritaires... qui sont aussi ses clients historiques.

"La promotion est délibérément orientée vers les pays où nous sommes dominants en matières de parts de marché", expliquait le directeur du service marketing François Jumeau. "Nous souhaitons y renforcer encore notre ancrage et c'est pourquoi nous ne réduisons pas nos efforts sur ces marchés qui constituent des valeurs sûres, pour Bordeaux certes, mais qui doivent être des places défendues. Nous sommes clairement dans une stratégie défensive. Nous ne devons pas perdre de positions commerciales sur ces pays", poursuivait-il.

Environnement : sous la menace des "Khmers verts" ?

Parmi les chantiers en cours, le président Farges a rappelé celui des pesticides et notamment le plan d'action bâti par la filière avec la Chambre d'agriculture, la Draaf (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) et le Sral (Service régional de l'alimentation). Ponctué de réunions d'information qui réunissent des centaines de personnes, ce plan, selon Bernard Farges, "permet à la filière de montrer qu'elle prend et prendra toutes ses responsabilités sur le ce sujet". Mais l'élu et producteur rappelle que "toutefois nous ne permettrons pas la mise en danger de nos entreprises, de notre image et de nos salariés par le durcissement inepte du port des équipements de protection individuelle au delà du délai de pré-entrée".
Pour information, ce délai représente la durée pendant laquelle aucune personne ne doit entrer dans un lieu où l'on a appliqué un produit phytosanitaire. Actuellement ce délai est de 6 heures en milieu ouvert et il est question, dans le cadre des futures normes concernant la santé au travail, d'imposer le port des équipements de protection individuelle très au-delà de ce délai actuel de rentrée.
Pour bien marquer l'inquiétude du CIVB sur les dérives supposées d'un tel sujet, Bernard Farges ajoutait une pique en direction de certaines associations écologistes : "Lorsqu'une association va jusqu'à remettre en cause l'utilisation des chevaux et l'usage des produits phytosanitaires cela montre jusqu'où l'idéologie de ces Khmers verts peut aller !". Et d'enfoncer le clou en émettant une hypothèse qui ne va pas plaire aux adeptes du vin bio :

"C'est une hypothèse et une réflexion personnelle qui n'engagent que moi, mais les crises sanitaires que nous connaissons sont peut-être le témoin du fait qu'on est allé un peu trop loin dans ce domaine..."

La Cité du vin et l'œnotourisme

Feu la Cité des civilisations du vin, aujourd'hui rebaptisée Cité du vin, fait également partie des travaux sur lesquels planche l'interprofession. "Cette Cité du vin sera, dès 2016, un moteur fort de l'œnotourisme girondin. Elle doit être conçue en accord avec l'ensemble des partenaires afin qu'elle devienne un outil d'orientation vers le vignobles et ses offres aux visiteurs. C'est l'office de tourisme Bordeaux Métropole qui va gérer cette plateforme œnotouristique, il nous reste à définir son mode de fonctionnement pour qu'il réponde au mieux aux attentes du monde viticole", souligne Bernard Farges qui a mis en place un comité œnotourisme qui portera la voix du monde viticole en la matière et concentre ses travaux sur la plateforme œnotouristique de la désormais "Cité du Vin".

La régulation à l'heure du rosé ?

Autre chantier en cours, celui de la régulation  de la production au regard de la demande des marchés. "C'est un chantier permanent. Nous connaissons à présent les outils permettant la gestion du potentiel de production. Je suis convaincu de notre capacité à réguler notre production bordelaise avec les outils dont nous disposons. Chacun de nous connaît les conséquences désastreuses d'un marché déséquilibré pour notre filière. Au moment où nos marchés semblent redémarrer, la stabilité de nos équilibres et de nos ratios permettra à l'ensemble des acteurs de bâtir des stratégies commerciales dans un environnement serein..." Un environnement serein, c'est ce que semble demander certains producteurs de rosé. En plein boom, ce marché attire de plus en plus de producteurs. L'abondance de rosé sur le marché entraîne une chute des cours. Il est passé de 1.200 à 800 euros pour certains producteurs. Un phénomène qui accrédite le discours du CIVB.
"Chaque déséquilibre de marché amène ce type d'excès. On peut s'engouffrer dans un marché porteur, mais il faut savoir que si tout le monde s'y met, la baisse est automatique", rappelle Bernard Farges.

Mention "Châteaux" et réforme territoriale


Parmi les chantiers qui restent à mener figure celui des accords commerciaux bilatéraux avec la Chine, le Japon est les USA. "Ce dossier a été abordé devant le Président de la République et nous continuerons à le faire à chaque fois que nous le pourrons" précise le président du CIVB. La mention traditionnelle "Château" étant régulièrement au centre des négociations entre Europe est USA, ces derniers souhaitant pouvoir l'utiliser sur les étiquettes de leurs vins. "La mention traditionnelle châteaux est pour Bordeaux extrêmement importante. Nous restons proches de toutes les discussions sur les indications géographiques pour s'assurer que cette particularité bordelaise reste bien au cœur des discussions" souligne Bernard Farges.
Dernier chantier à mener pour le CIVB : celui de la défense de ses intérêts et de sa représentativité  dans le nouveau paysage administratif qui se dessine avec la création des grandes régions.

"Etat et régions doivent maintenant positionner leurs services dans cette nouvelle architecture politique et administrative. La rumeur insiste sur l'implantation du siège de la future Draaf... à Limoges. J'ai eu l'occasion d'écrire au Préfet d'Aquitaine notre opposition à cette implantation qui éloignerait notre interlocuteur régulier des lieux de création d'emplois et de valeur ajoutée qui mérite le soutien de l'Etat. Ce souhait vaut aussi pour l'implantation des futurs services agricoles de la nouvelle région."

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Commentaires 2
à écrit le 08/07/2015 à 6:12
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Monsieur Farges ne doit pas avoir de salariés! En effet la convention collective des exploitations de la Gironde prévoit un délai de ré-entrée après traitement de 24 heures!

à écrit le 07/07/2015 à 18:11
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Merci de cet article. Bordelais vivant aux US depuis pres de 20 ans et Dirigeant d'entreprises dans le domaine des vins et spiritueux, nous avons beaucoup de travail afin de recuperer notre leadership. Pourriez vous S'il vous plait m'envoyer vos coor...

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