Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux en appelle à la mobilisation

L’assemblée générale du CIVB, hier après-midi à Bordeaux, a abordé plusieurs sujets brûlants pour la filière des vins de Bordeaux, voire des vins tout court, en particulier celui d’une définition du mot publicité.
Bernard Farges, ici lors d'un Petit Déjeuner de La Tribune - Objectif Aquitaine le 7 novembre dernier

Lors de l'AG d'hier, Bernard Farges a tout d'abord accueilli de nouveaux membres du CIVB "à voix consultatives". Parmi lesquels se retrouvent aussi bien la Coordination rurale et la Confédération paysanne, que la Direccte (Direction régionale de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), la Ville de Bordeaux, le Conseil régional d'Aquitaine ou la Cité des civilisations du vin.

Le recul de la production de vin de Bordeaux pendant les années 2012 (4,8 millions d'hectos) et 2013 (3,9 millions d'hectos) a entraîné une chute "des sorties facturées" en 2014 à 4,8 millions d'hectos. Ce qui a représenté un recul de 568.000 hectos par rapport à 2013. Le CIVB se finançant à près de 80 % à partir des cotisations assises sur les sorties facturées, le recul de la production a généré un déficit. Anticipé à 2,9 M€, ce dernier a dans les faits été contenu à 1,7 M€, pour un montant de recettes de 36,8 M€, en particulier grâce à des revenus mobiliers (trésorerie placée, gains de change) de 1,4 M€, aux "produits sur exercices antérieurs ainsi que des dépenses inférieures à celles prévues pour le plan Bordeaux Demain (de l'ordre de 700.000 €, NDLR)", a précisé Jean Belaube, secrétaire général du CIVB.

Une absence préfectorale remarquée

Le conseil n'a pas réduit la voilure sur les interventions et son budget promotion (25,4 M€), avec en particulier des actions en France, Royaume-Uni et Allemagne, a progressé de 1,7 M€ par rapport au budget prévu, pour un total de dépenses de 38,6 M€. Le nouveau préfet de Gironde et d'Aquitaine, Pierre Dartout, représenté par François Projetti, patron de la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) d'Aquitaine, s'était fait excuser et le président du CIVB n'a pas vraiment apprécié cette absence du représentant de l'Etat.

"J'imaginais que l'arrivée d'un nouveau préfet dans une région comme la nôtre était chose difficile et complexe. Je le mesure aujourd'hui puisque ses arbitrages d'agenda l'empêchent d'assister à l'assemblée générale de l'institution qui représente la première puissance économique de la région et le premier employeur du département de la Gironde. Mais je le sais, monsieur le préfet, vous aurez sûrement à cœur d'être des nôtres à la prochaine occasion et pour mieux vous en convaincre, je vais, dans le reste de mon intervention, m'adresser à vous", a ainsi déclaré Bernard Farges.

Le président du CIVB intervenait, comme à l'accoutumée, aux côtés des élus des deux grandes familles structurant la filière : les producteurs, représentés par Laurent Gapenne, président de la Fédération des grands vins de Bordeaux, et Allan Sichel, président de la Fédération des négociants de Bordeaux.

Défense du saccharose

Après avoir précisé, chiffres à l'appui, l'importance de la filière des vins de Bordeaux (4 Md€ de chiffre d'affaires, 6.700 viticulteurs, 400 négociants, 45 caves coopératives), Bernard Farges a centré son intervention sur les quatre points cruciaux pour la filière, au traitement desquels il compte bien associer le préfet de Gironde et d'Aquitaine. Il s'agit tout d'abord de la question de l'enrichissement, qui consiste, en cas de besoin, à augmenter la teneur en sucre du moût avant fermentation pour relever le titrage du vin en alcool.

"C'est un sujet de fou, monsieur le préfet ! Le sucre est un élément d'ajustement utilisé partout dans le monde avec deux techniques. L'une est utilisée depuis un siècle. C'est le saccharose. Elle est moins chère, elle rapporte des taxes à l'Etat, elle est tracée et traçable par les services de contrôle et vous allez découvrir dans votre nouveau poste à Bordeaux, que vos services et vous-mêmes allez être mobilisés comme nous pendant des jours pour justifier de ne pas utiliser la méthode plus onéreuse (celle des moûts concentrés rectifiés, NDLR), cela coûterait 20 M€ à Bordeaux, soit l'équivalent de notre budget marketing", a lancé Bernard Farges, dénonçant en particulier l'absence de recette fiscale générée par l'usage de moûts concentrés rectifiés.

Le bio n'est pas le seul modèle

Le deuxième des quatre points concerne l'usage des pesticides et l'impact environnemental de la profession. Bernard Farges a souligné qu'il s'agissait d'un sujet de préoccupation déjà ancien et que le CIVB avait produit "le 1er rapport de développement durable de la filière des vins de Bordeaux" tout en rappelant l'existence d'une batterie de certifications déterminées par le développement durable.

Bernard Farges a toutefois asséné :

"Faire croire et défendre que le bio est le seul modèle capable de répondre aux enjeux environnementaux est une réponse simpliste et idéologique, c'est donc une faute !"

Définir la publicité

Le troisième point est celui qui a mobilisé l'essentiel du temps de l'AG, justifié la venue de Gérard César, sénateur (UMP) de la Gironde, président en particulier du Groupe d'études vigne et vin au Sénat, et celle des dirigeants de Vin & Société, Joël Forgeau, président, et Audrey Bourolleau, déléguée générale. Vin & Société, qui agit "au nom des 500.000 acteurs de la vigne et du vin" en France, est le fer de lance de la filière.

"La bagarre est rude dans notre pays pour lutter contre l'hygiénisme (...) Disons-le clairement, il s'agit de l'Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie - NDLR), qui influence la politique de santé publique dans la lutte anti-alcoolique. Cette politique ne marche pas, l'alcoolisme ne recule pas, le binge drinking (saoulerie) progresse et la consommation de vin baisse en France. Voilà un beau bilan !", a attaqué Bernard Farges.

Cette charge intervenait après que les deux représentants de Vin & Société se soient livrés à une analyse des enjeux politiques actuels autour du texte de la prochaine loi de Santé publique, en première lecture à l'Assemblée nationale, dont un volet est consacré à la loi Evin. Les défenseurs de la filière veulent à tout prix en finir avec le flou juridique qui entoure selon eux la notion de publicité dans la loi Evin.

"La définition de la publicité proposée par le député PS Denys Robiliard, adoptée en commission des Affaires sociales, a été supprimée (...) en séance plénière à l'Assemblée nationale par un amendement porté par le gouvernement, cet amendement aurait permis de clarifier la loi Evin en distinguant la publicité de l'information", ont notamment souligné les dirigeants de Vin & Société.

Objectif de l'association : stopper les attaques alimentées par cette absence de définition, qui a valu à trois titres de la presse nationale (Paris Match, Le Parisien, Les Echos) d'être condamnés en 2007. Ce qui, selon les défenseurs de la viticulture, a provoqué l'autocensure des autres médias au sujet de la consommation de vin.

Négociations bilatérales

Bernard Farges s'est félicité de la bonne mobilisation des élus aquitains dans ce combat, à une ou deux exceptions près. Englué dans la définition de boisson alcoolisée, le vin est traité de la même façon que les alcools forts. Une vision purement chimique qui domine et dont les dirigeants de Vin & Société ont avoué qu'il était difficile de sortir. D'ici le 4 mai, le projet de loi doit arriver au Sénat en deuxième lecture et Gérard César a fait savoir qu'il y aurait mobilisation.

Le quatrième point a porté sur les négociations internationales et Bernard Farges a plaidé pour l'ouverture de négociations bilatérales avec les grands clients des vins de Bordeaux. L'arrêt des taxes sur leurs importations en Chine pour les vins du Chili (2015) et Australie (2019) constituant des avantages compétitifs défavorables au vignoble de Bordeaux. De gros dossiers sont sur le feu et Bernard Farges n'a pas fini de monter en première ligne.

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